Mise en œuvre des fonds communautaires en Afghanistan

2008/2152(INI)

En adoptant à l’unanimité le rapport d’initiative de Mme Véronique MATHIEU (PPE-DE, FR) sur le contrôle budgétaire des fonds de l'UE en Afghanistan, la commission du contrôle budgétaire rappelle qu’au cours des différentes conférences internationales, l'Union européenne et la communauté internationale se sont engagées à accorder à l'Afghanistan, une aide d'un montant supérieur à 8 milliards EUR dont la part de l’Union se monte (entre 2002 et 2007) à 1,4 milliards EUR (dont 174 Mios EUR au titre de l'aide humanitaire). Cette aide se décompose en aides directes (970 Mios EUR ou 70% de l'aide communautaire) ou indirectes distribuées par le canal des ONG européennes ou par les Nations unies (13% des fonds) et la Banque mondiale (17% des fonds).

Bilan de l'utilisation des fonds européens : faisant le point sur les secteurs prioritaires de l’aide octroyée à l’Afghanistan, les députés indiquent qu’il existe, grosso modo, 2 sources principales de difficultés rencontrées pour la distribution de l'aide internationale: 1) la faible capacité d'absorption du pays sur les plans économique et administratif ; 2) le manque de coordination entre les donateurs et les autorités afghanes. Pour les députés, le manque de coordination est principalement lié à la carence des structures gouvernementales locales et à l'absence d'une véritable stratégie gouvernementale. En outre, la multiplicité des donateurs et leur volonté d'affirmer leur visibilité ont largement contribué à des stratégies nationales isolées, voire dans certains cas à des doubles emplois dommageables. C’est ce manque de coordination, favorisant la corruption, qui a contribué à pénaliser la reconstruction du pays jusqu’ici.

Les parlementaires déplorent également la piètre qualité de la gestion des fonds par l'administration centrale afghane. Il est donc temps d’adapter l'aide de l'UE en conséquence, notamment pour la phase future de l’aide (2010-2013). De son côté, le gouvernement afghan doit faire de la mise en place d'un État de droit et de la lutte contre la corruption et le trafic de drogues une de ses priorités politiques majeures, sans quoi, aucun progrès durable ne pourra être mis en œuvre en Afghanistan.

Les députés mettent toutefois en évidence les secteurs où les progrès ont été les plus sensibles : soins de santé, éducation et infrastructures (routières notamment). La mortalité infantile a également drastiquement diminué (de 22% en 2001 à 12,9% en 2006) et les premiers signes de développement se font jour en matière d'éducation et d'égalité des genres.

Renforcer les contrôles : pour s’assurer que l’aide européenne arrive à bon port, les députés appellent la Commission à utiliser au mieux l’arsenal juridique dont elle dispose pour défendre les intérêts financiers de l'Union en Afghanistan. Ils rappellent que la Cour des comptes européenne peut aussi effectuer des contrôles, de même que toutes les agences des Nations unies et la Banque mondiale. Les députés souhaitent notamment que les Nations unies et les autres organisations internationales gérant les fonds de l'UE, coopèrent avec la Cour des comptes et l'Office européen de lutte antifraude (OLAF), ainsi qu'avec l'Unité d'inspection commune des Nations unies pour assainir l’octroi des fonds. Les députés mettent également l'accent sur la nécessité d'améliorer la coordination des dons entre les donateurs en Afghanistan et en appellent à des mesures draconiennes pour améliorer l'efficacité du soutien apporté par l'UE et augmenter sa visibilité.

Les députés font ensuite une série de recommandations pour améliorer la qualité et l’efficacité de l’aide. Les principales recommandations peuvent se résumer comme suit :

  • en matière de coordination et de visibilité de l'aide internationale: les députés exigent que l’on résolve le problème de manque de coordination de l'aide financière à l'Afghanistan, et ce, à tous les niveaux (aide des États membres et aide de l’UE). La Commission est appelée à élaborer une stratégie impliquant les donateurs et les autorités afghanes, dans ce domaine, stratégie à incluant des mesures d’harmonisation des procédures d’octroi. Les députés demandent également des mesures destinées à renforcer l’efficacité de l’aide. Entre autres mesures, les députés demandent la clarification des modalités de gestion des aides directes au budget afghan, notamment par un renforcement du contrôle parlementaire sur ce type d’aide ainsi que l’augmentation de la transparence des fonds octroyés. Les députés demandent en outre une évaluation de l’ensemble des opérations de coopération de la Communauté en Afghanistan ainsi qu’une meilleure visibilité des actions de l'Union, tant localement que vis-à-vis des citoyens européens. Les députés soulignent, par ailleurs, l’urgente nécessité d’octroyer des ressources financières suffisantes à des actions en faveur de l'égalité entre les sexes ;
  • au niveau des secteurs prioritaires de l'aide : les députés souhaitent que l’accent soit prioritairement mis sur les problèmes affectant la vie quotidienne, la santé, la sécurité et l'accès aux services publics et l'éducation de base des afghans. Il s’agit de se concentrer sur la réforme du système de justice pénale, notamment la police et le pouvoir judiciaire, en garantissant le respect des droits de l'homme, des droits des femmes et des enfants, sur la lutte contre la pauvreté, le développement rural et le règlement du problème majeur de la production d'opium. Des efforts devraient également être faits pour renforcer les capacités locales. Par ailleurs, les députés souhaitent que l’on renforce le contrôle budgétaire des fonds octroyés au titre de la mission de police en Afghanistan (EUPOL Afghanistan). Ils attirent en outre l’attention sur le développement de l'agriculture en vue de prévenir une possible crise humanitaire ainsi que sur la nécessité de lutter contre la toxicomanie (notamment, celles des femmes).
  • en matière de contrôle des fonds de l'Union: une fois de plus, les députés exigent un net renforcement des contrôles sur la gestion de l'aide financière de l'Union. Ils demandent à la Commission de fournir au Parlement européen un rapport annuel en la matière. Ils demandent que tant la Commission que l'OLAF restent mobilisées pour contrôler la destination des aides et diligentes des enquêtes sur place, si nécessaire. Les députés s’inquiètent par ailleurs du sort des humanitaires largement exposés à des risques d’attentat. Sur place, la détérioration de la sécurité entraîne de graves difficultés pour le personnel de la délégation de la Commission à Kaboul notamment et augmente les coûts de gestion des projets soutenus par la Commission. C’ est pourquoi, les députés demandent à la Commission de renforcer les effectifs de cette délégation, compte tenu du contexte prévalant en Afghanistan et d’augmenter les financements liés à la sécurité des coopérants ;
  • au niveau de l'assistance au développement de la capacité de l'administration afghane : les députés souhaitent que des efforts plus résolus soient mis en œuvre pour renforcer les institutions afghanes et lutter contre la corruption. Pour les députés, il est essentiel de renforcer les programmes de bonne gouvernance et de formation du personnel de l'administration et de la police. Les députés insistent pour que la communauté internationale obtienne du gouvernement afghan une plus grande transparence dans l'allocation des ressources aux provinces et aux autorités locales. Ils demandent également une plus grande implication des organisations locales et des acteurs non étatiques à la mise en œuvre des actions ainsi qu’un rapprochement des délégations interparlementaires du Parlement européen et des deux chambres du parlement afghan (la Wolesi Jirga et la Meshrano Jirga) en vue de favoriser la bonne gouvernance parlementaire. Les députés insistent enfin sur le développement de partis politiques, de la société civile et des médias en Afghanistan. Ils mettent notamment l’accent sur la nécessité de prévoir un budget électoral spécifique dans la perspective de prochaines élections dans ce pays. Globalement, les députés en appellent à un net accroissement des moyens dévolus à la lutte contre le trafic de stupéfiants et à l'abandon définitif de la culture du pavot, comme ils l’ont déjà souligné dans d’autres résolutions parallèles.