Production d'opium à des fins médicales en Afghanistan

2007/2125(INI)

En adoptant par 368 voix pour, 49 contre et 25 abstentions, le rapport d’initiative de M. Marco CAPPATO (ALDE, IT), le Parlement ne se rallie qu’en partie à la position de sa commission des affaires étrangères et nuance en Plénière, son projet de recommandation au Conseil sur la production d'opium à des fins médicales en Afghanistan.

Le Parlement rappelle en 1er lieu que selon les Nations unies, l’Afghanistan aurait produit en 2006 quelque 6.100 tonnes d’opium, soit 50% de plus qu’en 2004. Il indique également que près de 40% du produit intérieur brut de l'Afghanistan est lié au pavot et que plus de 3 millions de personnes travaillent à sa culture générant ainsi un revenu de 1.965 dollars USD par an et par famille.

Le Parlement rappelle également qu’en 2007 la valeur « départ exploitation » de la récolte d'opium s'est élevée à 1 milliard de dollars, c'est-à-dire 13% du PIB afghan légal. Or, la valeur potentielle totale de la récolte nationale d'opium de 2007 pour les exploitants et pour les trafiquants afghans serait de 3,1 milliards de dollars, ce qui représente près de la moitié du PIB national légal de l’Afghanistan (de 7,5 milliards de dollars).

Pendant ce temps, l'Union européenne continue de financer la réduction de l'offre d'opium en Afghanistan, au moyen de toute une panoplie de projets qui visent pour l’essentiel à favoriser d'autres sources de revenu aux afghans que les cultures illicites. Á la lumière d’un amendement PPE-DE approuvé en Plénière, le Parlement estime que l'Union devrait maintenant davantage agir pour parvenir à une réduction drastique de la production d'opium (en participant au Fonds d'affectation spéciale pour la lutte contre les stupéfiants et au Fonds de bonnes performances) dans la mesure où, selon l' »enquête annuelle 2007 sur le pavot à opium en Afghanistan de l'ONUDC », la production d'opium dans ce pays a doublé en à peine 2 ans, faisant de l’Afghanistan le fournisseur exclusif de la drogue la plus dangereuse au monde (soit 93% du marché mondial des opiacés). Le Parlement souligne toutefois que le nombre de provinces qui ne cultivent plus d'opium a plus que doublé, passant de 6 en 2006 à 13 en 2007 en raison de la réussite de programmes d'aide offrant un revenu de substitution, de l'amélioration de la sécurité dans le nord ainsi que d'un programme de sensibilisation comportant un régime de primes pour ceux qui obtiennent de bons résultats, et que la moitié de l'ensemble des cultures afghanes d'opium se situe maintenant dans la seule province de Helmand.

Quoiqu’il en soit, le Parlement estime que la lutte contre la production de stupéfiants en Afghanistan devrait « obéir à une approche différenciée selon les régions » et être dirigée vers les régions les plus pauvres et donc les plus tributaires de l'opium sachant que les insurgés, les seigneurs de la guerre, les talibans et les groupes terroristes tirent leur principale source de financement du commerce de stupéfiants illicites.

Parallèlement, ce pays a également mis en place des stratégies de lutte contre la drogue et de remplacement de la production d’opium. Le gouvernement afghan a notamment établi une commission de réglementation de la drogue, composée de fonctionnaires des ministères de la lutte contre les stupéfiants, de la santé et des finances, afin de "réglementer l'octroi des licences, la vente, la distribution, l'importation et l'exportation de toutes les drogues à des fins licites dans le pays". Á la lumière d’un amendement PPE-DE oral approuvé en Plénière, la production et la distribution légale du pavot doit toutefois satisfaire à la Convention des Nations unies de 1961 sur la culture du pavot et doit s’exercer sous la supervision d’un organisme d’État (notamment, dans les provinces méridionales où le pavot est encore massivement cultivé).

Il y a par ailleurs une autre issue, telle que celle proposée par le Conseil de Senlis (un club de réflexion international sur la sécurité et le développement) en 2007, lequel a présenté un dossier circonstancié décrivant comment le pavot pouvait être produit à des fins médicales, car d’après l’OMS, seulement 10 pays du monde consomment quelque 80% des opiacés légalement disponibles à des fins analgésiques alors que les 180 autres pays restants -en majorité des pays en développement- sont largement sous-dotés (la prescription d’analgésiques étant carrément insuffisante dans les pays les plus pauvres, selon l’Organe international de contrôle des stupéfiants). Il y a donc là une piste à exploiter (même si la production d'opium en Afghanistan dépasse de loin la demande… donc il ne s'agirait que de plantations sur une surface restreinte, et dans le cadre "d'une surveillance stricte sur place").

Dans ce contexte, et à la lumière de plusieurs amendements PPE-DE approuvés en Plénière, le Parlement recommande au Conseil de :

  • s'opposer, dans le cadre de programmes de développement intégré, au recours à la fumigation en tant que moyen d'éradiquer le pavot en Afghanistan ;
  • mettre sur pied, et de soumettre au gouvernement afghan, dans le cadre de programmes de réduction de l'offre illicite soutenus par l'Union, un plan et une stratégie globaux visant à maîtriser la production des stupéfiants en Afghanistan en : i) améliorant la gouvernance et en luttant contre la corruption aux niveaux les plus élevés de l'administration afghane (ex. : Ministère de l’intérieur afghan); ii) recourant aux instruments juridiques internationaux existants ; iii) ciblant des actions contre les principaux trafiquants sur le terrain ; iv) renforçant le développement rural dans son ensemble, dans les régions les plus pauvres et dans celles qui, à ce jour, ne produisent pas d'opium à grande échelle ; v) lançant, avec prudence et de manière sélective, une opération d'arrachage à la main et en étudiant la possibilité de projets pilotes en vue de la conversion sur une petite échelle de parties de l'actuelle zone de culture illicite du pavot en champs destinés à la production d'analgésiques licites à base d'opium (cette production devant faire l’objet d’une surveillance stricte sur place avec l’aide du PNUCID -Nations unies- qui serait chargé de superviser la production et de prévenir toute réorientation de la production vers d’autres marchés illégaux comme l’héroïne notamment) ;
  • offrir son aide pour examiner la faisabilité d'un projet pilote scientifique "Le pavot pour la médecine" qui étudiera la manière dont l'octroi de brevets pourrait contribuer à soulager la pauvreté, à diversifier l'économie rurale, à favoriser le développement général et à accroître la sécurité et à aider l'Afghanistan tout en veillant à prévoir un mécanisme excluant les régions où le rétablissement récent de l’état de droit et l’élimination ou la réduction de ces cultures qui s’en est suivie, pourraient être facilement remis en cause.