Suivi de la Conférence de Monterrey de 2002 sur le financement pour le développement

2008/2050(INI)

Le Parlement européen a adopté par 610 voix pour, 25 voix contre et 14 abstentions une résolution sur le Suivi de la Conférence de Monterrey de 2002 sur le financement pour le développement.

Le rapport d’initiative avait été déposé en vue de son examen en séance plénière par M. Thijs BERMAN (PSE, NL) au nom de la commission du développement.

Le Parlement réaffirme tout d’abord son engagement en faveur de l’éradication de la pauvreté, et pour la promotion d’un développement durable et la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), seul moyen pour lui de parvenir à la justice sociale et à une qualité de vie meilleure pour le milliard de personnes dans le monde qui vit avec moins d’un dollar par jour.

Pour le Parlement, les actions les plus immédiates à prendre pour lutter contre les conséquences dramatiques de la flambée des prix des denrées alimentaires dans les pays en développement doivent être prises dans le cadre du consensus de Monterrey (Conférence internationale sur le financement du développement de Monterrey, Mexique, de mars 2002). Il attend dès lors une proposition concrète de la Commission sur l'utilisation de fonds d'urgence dans ce cadre.

Globalement, le Parlement souligne la nécessité de trouver un juste équilibre entre la nécessité de fournir une aide au développement aux pays partenaires en leur faisant confiance pour gérer au mieux les fonds octroyés tout en contrôlant l’aide et en évitant qu'elle ne soit utilisée de manière abusive. Le Parlement insiste également sur l’absolue nécessité pour l'Union de tendre vers le niveau le plus élevé de coordination pour assurer la cohérence du développement avec d'autres politiques communautaires (environnement, migration, droits de l'homme, agriculture, etc.) et éviter les doubles emplois.

Volumes de l'AOD : le Parlement relève que l'UE est le principal pourvoyeur mondial d'AOD avec près de 60% de l'effort mondial d'aide publique au développement. Il demande néanmoins à la Commission de fournir des données claires et transparentes sur la part du budget communautaire dans l'aide au développement fournie par l'UE afin d'évaluer les suites données au consensus de Monterrey par tous les donateurs européens. Une fois de plus, le Parlement déplore le manque de visibilité de l’aide européenne et insiste sur la nécessité d'améliorer cette visibilité. Il rappelle que l’Union a réalisé son objectif AOD obligatoire de 0,39% du PIB avant 2006, mais déplore la nette diminution de l'aide en 2007 (passée de 47,7 milliards EUR en 2006, soit 0,41% du PIB global de l'UE, à 46,1 milliards EUR en 2007, soit 0,38% du PIB global). Le Parlement s'inquiète notamment de ce que la majorité des États membres (18 sur 27, principalement la Lituanie, l'Italie, le Portugal, la Grèce et la République tchèque) n'aient pas réussi à augmenter leurs niveaux d'AOD entre 2006 et 2007 et de ce que, dans un certain nombre de pays, comme la Belgique, la France et le Royaume-Uni, une diminution spectaculaire de plus de 10% ait même été constatée. Les États membres sont donc appelés d’urgence à augmenter les volumes d’aide pour réaliser l'objectif auquel ils se sont engagés de 0,56% de leur PIB d'ici 2010 et à respecter les volumes AOD promis. Il se réjouit que contrairement à cela certains États membres (Danemark, Irlande, Luxembourg, Espagne, Suède et Pays-Bas) sont certains d'atteindre les objectifs AOD pour 2010, et espère que ces derniers maintiendront leurs niveaux d’aide. Le Parlement appelle l’ensemble des États membres à fixer des échéanciers contraignants, comme le font certains États membres, pour atteindre l'objectif des Nations unies de 0,7% d'ici 2015. Globalement donc, le Parlement appelle les États membres à augmenter durablement les niveaux d'AOD, en cessant notamment les appels fréquents à augmenter l'aide financière, alors que les montants d’aide effectivement déboursés sont nettement plus faibles.

Vitesse, flexibilité, prévisibilité et durabilité des flux financiers : outre l’octroi de l’aide elle-même, le Parlement estime que celle-ci devrait obéir à un certain nombre de règles pour être réellement efficace : celle-ci doit être fournie dans des délais raisonnables, être flexible de façon à réagir à des situations changeantes comme l'augmentation du prix des denrées alimentaires, mais aussi prévisible afin que les pays partenaires puissent planifier leur développement durable. Il faut en outre que les principes des prêts et du financement responsables soient strictement respectés.

Dette et fuite des capitaux : le Parlement observe qu'en 2007, les diminutions des niveaux de l'aide sont dues au gonflement « artificiel » des chiffres en 2006 du fait de l'allègement de la dette. Les États membres sont donc appelés à augmenter les niveaux d'AOD de façon durable en se concentrant sur les chiffres où la composante "allègement de la dette" a été supprimée. Il faut également appuyer les efforts des pays en développement pour maintenir la viabilité à long terme de la dette et mettre en œuvre l'Initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE). Il regrette que les plans d'allègement de la dette excluent un grand nombre de pays pour lesquels la dette demeure un obstacle au développement. Il appelle également la Commission à aborder la question de la dette "détestable" ou illégitime (c'est-à-dire les dettes dues à des prêts irresponsables, égoïstes, inconsidérés ou inéquitables) en lui demandant d'intervenir pour limiter, à l'occasion de procédures judiciaires, les droits des créanciers commerciaux. Parallèlement, tous les États membres sont appelés à adhérer au cadre de viabilité de la dette et à reconnaître que la responsabilité des prêteurs ne se limite pas au respect du cadre de viabilité, mais également à:

  • prendre en compte la vulnérabilité des pays emprunteurs aux chocs extérieurs,
  • intégrer des exigences de transparence de l'emprunt;
  • assumer une obligation de vigilance afin que les prêts ne contribuent pas à des violations des droits de l'homme ni à accroître la corruption.

Le Parlement prie donc l'Union de mettre en place avec ses partenaires internationaux, des procédures internationales d'insolvabilité ou d'arbitrage permettant de traiter toute nouvelle crise de la dette de façon efficace et équitable.

La Commission est également critiquée pour son manque d’initiative pour éviter la fuite des capitaux car celle-ci porte lourdement atteinte au développement de structures économiques viables dans les pays en développement. Il faut donc, conformément au Consensus de Monterrey, mettre un terme aux paradis fiscaux dont certains sont situés sur le territoire même de l'Union ou sont étroitement liés à des États membres. Il rappelle à cet effet que la part illicite de la fuite des capitaux représente chaque année 1.000 à 1.600 milliards de dollars selon la Banque mondiale, dont la moitié provient des pays en développement. Des mesures s’imposent dès lors tant de la part de la Commission que des États membres pour promouvoir l'extension au niveau mondial du principe d'échange automatique en matière fiscale et pour mettre en place un Code de conduite contre l'évasion fiscale tel que celui en cours d'élaboration au Conseil économique et social des Nations unies (ECOSOC).

Mécanismes de financement novateurs : si le Parlement se réjouit des nouveaux mécanismes de financement présentés par les États membres, il souhaite que ceux-ci soient simples à mettre en œuvre et efficaces. Ces instruments devraient être en mesure de procurer de nouvelles sources de financement et offrir des garanties de crédit. Parallèlement, la Commission est appelée à améliorer le financement des mesures d'adaptation au changement climatique. Il souligne notamment que des mécanismes financiers novateurs devraient être mis en place sans délai, comme des taxes sur l'aviation et le pétrole ou l'affectation du produit de la mise aux enchères de quotas d'émissions dans le cadre du SCEQE (Système communautaire d'échange de quotas d'émissions). Il salue en particulier la proposition de la Commission d'établir un mécanisme mondial de financement de la lutte contre le changement climatique, fondé sur le principe du dégagement anticipé des aides destinées au financement des mesures d'adaptation et d'atténuation dans les pays en développement. Le Parlement invite la Commission et les États membres à consacrer au moins 25% des recettes escomptées des enchères, dans le cadre du système communautaire d'échange de quotas d'émission, au financement des mesures de lutte contre le changement climatique dans les pays en développement.

Microcrédit : le Parlement invite la Commission à ouvrir l'accès au crédit des petits entrepreneurs et des petits agriculteurs afin d'augmenter la production alimentaire et d'apporter une solution durable à la crise alimentaire. De même, la BEI est appelée à mettre en place un fonds de garantie destiné à promouvoir des modèles de microcrédit et de couverture des risques en phase avec les besoins des producteurs locaux de denrées alimentaires dans les pays en développement les plus pauvres.

La réforme des systèmes internationaux : enfin, le Parlement demande une fois encore au Conseil et à la Commission de budgétiser le Fonds européen pour le développement (FED) lors de la révision à mi-parcours 2008/2009, de façon à renforcer sa légitimité démocratique. Regrettant le système actuel de droits de vote au FMI, le Parlement demande à la Commission et aux États membres de signifier leur intérêt pour une prise de décision à la double majorité (actionnaires/États) au sein de cette institution financière mondiale. Les États membres sont également appelés à réformer la Banque mondiale.