Relations entre l'Union européenne et la Serbie

2007/2126(INI)

En adoptant le rapport d’initiative sur les relations UE-Serbie de M. Jelko KACIN (ADLE, SI), le Parlement européen se rallie largement à la position de sa commission des affaires étrangères et rappelle, avec elle, que l’avenir de la Serbie est dans l'Union européenne. Pour le Parlement, la Serbie mérite des éloges pour avoir franchi pacifiquement en 2007 une série d'étapes difficiles, dont la dissolution de la Communauté d'États Serbie-et-Monténégro et la tenue d’élections libres et équitables. Á la lumière d’un amendement ALDE adopté en Plénière, le Parlement se félicite également de l’achèvement des négociations techniques sur l’Accord de stabilisation et d’association (ASA) UE-Serbie, interrompues durant des mois et estime qu’avec l’adoption de cet accord, la Serbie réaffirmera son avenir européen. La Plénière appelle dès lors les parties à ne plus retarder la signature de cet accord.

Dans un amendement adopté en Plénière, le Parlement rappelle que la désintégration de la Yougoslavie a eu « des conséquences dévastatrices, avec les morts et les souffrances humaines qu’elle a causées », de sorte que la réconciliation interethnique est devenue un facteur essentiel pour assurer la stabilité de la région. En ce qui concerne la question de la collaboration de ce pays avec le Tribunal pénal international pour l'ex‑Yougoslavie (TPIY), la Plénière s’est rallié à un amendement socialiste félicitant la volonté du gouvernement serbe de collaborer avec le TPIY. Toutefois, la Plénière estime que cette collaboration doit mener à des résultats supplémentaires rapides. Il prend acte des progrès récents mis en lumière par la Procureur général du TPIY, Carla del Ponte mais demande à la Serbie de résoudre les questions pendantes en ce qui concerne la coopération totale avec le TPIY avant la prochaine visite du Procureur à Belgrade. Pour le

Plénière, la signature de l’ASA ne peut intervenir qu’après que ces questions aient été résolues.

Le Parlement se félicite de l'arrestation et du transfert à La Haye de plusieurs anciens hauts responsables recherchés pour crime de guerre et crime contre l’humanité (Zdravko Tolimir et Vlastimir Đorđević) et attend de nouvelles arrestations, comme l’a promis le Premier ministre Koštunica (y compris celle de Ratko Mladić). Il rappelle que la coopération sans réserve avec le TPIY est une obligation internationale et que les serbes devraient honorer leurs engagements en adoptant une déclaration dénonçant le génocide de Srebrenica. Dans ce contexte, le Parlement se dit favorable à la prolongation du mandat du TPIY au cas où des criminels de guerre présumés seraient arrêtés après cette date.

Sur la question du Kosovo, le Parlement a  réaffirmé qu'un règlement du statut de cette région serait de nature à « consolider la stabilité dans les Balkans occidentaux et à faciliter l'intégration de la région dans l'Union européenne ».

Au plan économique, si force est de constater que la Serbie a accompli des progrès économiques importants depuis 2000 (avec un taux de croissance de 5% par an), le Parlement indique que ceci ne s’est pas marqué par une réduction de la pauvreté, ni par une baisse du chômage (+ de 20% de la population active). Il importe donc que le gouvernement serbe s'engage en faveur de la création d'emplois et adopte des mesures de développement économique plus équilibrées dans tous les districts du pays.

D’autres efforts sont nécessaires pour améliorer la situation du pays : il faut augmenter la confiance dans l'état de droit, renforcer l'économie de marché et stimuler la croissance serbe. Il faut également s’appuyer sur les points positifs de la nouvelle Constitution serbe, laquelle comporte des dispositions positives concernant les droits de l'homme. Des lacunes évidentes subsistent toutefois en matière de protection des minorités ou en matière de corruption dans le domaine judiciaire. Le Parlement s’insurge contre le fait que l’adoption de cette nouvelle Constitution ne s’est pas faite avec l’assentiment de la population ni grâce à un débat parlementaire adéquat.

La Plénière souligne que l’aide de l’UE devrait être distribuée d’une façon qui tienne compte de la structure territoriale et administrative de la Serbie avec la participation des autorités locales. La distribution des fonds communautaires devraient également être prise en compte sur le territoire de la Voïvodine. Les autorités serbes sont également appelées à étendre le champ d’application de la décentralisation territoriale en Voïvodine.

En matière de droits de l'homme, le Parlement estime qu’il faut trouver des solutions durables pour les réfugiés et les déplacés internes (DPI) en Serbie, d'autant que ce pays accueille toujours un très grand nombre de réfugiés de Croatie et de Bosnie-Herzégovine ainsi que du Kosovo. Il déplore vivement que l'on n'ait pas respecté l'échéance de la fin 2006 prévue par la déclaration de Sarajevo sur le retour des réfugiés pour adopter un cadre juridique clair couvrant, entre autres, le droit au retour des réfugiés et le droit à un dédommagement en matière immobilière. Pour sa part, l’Union est appelée à affecter des ressources financières suffisantes à la question des réfugiés. Pour autant, il n’est pas question, non plus, de modifier l'équilibre ethnique initial de la Serbie. Il faut donc pleinement respecter la convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la protection des minorités de 1995.

Conscients des progrès manifestes en matière de lutte contre la criminalité organisée etcontre la corruption, le Parlement déplore le fait que la corruption reste un problème grave en Serbie auquel il importe de répondre. D’autres domaines méritent l’attention comme la réforme de la police, des services de sécurité et de l'armée et le renforcement du contrôle de l'armée par les civils. Le gouvernement serbe doit également agir pour garantir l'indépendance des juges. Le Parlement déplore en particulier le non‑fonctionnement du Tribunal constitutionnel, ce qui ne contribuerait pas à asseoir la démocratie dans ce pays. Il déplore également le manque de transparence des procès nationaux engagés sur les crimes de guerre : en effet, les procès éviteraient de remonter la chaîne de commandement des actes délictueux comme le prouve le procès intenté à plusieurs membres du groupe paramilitaire des "Scorpions" pour l'exécution de musulmans de Srebrenica et dont la sentence ne correspondrait pas au caractère haineux du crime.

En ce qui concerne l’histoire récente de la Serbie, le Parlement estime que les serbes ont le droit de savoir quel type de politique belliqueuse et génocidaire on a mené en leur nom. Or, la population semble assez mal informée et il faut maintenant « affronter honnêtement le passé », estime Parlement, et faciliter ainsi la réconciliation avec les voisins de la Serbie. Á cet égard, le Parlement appelle le gouvernement serbe à réactiver la commission "Vérité et réconciliation" de 2001 et demande à la Commission de promouvoir des initiatives visant à faciliter les contacts interrégionaux. Dans la foulée, le Parlement félicite le Président serbe qui a présenté ses regrets aux croates pour les crimes de guerre commis par des serbes au cours de la guerre 1992-1995. La Plénière voit dans ce geste la marque d’une détermination du gouvernement actuel à coopérer avec ses voisins. Pour le Parlement, la réconciliation et la justice sont indispensables pour assurer la stabilité et le développement de toute la région et pour favoriser l’intégration dans l'UE. Dans ces circonstances, toute manifestation d'intolérance ethnique ou de racisme doit être bannie.

En matière de coopération régionale et de relations de bon voisinage, la Serbie doit poursuivre ses efforts et intensifier sa coopération transfrontalière avec ses voisins. La Plénière a réaffirmé dans amendement, que la Serbie devait promouvoir des relations de bon voisinage avec la Bosnie‑Herzégovine et tous les voisins du sud-est européen. Il faut également favoriser le règlement de la question des frontières avec la Croatie et la Bosnie‑Herzégovine. Des améliorations sont également attendues dans les relations de la Serbie avec la Voïvodine ou avec certaines populations albanaises réparties dans le pays. Des efforts sont également attendus pour améliorer la situation des Roms et d’autres minorités de ce pays, notamment via l’application de la nouvelle législation applicable à la protection des droits des minorités.

Le Parlement invite parallèlement le Conseil et la Commission à allouer des ressources financières suffisantes à la commission internationale pour les personnes disparues (CIPD), afin de permettre à cette organisation de mener à bien, pour 2010, son travail d'identification de toutes les personnes disparues sur le territoire de l'ancienne Yougoslavie. Il espère en outre que la Serbie s’engagera sur la voie de réformes vigoureuses en matière de lutte contre le trafic des êtres humains et de liberté des médias. Dans ce domaine, le Parlement attend des autorités serbes de réelles avancées, notamment en vue d’améliorer le statut de la Radio-télévision de Serbie (RTS). Il déplore en particulier la façon inappropriée dont l'Agence nationale de radiodiffusion a attribué les fréquences nationales et le fait qu’aucun progrès n'ait été constaté dans l'élucidation des affaires d'assassinat de journalistes.

En ce qui concerne la société civile, le Parlement note tout d’abord que le tissu des ONG est assez bien organisé en Serbie mais il faut encore améliorer la situation juridique des organisations de la société civile. Il attire également l'attention sur le fait que certaines organisations étaient systématiquement dénigrées lorsqu’elles débattaient des crimes de guerre.

Parallèlement, le Parlement s’est félicité de la signature du récent accord sur la facilitation des visas et de l’accord parallèle sur la réadmission. Il engage le Conseil à veiller à ce qu’une feuille de route soit établie sur la circulation sans visa des citoyens (en particulier des jeunes). Il demande également à la Serbie de réformer son système éducatif ainsi que sa législation en matière environnementale, afin de la faire se rapprocher de la législation européenne.

Le Parlement demande au Conseil, à la Commission et à tous les États membres d’accroître la visibilité de l'Union européenne en Serbie.

Enfin, la Plénière invite sa commission des affaires étrangères et sa sous-commission « Droits de l’homme » à suivre de près la situation en Voïvodine, territoire où l’on enregistre encore (mais de moins en moins) des incidents interethniques. Pour le Parlement, il faut favoriser le développement de minorités dans une Voïvodine multiethnique. Plus loin, l’UE devrait financer des programmes destinés à renforcer la tolérance et la compréhension dans cette région.