Résolution sur les relations UE - Turquie

2007/2596(RSP)

Suite au débat qui a eu lieu le même jour sur les relations UE-Turquie, le Parlement européen a adopté une résolution commune proposée par sa commission des affaires étrangères ; dans laquelle il invite la Commission à préciser dans son rapport régulier sur la Turquie, un certain nombre de questions que ce pays doit examiner en priorité. La Commission doit notamment tout mettre en œuvre pour soutenir le processus de réforme en Turquie et doit rappeler à la Turquie que sa crédibilité passe avant tout par le respect des engagements qu'elle a contractés dans son partenariat pour l'adhésion. En effet, il apparaît que le rythme des réformes a ralenti en Turquie après une vague de réformes sans précédent entre 2002 et 2004.

S’il félicite la Turquie pour l ’organisation d’élections libres et équitables et pour l'élection d’un nouveau président, comme signe d’un renforcement de la démocratie turque, le Parlement n’en attend pas moins une réelle relance des réformes dans ce pays. Il demande ainsi au nouveau président Abdullah Gül d'encourager le pluralisme et l'unité du peuple turc dans un État laïc et de s’engager sur la voie de réformes difficiles mais nécessaires. Il encourage donc le gouvernement turc à rechercher au sein du parlement national et de la société civile un large consensus sur les volets constitutionnels et institutionnels des réformes et rappelle que l'émergence d'une Turquie démocratique et prospère, régie par l'état de droit, sont des points fondamentaux pour l’avenir du pays et de ses relations futures avec l’Union.

Le Parlement trouve plusieurs raisons de se réjouir de ce qu’il se passe actuellement en Turquie :

-         intention du gouvernement turc d'adopter une nouvelle constitution laïque qui protégera les droits fondamentaux de la personne et les libertés fondamentales ;

-         développement économique favorable de la Turquie ;

-         intégration dans le droit turc de l'acquis communautaire dans le domaine de l'énergie.

Il souligne la nécessité d'assurer que la nouvelle constitution garantisse le caractère démocratique et laïc de l'État turc et demande à toutes les parties d'appuyer le processus constitutionnel en cours ainsi que la réforme de l'article 301 du Code pénal.

En matière économique, les députés estiment qu'il est essentiel d'augmenter l'emploi et la cohésion sociale de la société turque. De même, il est capital de renforcer la coopération énergétique avec la Turquie ce pays étant une plaque tournante pour la diversification de l'approvisionnement en gaz de l'Union et occupant une position géostratégique dans la toute al région.

Le Parlement s'inquiète parallèlement de l'ingérence répétée des forces armées turques dans la vie politique : il faut donc mieux contrôler les forces armées et renforcer le poids des autorités civiles dans ce contexte.

S’il se félicite du dialogue entre les sociétés civiles de l'Union et celle de la Turquie, il faut aussi que cette société civile soit soutenue. C’est pourquoi, le Parlement demande à la Commission de faire rapport sur les activités menées à bien pour renforcer la société civile turque et agisse pour venir en aide aux ONG turques en renforçant leur présence dans les diverses régions de la Turquie.

Une nouvelle fois, le Parlement insiste sur les réformes indispensables pour améliorer le fonctionnement du pouvoir judiciaire et la lutte contre la corruption, le respect des libertés et des droits fondamentaux de la personne humaine, la protection des droits de la femme, la mise en place d'une politique de tolérance zéro à l'égard de la torture ainsi que la protection des droits des minorités et des droits tant culturels que religieux en Turquie (voir à cet égard position du Parlement dans INI/2006/2118). Il attend les résultats du contrôle étroit des critères politiques annoncé par la Commission dans sa dernière stratégie d'élargissement et l’invite à publier ces résultats dans son prochain rapport sur les progrès accomplis par la Turquie.

Le gouvernement turc est également appelé à transposer pleinement les dispositions prévues dans l'accord d'association et dans son protocole additionnel et rappelle que le non-respect par la Turquie des engagements prévus dans le partenariat pour l'adhésion pèse lourdement sur le processus de négociation.

Il condamne fermement la récente condamnation de Sarkis Seropyan et Arat Dink et réclame d’urgence la révision du code pénal turc qui permet de restreindre arbitrairement l'expression d'opinions non violentes : pour le Parlement, il s’agit là d'une priorité absolue du nouveau gouvernement turc. Il faut également adopter une loi sur les fondations pour répondre à l'insécurité juridique actuelle concernant le statut des minorités religieuses. De son côté, la Commission est appelée à déterminer de quelle manière l'instrument de préadhésion pourrait être mobilisé pour protéger le patrimoine chrétien. Par la même occasion, le Parlement a fermement condamné l'assassinat de Hrant Dink, le meurtre du prêtre chrétien Andrea Santoro, celui de trois chrétiens à Malatya, l'attaque terroriste d'Ankara ainsi que tous les autres actes de violence motivés par des considérations politiques ou religieuses. Il attend des autorités turques qu'elles fassent toute la lumière sur ces affaires et qu'elles traduisent en justice l'ensemble des responsables. Il insiste pour que le gouvernement turc protège au mieux les groupes, minorités ou particuliers qui se sentent menacés et discriminés. De la même manière, le nouveau gouvernement turc est appelé à prendre des mesures concrètes pour garantir le respect des droits syndicaux.

En ce qui concerne les femmes, le Parlement déplore une nouvelle fois les violations de leurs droits ainsi que les "crimes d'honneur" qui restent un grave sujet de préoccupation dans ce pays. Il demande à la Commission d'insister auprès du gouvernement turc pour éradiquer la violence et les pratiques discriminatoires à l'égard des femmes, et pour créer des refuges pour les femmes en détresse.

Il attire également l'attention sur la nécessité d'une stratégie globale destinée à développer sur le plan socioéconomique le sud-est de la Turquie. Il invite la Commission à préciser dans quelle mesure l'instrument de préadhésion pourrait accompagner les efforts que le nouveau gouvernement turc se doit de faire pour développer cette partie du pays avec l'aide d’autres institutions financières internationales. Á la faveur d’un amendement oral approuvé en Plénière, le Parlement s’est également dit préoccupé par les conséquences des problèmes sociaux, écologiques, culturels et géopolitiques posés par le projet de l'Anatolie du sud-est, qui prévoit des barrages ayant un impact direct sur l'approvisionnement en eau des pays voisins. Il demande à la Commission de suivre de près, dans ses rapports réguliers, le développement de la coopération transfrontalière dans le domaine de l'eau et de promouvoir l'application des normes environnementales de l'Union aux projets de barrages et de mines à grande échelle.

Le gouvernement turc est également appelé à élaborer un plan politique global pour le règlement de la question kurde et à travailler avec la participation des députés kurdes récemment élus à la Grande Assemblée nationale de Turquie, pour améliorer la vie sociale, économique et culturelle de cette région (dans ce contexte, le Parlement se félicite de l'initiative du président Gül de consacrer une première visite au sud-est de la Turquie).

D’autre part, le Parlement condamne fermement les actes de violence perpétrés par le parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et les autres groupes terroristes sur le sol turc. Il assure la Turquie de sa solidarité dans la lutte contre le terrorisme et réitère son appel au PKK à décréter et respecter un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel. Il souligne la nécessité de poursuivre la lutte contre le terrorisme de façon proportionnée à la menace et indique que rien ne peut excuser la violence contre des civils.

Le Parlement exprime son inquiétude face aux conséquences d'une éventuelle intervention militaire des troupes turques dans le nord de l'Irak. Il appelle la Turquie à s'abstenir de toute opération militaire disproportionnée en Irak et appelle ces deux pays à renforcer leur coopération militaire et policière. Il demande également au Conseil de faire pression en faveur d'une coopération concrète entre la Turquie et le gouvernement régional kurde en Irak afin de prévenir des attaques terroristes à partir du nord de l'Irak.

Le Parlement attache une grande importance à l'engagement pris par la Turquie d'entretenir des relations de bon voisinage et réaffirme qu'il attend de la Turquie qu'elle mette un terme à tout blocus économique, fermeture de ses frontières et qu'elle s'abstienne de toute menace ou action militaire à l'égard des pays voisins. Il renouvelle son appel à la Turquie de consentir des efforts sérieux et intensifs pour résoudre les litiges en souffrance avec tous ses voisins et qu’elle engage une discussion franche et ouverte sur les événements du passé. Dans ce contexte, les parlementaires renouvellent l'appel lancé aux gouvernements turc et arménien pour qu'ils engagent un processus de réconciliation et demandent à la Commission de faciliter la réconciliation turco-arménienne dans le cadre de la politique européenne de voisinage.

Le Parlement regrette l'absence de progrès notables sur la voie d'un règlement global de la question chypriote. Il souhaite un règlement global de cette question, basé sur les principes fondateurs de l'Union ainsi que le retrait des forces turques. Une fois de plus, le Parlement demande la reconnaissance par la Turquie de tous les États membres de l'Union, dans la mesure où il s’agit là d’une composante nécessaire du processus d'adhésion de la Turquie à l'Union.

Enfin, le Parlement a tenu à souligner le rôle de la Turquie au Moyen-Orient et invite la Commission à resserrer sa coopération avec le gouvernement turc dans le cadre de la politique communautaire menée dans ces deux zones géographiques.