En adoptant le rapport de M. Gay MITCHELL (PPE-DE, IE), la commission du développement a approuvé, sous réserve d’amendements, la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant établissement d'une facilité de réponse rapide à la flambée des prix alimentaires dans les pays en développement.
Globalement, les députés estiment que le Parlement doit avoir son mot à dire sur les dépenses relatives à la facilité et qu’il convient de lever toute incertitude budgétaire pesant sur le financement de ce nouvel instrument d’aide au développement.
Les principaux amendements approuvés en 1ère lecture de la procédure de codécision, peuvent se résumer comme suit :
Financement de la facilité: les députés ont tenu à rappeler que le milliard EUR envisagé dans la proposition par la Commission était issu de la rubrique 4 des perspectives financières (PF). Or, pour couvrir les besoins découlant du règlement, la Commission envisage de puiser directement dans les financements non nécessaires pour 2008 (750 Mios EUR) ou dans les financements qui ne s'avéreront vraisemblablement pas nécessaires en 2009 (250 Mios EUR) de la rubrique 2 des perspectives financières (politique agricole), ce qui pose des problèmes en termes de respect du principe de spécificité budgétaire. Les députés indiquent dès lors dans la proposition de résolution qui accompagne les amendements, que le montant de référence figurant dans la proposition n'était pas compatible avec le plafond de la rubrique 4 de l'actuel cadre financier sans un ajustement du plafond des PF conformément à l'accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 (AII). En tout état de cause, le financement de cette facilité ne devrait pas compromettre le financement des autres priorités et des engagements actuels de l'UE et le Parlement devrait engager des négociations avec l'autre branche de l'autorité budgétaire en vue de parvenir, en temps voulu, à un accord sur son financement. Les députés précisent en outre que le montant de la facilité devrait être fixé annuellement dans le contexte de la procédure budgétaire classique. Ils envisagent en outre d’examiner toutes les possibilités de financement qui s’offrent à eux, y compris l'extension de la réserve d'aide d'urgence tout en acceptant de ne pas dépasser la limite prévue par la Commission du milliard EUR. Dans l’attente, ils précisent que si une partie ou la totalité des crédits de la facilité provenait de la marge disponible prévue à la rubrique 2 des PF, une marge d’au moins 600 Mios EUR devrait être maintenue chaque année pour cette rubrique.
Objectifs : les députés clarifient les objectifs prioritaires de la facilité. Il s’agit de répondre à la flambée des prix alimentaires à court ou à moyen terme en : a) augmentant de façon durable la productivité dans les pays et régions cibles, dans le contexte d’un développement à moyen terme, b) soutenant des activités destinées à répondre rapidement et directement aux besoins alimentaires des populations locales. L’objectif des députés est de clairement distinguer les objectifs à moyen et à court terme de la proposition et d’établir des mesures visant à offrir un "filet de sécurité" aux populations les plus directement et les plus gravement touchées par la flambée des prix alimentaires.
Éviter des effets pervers : les députés veulent éviter que certains effets pervers ne découlent de la mise en œuvre de la proposition. Ils proposent dès lors que la facilité soit mise en œuvre de telle sorte qu’elle garantisse l'approvisionnement des populations locales en denrées alimentaires, en évitant de favoriser l'apparition d'une agriculture exclusivement orientée vers l'exportation de matières premières vers les pays développés, ce qui serait contradictoire aux objectifs poursuivis par cette action, étant donné que les besoins locaux seraient négligés, outre le risque d'entraîner une concurrence déloyale par rapport aux productions européennes.
Implication de la société civile : les députés éliminent l'exigence prévue par la Commission que la mise en œuvre des actions passe « exclusivement » par des organisations régionales ou internationales. En effet, pour les députés d’autres mécanismes pourraient s'avérer plus adaptés aux conditions particulières des pays éligibles. En tout état de cause, quelles que soient les institutions qui seront choisies par la Commission pour mettre en œuvre la facilité (organisations internationales, régionales ou d'autres types d’institutions), les députés estiment qu’il faudra y associer des organisations paysannes, des organisations de producteurs et leurs partenaires. En outre, chaque fois que cela sera possible, la participation des ONG aux projets menés par les organisations internationales devra être garantie. La Commission devra en outre s’assurer d’un accès prioritaire aux petits exploitants.
Pays éligibles : afin d'optimiser l'utilité et l'incidence de cette aide, les ressources seront concentrées sur un maximum de 35 pays-cibles de première priorité ; ces pays seront retenus sur la base de critères définis à l’annexe de la proposition et en coordination avec les autres donateurs. Les pays bénéficiaires devraient être sélectionnés en fonction notamment de leur dépendance à l’égard des importations de denrées alimentaires, du niveau de la hausse des prix des aliments par rapport à l'inflation ou encore de la capacité de production agricole de ces pays.
Comitologie : les députés revoient la procédure de comitologie pour les mesures d’accès à la facilité. Ces amendements visent à prévoir une structure comitologique classique pour ce type de législation ‑ un comité de gestion ‑ avec des délais réduits permettant une prise de décision rapide en 2008. Il s’agit également d’introduire une procédure de comitologie qui donne au Parlement le droit à une information automatique complète.
Additionnalité et complémentarité : pour éviter toute forme d’incohérence ou de chevauchements entre la proposition et d'autres instruments concernant les mêmes pays, les députés clarifient le type d’instruments communautaires à mobiliser en complémentarité de la présente facilité dans les pays concernés. Il s’agit en particulier de l’aide humanitaire, de l’Instrument de coopération au développement (ICD), de l’Instrument de stabilité et de l’Accord de Cotonou. Tel qu’il est, le texte de la proposition risque de compromettre également le caractère additionnel des financements relevant de la facilité en empêchant tout soutien apporté par d'autres instruments allant dans le même sens. Les députés modifient dès lors le libellé de la proposition pour éviter toute confusion.
Plan prévisionnel de financement : avant d’engager le financement de la facilité, la Commission devra établir un plan prévisionnel précis de son utilisation, comprenant le détail de toutes les mesures envisagées, avec leurs objectifs quantifiés, la part du financement qui leur est respectivement alloué, puis les moyens prévus pour la gestion administrative de la facilité elle-même.
Mesures de soutien : les députés aménagent le type de soutien envisagé par la facilité. Ils prévoient ainsi de soutenir de manière plus précise les petits exploitants mais aussi les exploitantes. Ils prévoient également des mesures de soutien aux services agricoles (ex. : formation professionnelle), aux infrastructures et marchés locaux, etc. Lorsque la facilité vise à venir en aide aux mesures destinées aux intrants et aux services agricoles, ces derniers devront, dans la mesure du possible, être achetés sur place et éviter toute forme de dumping. Les aides devraient également aller à l'octroi de microcrédits aux petits producteurs agricoles. Les députés s’opposent en outre fermement à ce que l’aide puisse aller à la production de matières premières pour la fabrication de produits exotiques ou de luxe (par exemple cacao, thé, tabac, café) ou de biocarburants. Des mesures d'appui administratif serait également envisagée- en ce compris l'organisation de l’implication des organisations paysannes et des ONG – à hauteur de 2% du montant total de la facilité (au lieu de 1% dans la proposition).
Contrôle des aides : les députés renforcent toutes les mesures de contrôle prévues dans le projet de règlement. Ils prévoient en outre un nouvel article qui précise que la Commission et le Parlement devront scrupuleusement examiner le versement des fonds aux organisations internationales et les dépenses dans les pays cibles, afin de garantir une utilisation efficace et rationnelle des crédits de l'Union, dans le respect de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide.
Éligibilité : les députés aménagent le type d’organisations pouvant accéder aux financements. Ils listent dès lors toutes les formes d’entités, organisations et institutions éligibles en précisant que les grandes agences internationales (Banque mondiale, agences des Nations unies telles que FAO, UNICEF et PAM) ne pourront être éligibles qu’à 40% du montant total de référence financière de la facilité. Les députés estiment en outre que ce nouveau type d’éligibilité est plus cohérent avec l’ICD.
Types de financements : les députés apportent également des précisions au type de financements envisagés par la facilité. La liste des types de financement est empruntée à l'ICD, mais simplifiée pour refléter le caractère d'urgence du règlement. Il pourrait s’agir de projets ou de programmes, de soutiens budgétaires (transferts directs de fonds dans les budgets des pays bénéficiaires de l'aide) ou de contributions aux organisations internationales ou régionales.
Suivi et évaluation : la Commission devra suivre et analyser les activités menées au titre de la facilité, le cas échéant en faisant effectuer des évaluations extérieures indépendantes. Elle devra également tenir dûment compte des propositions du Parlement ou du Conseil concernant ce type d’évaluations.
Information du Parlement européen : les députés demandent que le Parlement soit régulièrement informé des actions mises en œuvre en étant associé aux évaluations des actions entreprises. Un rapport devra ainsi être transmis au Parlement en 2011 (et non en 2012) sur l’aide fournie au titre du règlement. Un 1er bilan provisoire de la facilité devrait également être envisagé en septembre 2009.
Révision de l’annexe : l’annexe de la proposition est revue afin de fixer une liste de critères à appliquer pour sélectionner les pays ciblés et les critères d'aide financière par pays.