Le présent rapport porte sur
l’application de la directive 2001/29/CE. Il se limite à évaluer comment les articles
5, 6 et 8 de la directive ont été transposés par les États membres et comment
ils sont appliqués par les tribunaux nationaux.
- Exceptions et limitations :
plutôt que de compter sur les exceptions et les limitations, les
tribunaux nationaux ont le plus souvent eu recours à une interprétation
téléologique des droits de reproduction afin d’exempter certaines
utilisations de la protection des droits d’auteur. Les tribunaux ont
également utilisé la notion de “consentement tacite” du titulaire des
droits pour atteindre ce résultat. Parmi les 21 exceptions, celles qui
ont attiré le plus l’attention (et qui sont susceptibles d’avoir le plus
grand impact sur l’environnement numérique) sont : l’exception
obligatoire pour les actes temporaires de reproduction ; les
exceptions pour les copies privées ; les exceptions au profit des
bibliothèques, des établissements scolaires, des archives et des
musées ; les exceptions aux fins de reportage sur des événements
d’actualité ; les limitations pour la citation, la critique et
l’examen ; et l’exception de parodie.
- Copies provisoires : l’article
5(1) de la directive, qui complète la directive sur le commerce
électronique, exempte, par exemple, les reproductions sur les routeurs
Internet, les reproductions créées pendant la navigation sur le web ou
les copies créées dans la mémoire d’accès aléatoire (RAM) d’un
ordinateur, les copies stockées sur les mémoires caches locales des
systèmes informatiques ou les copies créées sur les serveurs d’accès.
Rares sont les cas de jurisprudence sur l’application de l’Article 5(1)
de la directive bien que ce rapport cite l’affaire du Copiepresse
en Belgique.
- Copies privées : à
l’exception de l’Irlande et des Nations Unies, tous les États membres
ont mis en œuvre l’exception de la reprographie et l’exception de
l’utilisation à titre privé. Les dispositions nationales sont cependant
très différentes.
- Exceptions au profit des
bibliothèques : la directive autorise les États membres à faire une
exception pour les droits de reproduction pour certaines reproductions
faites par certaines organisations à but non lucratif. Tous les États
membres ont mis en œuvre ces dispositions. Cependant les révisions
nationales varient.
- Compte rendu d’événements
d’actualité : les exceptions autorisant le compte rendu d’événements
d’actualité sont des exceptions à la fois au droit de reproduction et au
droit à la communication au public. Certains États membres ont adopté
une large définition des entités qui constituent le terme
« presse ».
- Citations à des fins de
critique ou de revue : l’article 5(3)(d) permet les citations à des
fins de « critique ou de revue ». La critique et la revue ne
sont donc que des exemples de justifications possibles pour les
citations. Dans l’affaire Copiepresse contre Google, le tribunal
belge a retenu que les citations doivent être auxiliaires au travail les
incorporant et utilisées afin d’illustrer un avis émis. Le service Google.News
ne pouvait pas se baser sur l’exception des citations pour justifier
le déploiement sur son site de titres et le début de phrases d’articles
sur l’actualité.
- Parodies : l’article
5(3)(k) de la directive exempte les cas d’utilisation “à des fins de
caricature, de parodie ou de pastiche”. La mise en œuvre de l’exception
pour la parodie dans les législations nationales varie. Il n’existe pas
d’exception de parodie dans la législation du Royaume-Uni. Par contre,
d’autres législations nationales prévoient une exception pour la parodie
(par exemple la France et la Belgique) ou abritent les parodies sous la
tutelle d’une utilisation transformative (les pays nordiques) ou d’une
défense de la « libre utilisation » (Allemagne et Portugal).
Cependant le champ d’application de la règle de “libre utilisation”
semble assez étroit. La Cour régionale de Hambourg, dans sa décision
« onglets » a soutenu que la reproduction d’onglets sur
Internet ne constitue pas une « utilisation libre » de l’image
originale.
- Mesures de protection
technologiques : pour rappel, la directive met en œuvre les
obligations internationales conformément à l’Article 11 du traité de
l’OMPI sur le droit d’auteur et l’Article 18 du traité de l’OMPI sur les
interprétations et exécutions et les phonogrammes. La directive exige
des États membres qu’ils prévoient la protection contre les actes de neutralisation
des dispositifs techniques et contre les transactions dans ces
dispositifs de neutralisation.
- Connexion entre TPM et
droit d’auteur : selon la directive, la protection des TPM (Technology
Protection Measures) complète la protection du droit d’auteur. La directive
demande aux États membres de protéger les TPM dans le respect des
travaux ou n’importe quel sujet couvert par “le droit d’auteur ou
n’importe quel droit lié au droit d’auteur comme prévu par la loi ou par
le droit sui generis dans les bases de données ». Les TPM mis en
application pour protéger d’autres sujets ou travaux dans le domaine
public ne sont pas protégés par la directive. La protection des TPM
prévue dans la directive est donc distincte de la directive 98/84/CE sur
la protection légale des services basés sur ou consistant en un accès
conditionnel. La directive traite de la réception non autorisée de
l’accès conditionnel aux services, qui peuvent ou non contenir un
contenu protégé par la propriété intellectuelle.
- Dispositifs de
neutralisation : l’article 11 du traité de l’OMPI sur le droit
d’auteur n’inclut pas l’interdiction des dispositifs de neutralisation.
La directive interdit une série d’actes concernant les dispositifs de
neutralisation, et va au-delà du Traité de l’OMPI. Dans l’affaire Heise
Online, une cour allemande a soutenu que des programmes qui
proposent des dispositifs de neutralisation pourraient être interdits en
vertu de la disposition qui couvre l’importation de « dispositifs
de neutralisation ». La cour a également soutenu que la liaison
avec un site web offshore, où le logiciel est disponible, constitue un
acte de violation.
- TPM efficace : en
vertu de l’article 6(3), la définition des mesures technologiques couvre
un large éventail de technologies. Une mesure technologique est
considérée comme efficace si elle réalise l’objectif de protection. La
plupart des États membres ont transposé littéralement cette définition,
à l’exception de la Slovaquie et la Suède.
- Relations entre les mesures
technologiques, les exceptions et les limitations : aux termes de la
directive, le bénéfice de certaines exceptions devrait être conservé par
des mesures volontaires des titulaires de droits, y compris les accords
entre eux et les autres parties concernées. En l’absence de mesures
volontaires adéquates, l’article 6(4) demande aux États membres de
conserver le bénéfice de ces exceptions. Cette disposition laisse une
large marge de discrétion aux États membres dans le choix des mesures
appropriées visant à assurer le bénéfice de certaines exceptions
pour les utilisateurs. Les États membres ont favorisé un large éventail
de solutions différentes comme (1) aucune mise en œuvre (Autriche,
République Tchèque, les Pays-Bas qui laissent au pouvoir exécutif le
droit d’agir lorsque cela est nécessaire); (2) l’introduction de mesures
de médiation ou d’arbitrage (Finlande, Danemark, Estonie, Grèce,
Hongrie); (3) recours devant les tribunaux (Belgique, Allemagne,
Espagne, Irlande); (4) recours à des mesures administratives avec
décisions exécutoires au moyen de peines et d’amendes, menant dans
certains cas à la mise en place d’organismes administratifs
(France). Il est possible de faire appel de ces décisions devant les
tribunaux.
- Mesure de redressement par
voie d’injonction contre les intermédiaires : l’article 8(3) de la directive
oblige les États membres à veiller à ce que les titulaires de droit soient
en mesure de solliciter un redressement par voie d’injonction contre les
intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour violer
le droit d’auteur et les droits voisins. Dans un nombre limité d’États
membres (Autriche, Grèce, Lettonie, Belgique), l’article 8(3) a été mis
en œuvre dans la législation nationale. Dans d’autres États membres, l’article
8(3) relève du champ d’application de la législation existante.