En adoptant le rapport d’initiative de M. Nirj DEVA (PPE-DE, RU) sur les perspectives de consolidation de la paix et de construction nationale en situation d'après-conflit, la commission du développement rappelle que près de la moitié des pays qui sortent d'un conflit retombent dans une situation de conflit dans les 5 années qui suivent, en rappelant au passage que quelques 42 conflits civils sont en cours dans le monde. Dans ce contexte, les députés s’interrogent sur le meilleur moyen de consolider la paix dans ces pays et réaffirment le "devoir de protection" qu’ont les États vis-à-vis de leur population.
Pour consolider la paix, les députés estiment qu’il faut en passer par 2 phases : une 1ère phase de stabilisation destinée à renforcer la sécurité, l'ordre public et la prestation de services de base, et une 2ème phase de construction de l'État qui porte sur la gouvernance et le raffermissement des institutions.
Prévenir les conflits : les députés estiment qu’il faut s'attaquer aux causes profondes des conflits en mettant en place des mécanismes d’analyse des signes avant-coureurs des États fragiles. Á cet effet, la Commission devrait mettre en place une stratégie de prévention des conflits au sein même des mesures de coopération au développement, en s’assurant que les populations touchées par un conflit disposent d'un niveau minimum de services de base, notamment en ce qui concerne l'accès à la nourriture, à l’eau, à des équipements d’assainissement, aux médicaments, aux soins de santé (notamment de santé génésique) et à la sécurité des personnes.
Renforcer la coordination civile/militaire : dans les situations de post-conflit, la transition de la sécurité militaire à la sécurité civile doit s'effectuer le plus rapidement possible, et les forces internationales doivent être progressivement complétées et remplacées par une force de police civile nationale et régionale, professionnellement formée. Il importe donc de former les forces de police locales mais aussi de continuer à développer les capacités militaires de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) afin que l'Union et ses États membres puissent mieux répondre à la stabilisation et au développement des sociétés après un conflit.
Réformer la sécurité : les députés souhaitent que l’accent soit clairement mis sur la réforme du secteur de la sécurité (RSS), le désarmement, la démobilisation et la réinsertion (DDR) en tant qu'éléments essentiels permettant d'assurer une paix à long terme et un développement durable dans les pays concernés. C’est pourquoi, les députés invitent le Conseil et la Commission à accélérer la mise en œuvre sur le terrain du cadre de la politique communautaire pour la RSS et du concept européen d'appui concernant le DDR, en portant une attention particulière aux pays dans lesquels l'Union a déjà déployé des missions PESD.
Associer les femmes à la stratégie post-conflit… : les députés demandent à l'UE d'inclure une perspective hommes-femmes dans ses efforts d'aide à la RSS après la fin des conflits. Pour les députés, toute stratégie de réconciliation doit tenir compte des femmes mais aussi des enfants (notamment, les enfants-soldats) et associer ces personnes à tous les niveaux, y compris lors des négociations et de la mise en œuvre des accords de paix. Les femmes doivent également être associées aux activités économiques dans les sociétés sortant de conflits, de manière à promouvoir leur autonomie socio-économique et leur pouvoir d'entreprendre via, par exemple, le microcrédit.
…et en finir avec les violences sexuelles et l’impunité : les députés estiment qu'il est indispensable de mettre fin à l'impunité dont jouissent les auteurs de violences sexuelles à l’égard des femmes et appellent à exclure toute forme d'amnistie contre ce type de crime. Il faut garantir aux femmes et aux jeunes filles une protection légale et un accès ouvert à la justice et soins génésiques. Les députés demandent également la tolérance zéro pour les membres des forces de maintien de la paix et des ONG qui se rendent coupables de violences sexuelles.
Réfugiés : les députés estiment qu’il faut accorder une haute priorité au retour volontaire des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays (PDI) tout en garantissant à ceux-ci des moyens de subsistance durables. Les PDI devraient être répartis dans tout le pays et relogés dans leurs villages ou villes d'origine, et non rassemblés en un même lieu, les exposant à d’ultérieures situations de conflit et de violence. Les députés insistent tout particulièrement pour promouvoir le regroupement familial et la réinsertion des enfants touchés par des conflits armés.
Réintégrer les anciens combattants et les enfants soldats : la proposition de la Commission en matière de DDR devrait prendre en compte les anciens combattants, afin de les aider à les réintégrer au plus vite dans la société civile. Les députés soulignent également que le phénomène des enfants soldats et des filles recrutées au sein des forces armées et soumises à des abus sexuels doit être contré avec force. Globalement, les députés réaffirment leur engagement à protéger les droits des femmes et des enfants dans les situations post-conflit.
Renforcer la gouvernance : les députés soulignent que la légitimité de tout État ne peut reposer que sur une bonne gouvernance : des mesures doivent donc être prises pour renforcer les institutions, les processus électoraux et les mécanismes de lutte contre la corruption. Ils appellent la Commission à créer une unité de déréglementation qui pourrait conseiller les pays sortant d'un conflit sur la façon d'organiser leur infrastructure économique après un conflit et à faire redémarrer le pays aussi vite que possible. Les députés soulignent notamment la nécessité de supprimer les contrôles bureaucratiques empêchant ou freinant la création de petites entreprises, l'ouverture de comptes bancaires ou l'enregistrement de la propriété foncière et insistent sur la nécessité de renforcer les contrôles sur l'utilisation des ressources.
Renforcer le système judiciaire : rappelant que la paix n’était pas « l’absence de guerre », les députés indiquent qu'il ne saurait y avoir de paix sans justice. C’est pourquoi, ils insistent sur la mise en place de mesures destinées à renforcer la justice dans les situations de post conflit : la justice est en effet essentielle pour les victimes et les tribunaux doivent fonctionner au mieux pour juger les crimes de guerre et sanctionner les criminels. Les députés proposent dans ce cadre, d'examiner la possibilité d'établir un registre des violations des droits de l'homme commises durant le conflit. Parallèlement, les députés demandent des mesures pour permettre l’enregistrement des naissances et le suivi les biens fonciers afin de permettre aux réfugiés de retrouver leurs biens à leur retour.
Associer les communautés locales : les députés soulignent que le soutien aux communautés locales, aux familles, aux organisations de la société civile, y compris les organisations féminines est indispensable pour garantir le succès de la politique de développement. Ils appellent dès lors la Commission et les États membres à apporter un soutien politique et financier aux acteurs locaux luttant pour la paix et les droits de l'homme. Ils rappellent que l'instauration d'une paix durable dépend, à maints égards, de la participation de la population locale au processus de paix. Ils soulignent au passage que certaines organisations de la société civile peuvent faciliter le dialogue entre les groupes en conflit.
Favoriser la médiation : les députés soulignent également la nécessité de mettre en place des commissions de paix permanentes comprenant des membres influents de toutes les parties belligérantes pour éviter d'autres violences à grande échelle. Il s’agit également de prévoir des interlocuteurs capables de renforcer la cohérence au niveau des donateurs.
Rôle de l’Union : les députés appuient pleinement le programme de l'UE pour la prévention des conflits violents ainsi que les mesures de sécurité et de développement envisagées dans le cadre du Plan d'action de l'UE pour 2009. Ils demandent toutefois à la Commission d'accorder une haute priorité à la mise en œuvre de mesures liées à la consolidation de la paix et insistent sur le rôle des missions de l'UE (notamment, les équipes de médiation et de négociation, les forces de police et de maintien de la paix). Les députés soulignent en particulier la nécessité de renforcer la dimension hommes-femmes à la fois au niveau de la prévention et de la résolution des conflits, des opérations de maintien de la paix, de la reconstruction et de la remise en état après la fin des conflits. Parallèlement, les députés soulignent le rôle moteur de l'aide au développement pour consolider la paix et prévenir la guerre dans les États fragiles. Ils soulignent que la Commission a l'obligation de soutenir les efforts des pays partenaires pour développer leurs capacités démocratiques sur le plan intérieur (contrôle parlementaire et capacités de vérification des comptes), notamment lorsque l'aide communautaire est en jeu, sous la forme d'un appui budgétaire. Ils demandent que des mécanismes de suivi et de contrôle soient mis en place de manière à s’assurer que les ressources budgétaires allouées par l'UE arrivent à bon port.
Rôle du Parlement européen : enfin, les députés soulignent leur volonté de continuer à participer activement aux travaux organisés par la Commission sur les situations de fragilité et déplorent la lenteur des travaux de la Commission et du Conseil dans ce domaine. Ils invitent la Commission à tenir le Parlement pleinement informé des mesures prises et à renforcer les meilleures pratiques dans les dossiers exigeant une vaste collaboration entre les acteurs politiques, militaires, humanitaires et ceux du développement, en matière de prévention des conflits, de médiation, de maintien de la paix, de respect des droits de l'homme, d'état de droit, d'aide humanitaire, de reconstruction et de développement à long terme.