Le multilinguisme: un atout pour l'Europe et un engagement commun

2008/2225(INI)

OBJECTIF : proposer un cadre d’action pour améliorer le multilinguisme dans l’Union européenne.

CONTEXTE: l’Union compte quelque 500 millions de citoyens, 27 États membres, 3 alphabets et 23 langues officielles. Bien que cette diversité linguistique soit une source d'avantages et de richesse, elle constitue également un défi considérable si elle n'est pas assortie de politiques appropriées : elle peut creuser le déficit de communication entre les personnes et accentuer les divisions sociales ; elle peut également empêcher les citoyens et les entreprises de l'Union d'exploiter pleinement les perspectives du marché unique et créer des obstacles à la coopération administrative transfrontalière.

Dans sa communication de 2005 intitulée « Un nouveau cadre stratégique pour le multilinguisme » (voir INI/2006/2083), la Commission avait déjà souligné la nécessité d'une stratégie plus globale de promotion du multilinguisme. C’est ce que s’emploie à proposer la présente communication, en se fondant sur l’expérience acquise par l’Union dans ce domaine et réinsérant le multilinguisme dans le contexte plus vaste de l'action de l'UE en matière de cohésion sociale et de prospérité.

CONTENU : l’objectif est de réduire les obstacles rencontrés par les citoyens et les entreprises et de répondre également au défi posé par l’Union « une langue + 2 », défini par les États membres à Barcelone (à savoir communiquer dans la langue maternelle, plus 2 autres langues).

Les mesures proposées par la Commission pour rencontrer ces objectifs peuvent se résumer comme suit :

1°) Multilinguisme et dialogue interculturel : dans ce domaine, la Commission envisage de:

  • accorder de l'importance à toutes les langues en ne les distinguant pas : pour cela, il faut d’abord bien maîtriser la ou les langue(s) nationales de base ;
  • surmonter les obstacles linguistiques dans l'environnement local en favorisant l’offre d’informations dans plusieurs langues dans le cadre des « guichets uniques » prévus par la directive sur les services qui seront mis en place dès 2009.

Pour rencontrer ces objectifs, la Commission : i) mènera des campagnes de sensibilisation sur l'apprentissage des langues pour le dialogue interculturel; ii) observera les compétences linguistiques des citoyens au moyen d’indicateurs linguistiques et d'enquêtes Eurobaromètre; iii) s'emploiera à favoriser l'échange de bonnes pratiques et à former des interprètes et traducteurs assermentés, ainsi qu'à mettre au point des outils de traduction spécifiques. De leur côté, les États membres : i) s’efforceront de mettre en place les guichets uniques prévus par la directive sur les services de sorte que l’information délivrée existe en plusieurs langues; ii) faciliteront l'accès des locuteurs non natifs à des cours ciblés dans la ou les langue(s) du pays d'accueil.

2°) Multilinguisme et prospérité : pour profiter de la diversité linguistique de l’Union, la Commission envisage des actions dans les domaines suivants :

  • langues et compétitivité : de meilleures compétences linguistiques permettraient d’éviter aux PME exportatrices de perdre quelque 11% de leurs contrats d’exportation. Il faut donc élaborer des stratégies destinées à améliorer les compétences linguistiques dans les entreprises ;
  • langues et employabilité : les compétences linguistiques et interculturelles augmentent les chances de trouver un meilleur emploi. La possession de compétences dans plusieurs langues favorise la créativité et l'innovation ainsi que la mobilité des travailleurs.

Dans ce contexte, la Commission: i) encouragera la mobilité des étudiants, des apprentis, des travailleurs et des jeunes entrepreneurs; ii) diffusera les résultats d'une étude concernant le lien entre compétences linguistiques, créativité et innovation; iii) créera une plate-forme permanente pour l'échange de meilleures pratiques en la matière. De leur côté, les États membres devront : i) valoriser et développer les compétences linguistiques acquises en dehors du système de l'enseignement officiel; ii) encourager les organismes de promotion du commerce à mettre au point, à l'intention des PME, des programmes de formation linguistique; iii) assortir les programmes communautaires en faveur de la mobilité d'un accompagnement spécifique aux niveaux national et local.

3°) Éducation et formation tout au long de la vie : l’action de l’Union devra être dirigée dans 2 directions : ouvrir l’apprentissage à un maximum de citoyens et améliorer la qualité de l’apprentissage des langues :

  • plus de chances d'apprendre plus de langues : dans près de la moitié des États membres, les étudiants n'ont toujours pas la possibilité d'étudier 2 langues au cours de leur scolarité obligatoire. Il faut donc s'employer à motiver les étudiants et à adapter les méthodes d'enseignement à leurs besoins. Par ailleurs, l'apprentissage des langues, en dehors de l'enseignement formel, doit davantage faire appel aux médias, aux nouvelles technologiques, ainsi qu'aux activités culturelles et récréatives. Des efforts supplémentaires doivent en outre être faits pour accroître le nombre de langues enseignées, en tenant compte de la situation locale ;
  • un enseignement des langues efficace : il est jugé essentiel de permettre aux enseignants de passer du temps à l'étranger pour améliorer la maîtrise des langues qu'ils enseignent et affiner leurs compétences. La tendance, au cours des 5 dernières années, a consisté à introduire l'apprentissage des langues dès l'enseignement primaire, tandis que l'enseignement d'une matière intégré à une langue étrangère a progressé, surtout dans l'enseignement secondaire. Dans de nombreux milieux, les langues sont enseignées par des personnes non spécialisées qui ne maîtrisent pas toujours bien la langue qu'elles enseignent. Il faut donc mieux former le personnel enseignant, voire favoriser l’enseignement de la langue étrangère par « un national » de ladite langue pour garantir la qualité et l’efficacité de l’apprentissage.

Dans ce contexte, la Commission s’efforcera : i) d’utiliser les programmes communautaires pour favoriser l'enseignement d'un plus grand nombre de langues par le biais de l'éducation et la formation tout au long de la vie, la mobilité des enseignants et des étudiants, la formation des professeurs, les partenariats scolaires, ainsi que les actions de recherche et développement ; ii) de dresser un inventaire des meilleures pratiques en matière d'apprentissage des langues dans les États membres. Pour leur part, les États membres seront invités à : i) assurer à tous de véritables possibilités de maîtriser la ou les langue(s) nationale(s) et deux autres langues; ii) proposer un plus large éventail de langues aux apprenants afin de permettre des choix individuels et de répondre aux besoins locaux; iii) améliorer la formation des enseignants en langue étrangère; iii)  promouvoir la mobilité des professeurs de langues.

4°) Médias, nouvelles technologies et traduction : les médias et les nouvelles technologies peuvent contribuer à promouvoir le dialogue interculturel et permettre de faciliter l’apprentissage des langues. Par ailleurs, la traduction humaine et automatique constituent des éléments importants de la politique du multilinguisme. Á cet égard, le Système d'information du marché intérieur (IMI) est actuellement développé de telle sorte que les États membres puissent échanger des informations dans toutes les langues officielles de l'UE. En matière de traduction humaine, la Commission entend optimaliser les programmes existants en vue de faciliter l'accès au patrimoine culturel commun des européens et de favoriser l'émergence d'une sphère publique européenne.

Dans ce contexte, la Commission favorisera : i) le sous-titrage et la circulation des productions médiatiques européennes; ii) les projets axés sur le développement et la diffusion de technologies liées aux langues et à la communication; iii) l’organisation d’une conférence sur le rôle joué par la traduction en matière de dialogue interculturel; iv) l’extension du système IMI. De leur côté, les États membres seront invités à : i) coopérer avec les parties prenantes en vue de promouvoir le multilinguisme à travers les médias – notamment en soutenant le sous-titrage de films – et la circulation des œuvres culturelles en Europe; ii) stimuler la mise au point de nouvelles technologies à l'appui du multilinguisme.

5°) Dimension extérieure du multilinguisme : il s’agit essentiellement ici de promouvoir l'enseignement et l'apprentissage des langues de l'UE à l'étranger, par des échanges de savoir-faire et de bonnes pratiques, ainsi que par l'établissement de groupes communs de parties prenantes. Des pas concrets ont déjà été faits dans cette direction, dans le cadre de déclarations conjointes avec des pays extérieurs à l’UE.

Dans ce domaine, la Commission renforcera : i) la coopération en matière de multilinguisme avec les pays n'appartenant pas à l'UE ; ii) l'enseignement des langues de l'UE à l'étranger. Pour leur part, les États membres renforceront la mise en réseau et la coopération entre les établissements concernés en vue de mieux promouvoir les langues de l'UE à l'étranger.

Mise en œuvre : la politique du multilinguisme fait intervenir un large éventail de parties prenantes aux niveaux local, régional, national et communautaire. La Commission mènera un dialogue structuré, s'articulant autour de 5 volets:

  1. elle coopérera avec les États membres, à travers la méthode ouverte de coordination, dans le cadre du processus «Éducation et formation 2010» et s'attachera à renforcer le multilinguisme dans le nouveau cadre stratégique pour la coopération après 2010. À cette fin, elle élargira le mandat du groupe de travail sur les langues, de manière à ce qu'il couvre tous les aspects du multilinguisme ;
  2. elle créera une plate-forme avec les médias, les organisations culturelles et d'autres acteurs de la société civile afin d'examiner et d'échanger des pratiques d'encouragement du multilinguisme à l'appui du dialogue interculturel ;
  3. elle mettra en place un cadre permanent de coopération avec les parties prenantes concernées ;
  4. elle rassemblera et diffusera les bonnes pratiques, et encouragera de manière systématique les synergies. Elle passera régulièrement en revue les progrès accomplis, par exemple en organisant tous les 2 ans une conférence sur les langues ;
  5. elle intégrera le multilinguisme dans les politiques communautaires concernées.

La Commission procèdera enfin à un réexamen global en 2012, en partenariat avec les États membres.