Avenir des régimes de sécurité sociale et de pension: leur financement et la tendance à l'individualisation

2007/2290(INI)

La commission de l'emploi et des affaires sociales a adopté le rapport d’initiative de Mme Gabriele STAUNER (PPE-DE, DE) sur l'avenir des régimes de sécurité sociale et de pension: leur financement et la tendance à l'individualisation.

Considérations générales : face à la nécessité de couvrir les risques sociaux et de garantir la viabilité des systèmes de sécurité sociale et de pension mais aussi de préserver les fondements des modèles sociaux européens, les députés appellent les États membres à chercher un équilibre entre les dépenses sociales et l'activation sociale et à attirer davantage de personnes vers des emplois de qualité et sûrs, assortis d'une sécurité sociale obligatoire. Les députés estiment qu’il faut également promouvoir la croissance et la création d'emplois, qu’il faut moderniser les systèmes de protection sociale (notamment par l'intermédiaire d'une plus grande différenciation dans les formules de prestations et les mécanismes de financement) et accroître l'investissement dans le capital humain grâce à l'innovation et à la formation tout au long de la vie.

Les députés appellent la Commission à suivre de près les réformes des régimes d'assurance sociale et de pension dans les États membres, en comparant les répercussions qu'elles ont eues jusqu'ici sur l'emploi des femmes et en mettant l'accent sur les meilleures pratiques pour réduire les écarts salariaux entre les deux sexes et mieux concilier la vie professionnelle et la vie familiale.

Face à l’évolution démographique, les députés estiment qu’il faudra préserver l'équilibre entre la viabilité économique des systèmes de sécurité sociale et de pensions d'une part et la couverture des risques sociaux, d'autre part. Ils rappellent à cet égard leur position selon laquelle pour promouvoir un système de protection sociale économiquement viable, le droit communautaire du travail devrait renforcer les contrats de travail à durée indéterminée en tant que forme prédominante des relations de travail, garantissant une protection sociale et sanitaire appropriée ainsi que le respect des droits fondamentaux.

Les députés rappellent également que le principe de solidarité entre les générations est au cœur du modèle social européen, et qu'il est financé essentiellement grâce aux cotisations des salariés et des employeurs et de la fiscalité du travail. Or, d’après les dernières projections, d'ici à 2030, le ratio entre population active et population inactive s'établira à 2:1. Ce qui signifie qu’à l’avenir le système actuel de solidarité fera lourdement peser la pression sur les actifs. Il faudra donc des solutions alternatives, faut de quoi, c’est tout le principe de solidarité et, partant le modèle social européen, qui risque de s’effondrer.

Les députés invitent également la Commission et les États membres à élaborer des politiques visant à faire en sorte que les personnes qui s'occupent de personnes dépendantes, des femmes surtout, dont beaucoup sont contraintes à quitter le marché du travail, ne subissent aucune conséquence négative pour leur pension.

En ce qui concerne la tendance actuelle à l'individualisation, les députés estiment qu’elle contribue à la modernisation des second et troisième piliers des systèmes de sécurité sociale, sans remettre en question le premier pilier. Ils demandent à la Commission d'approfondir les recherches sur l'impact de l'individualisation des droits sociaux sur l'égalité de traitement des femmes et des hommes. Ils indiquent en outre que l'égalité entre les hommes et les femmes doit figurer parmi les objectifs des réformes des régimes de sécurité sociale et de pension.

Les députés invitent également la Commission et les États membres à sensibiliser davantage les jeunes adultes à l'importance de commencer rapidement à accumuler des droits à pension.

Population active : face au recul de la population active, des solutions s’imposent. Les députés soulignent tout d’abord la nécessité de permettre un départ à la retraite flexible sur la base du volontariat, de modifier l'organisation du travail et de faire un usage intelligent des nouvelles technologies. Il faut également améliorer les services d’aide à l’enfance et  aux membres de la famille dépendants afin de réduire le nombre de personnes qui travaillent à temps partiel pour pouvoir s’en occuper. Dans ce contexte, des politiques actives d'emploi pour les femmes, les jeunes et les personnes âgées doivent être mises en œuvre. Il faut également pouvoir débattre dans les États membres du relèvement de l'âge légal de départ à la retraite et encourager tous les travailleurs à rester actifs autant que les conditions le leur permettent, sur base du volontariat. Les partenaires sociaux devraient négocier de nouveaux accords allant dans ce sens et des incitations financières devraient être proposées pour encourager les travailleurs à demeurer sur le marché du travail après l'âge légal de la retraite. Parallèlement, les députés appellent la Commission à s’assurer que les citoyens de l'UE qui travaillent et résident dans un État membre d'accueil ne perdent ni partiellement ni totalement leurs droits en matière de sécurité sociale.

En ce qui concerne les phénomènes migratoires et leur potentiel impact sur les systèmes de sécurité sociale, les députés estiment que l'incidence à long terme de l'immigration sur le vieillissement de la population est incertaine puisqu’elle dépend des tendances des flux migratoires, du regroupement familial et du taux de natalité des migrants. Globalement toutefois, les députés reconnaissent que les immigrants peuvent être à l'origine d'un rééquilibrage des régimes de sécurité sociale s'ils occupent des emplois réguliers et contribuent ainsi au financement de ces régimes.

Pensions : les députés invitent sérieusement les États membres à repenser les systèmes de pension traditionnels et à adapter les systèmes de sécurité sociale conformément aux réformes du système de retraite, sachant que le parcours de vie présumé standard est en évolution rapide et que les parcours en "mosaïque" sont appelés à devenir de plus en plus fréquents, entraînant imprévisibilité et précarité pour de nombreuses personnes (immigrants, travailleurs peu qualifiés, parents isolés …). Les députés insistent tout particulièrement sur la nécessité d'une transformation des régimes de retraite afin de parvenir à un marché du travail flexible.

Parallèlement, les députés estiment qu'un recours accru à des solutions autres que les régimes nationaux de retraite, comme les régimes complémentaires, pourrait constituer une alternative viable. Les députés évoquent en particulier les retraites privées ou les régimes complémentaires individuels fondés sur l'épargne. Toutefois, l'existence de ce type de retraite accroît la nécessité d'une régulation adéquate des fonds de pension privés, la transférabilité de ces pensions et la promotion et la modernisation permanente (y compris une flexibilité plus grande) de ces alternatives.

Les députés insistent sur la nécessité d’un système de retraite durable et soulignent qu'une structure composée de 3 piliers constitue une solution équilibrée, à condition qu'elle soit largement accessible. Ils proposent donc que les régimes statutaires (premier pilier) soient accompagnés de régimes de retraite professionnelle collectifs (deuxième pilier) et de produits complémentaires individuels (troisième pilier). Dans ce contexte, les députés appellent la Commission à élaborer un cadre adapté et réaliste de réglementation et de surveillance des produits de pension européens, en faisant notamment en sorte que ces pensions bénéficient de la portabilité.

Sachant que les femmes sont particulièrement exposées aux interruptions de carrière (pour les enfants ou pour s’occuper d’une personne à charge), les députés soulignent qu'il est nécessaire d'indemniser les femmes et de leur donner de véritables choix en matière de procréation et de responsabilités de garde sans qu'elles aient à redouter d'éventuelles répercussions financières ou de détérioration dans la progression de leur carrière professionnelle. Les députés demandent en particulier que la Commission et les États membres prennent des mesures pour interdire la pratique consistant à baser le niveau des paiements et des cotisations sur des facteurs actuariels fondés sur le sexe.

Parallèlement, les députés demandent la révision de la directive 2003/41/CE du Parlement européen et du Conseil sur les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle, afin de créer un régime de solvabilité solide, adapté aux institutions de retraite professionnelle.

Ils soulignent au passage la nécessité d'un accroissement de la participation et de la contribution des salariés aux régimes actuels de pension afin de garantir aux individus un niveau de retraite approprié et soulignent que les employeurs devraient continuer à contribuer de manière appropriée aux régimes à cotisations définies.

Viabilité financière : les députés estiment qu’il faut préserver des niveaux de financement suffisants pour les régimes de sécurité sociale et de pension. Pour y parvenir, les députés jugent qu’il faudra réduire la dépendance à l'égard de la fiscalité du travail de manière à accroître la compétitivité des économies des États membres et donner plus d'incitations au travail. Il faut également envisager de nouvelles taxes et/ou alternatives pour améliorer la viabilité financière des dépenses sociales, ce qui réduirait la pression fiscale sur les revenus les plus faibles. Dans ce contexte, les députés estiment que les États membres doivent veiller à la viabilité de leurs finances publiques afin de faire face aux pressions croissantes liées au vieillissement démographique. Ils soulignent également que les politiques financières des États membres devraient être élaborées de manière durable, grâce à un partage équitable de la charge fiscale entre les salariés, les consommateurs, les entreprises et le revenu du capital, ainsi qu'entre les générations. Ils invitent ainsi les États membres à affecter, chaque année, dans le cadre de leur loi budgétaire, des crédits au paiement des pensions futures et évoquent la nécessité de débattre d'un passage progressif des régimes de prévoyance par répartition aux régimes de prévoyance par capitalisation.

Soins de santé et de longue durée : les députés estiment qu’il faut préserver les valeurs et les principes fondateurs de tous les systèmes de santé dans l'Union, parmi lesquels la couverture universelle, la solidarité du financement, l'égalité d'accès et la prestation de soins de santé de qualité. Pour les députés, en améliorant l'organisation et la fourniture de services, il sera aussi possible d’améliorer la qualité et l'efficacité financière des services de santé. Vu l'augmentation projetée des coûts des soins de santé, les députés estiment que les États membres devront inévitablement réfléchir à leur financement, prioritairement en ce qui concerne les soins de longue durée (sachant que certaines personnes nécessitent une aide coûteuse ou des soins de santé de très longue durée).

Constatant que la privatisation des régimes de sécurité sociale, le but lucratif et la concurrence entre les intermédiaires financiers, rendent plus coûteuse la gestion des systèmes de soins de santé, les députés appellent les États membres qui appliquent déjà le système du payeur unique à le maintenir.

Pour les députés, il est également inacceptable, eu égard à la libre prestation de services et au droit des assurés de choisir librement leur médecin, que les États membres refusent de rembourser leurs citoyens pour tout traitement reçu à l'étranger.

En ce qui concerne les réformes des systèmes de sécurité sociale, les députés estiment que les États membres ne devraient pas se cantonner à une approche purement financière lorsqu'ils remanient leur cadre légal de régimes de sécurité sociale. Pour les députés, le point de départ de toute réforme doit consister en une analyse minutieuse du système existant et de son financement afin de cerner les lacunes et les secteurs à problèmes. Ils attirent également l’attention des États membres sur les menaces de réformes mal préparées sur la qualité et l'offre de services de santé à l’avenir. Il faut également éviter que les États membres ne se braquent sur les seuls mécanismes de contribution au moment de la réforme des régimes de sécurité sociale. Pour les députés, un relèvement du niveau des contributions liées à l'emploi ou un relèvement des cotisations privées des patients constitueraient une mauvaise solution, à l’effet potentiellement désastreux sur l’état de santé des citoyens à faibles revenus. En effet, l'accès des citoyens à faibles revenus à des services de santé de qualité doit rester une priorité de l’Union et un préalable à la réalisation de l'objectif de Lisbonne en matière de plein emploi. Les députés demandent au contraire à la Commission de tenir compte des aspects d'égalité des droits entre tous les citoyens de l'Union en ce qui concerne les systèmes de santé de qualité, afin d’éviter toute forme de discrimination entre eux en matière de santé. Enfin, les députés préconisent que les États membres contribuent à l'efficacité et à l'équité de leur système de santé en réduisant le nombre de groupes ("pools") de risques ou en créant un groupe unique national facilitant l'orientation et la coordination dans l'ensemble du système.