Le Parlement européen a adopté par 568 voix pour, 67 voix contre et 34 abstentions, une résolution législativemodifiant le projet de décision cadre du Conseil relative au mandat européen d'obtention de preuves tendant à recueillir des objets, des documents et des données en vue de leur utilisation dans le cadre de procédures pénales.
Le rapport avait été déposé en vue de son examen en séance plénière par M. Gérard DEPREZ (ALDE, BE), au nom de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures.
Le Parlement européen était saisi pour un 2ème avis sur cette proposition ayant fait l’objet d’un compromis au sein du Conseil. Les principaux amendements adoptés après reconsultation, sont les suivants :
Autorité d’émission: les députés ont restreint la définition d’ « autorité d’émission » qui devrait selon eux inclure un juge, un magistrat instructeur ou un procureur compétents au regard du droit national pour émettre un mandat européen d'obtention de preuves. Cet amendement vise à garantir que les preuves ne soient collectées que par les autorités judiciaires.
Champ d'application : une nouvelle disposition précise que le mandat européen d'obtention de preuve est un instrument à la disposition aussi bien de la défense que de l'accusation. Dès lors, tant la défense que l'accusation peuvent solliciter de l'autorité judiciaire compétente qu'elle émette un mandat européen d'obtention de preuves. Les députés ont supprimé l’exception prévoyant que le mandat européen d'obtention de preuves peut aussi porter, à la demande de l'autorité d'émission, sur la prise de dépositions des personnes présentes au cours de l'exécution du mandat européen d'obtention de preuves et ayant un lien direct avec l'objet du mandat.
Conditions d'émission : pour faciliter l'exécution du mandat, l'autorité d'émission devrait clairement certifier dans le formulaire que les conditions d'émission sont remplies.
Transmission du mandat : les députés s’opposent à ce qu’un État membre puisse, si cela s'avère nécessaire en raison de l'organisation de son système judiciaire, confier à sa ou ses autorités centrales la transmission et la réception administratives du mandat européen d'obtention de preuves, ainsi que de toute autre correspondance officielle la ou les concernant.
Données à caractère personnel : toute personne concernée par un échange de données effectué conformément à la décision-cadre doit pouvoir revendiquer le droit à la protection des données, y compris le verrouillage, la rectification, l'effacement et l'accessibilité relative des informations la concernant ainsi que l'accès aux voies de recours auxquelles elle pourrait prétendre en vertu de la législation de l'État d'émission ou de l'État d'exécution.
Garanties relatives à l'exécution : en attendant l'adoption d'un instrument ambitieux dans le domaine des garanties procédurales, les députés proposent d'établir des garanties procédurales minimales qui concernent l'exécution du mandat européen d'obtention des preuves et qui doivent également s’appliquer lorsqu'une perquisition et une saisie sont jugées nécessaires à l'obtention d'objets, de documents ou de données. Le Parlement demande également que les États membres s’emploient à arrêter avant la date de mise en œuvre de la présente décision-cadre, une décision‑cadre relative aux droits procéduraux accordés dans le cadre des procédures pénales dans l' Union européenne en prenant en considération l'avis du Parlement européen.
Formalités à respecter dans l'État d'exécution : l'autorité d'émission doit pouvoir exiger de l'autorité d'exécution: a) qu'elle préserve la confidentialité de l'enquête et de son contenu, sauf dans la mesure nécessaire à l'exécution du mandat; b) qu'elle permette à une autorité compétente de l'État d'émission ou à une partie intéressée désignée par l'autorité d'émission d'assister à l'exécution du mandat et d'avoir accès, dans les mêmes conditions que l'autorité d'exécution, à tout objet, document ou donnée obtenu à cette occasion; c) qu'elle consigne les noms des personnes ayant eu en main les éléments de preuve, depuis l'exécution du mandat jusqu'à leur transfert à l'État d'émission.
Motifs de non-reconnaissance ou de non-exécution : la reconnaissance ou l'exécution du mandat européen d'obtention de preuves pourra être refusée dans l'État d'exécution, entre autres : a) si l'infraction sur laquelle il se base est couverte par l'amnistie dans l'État membre d'exécution lorsque celui-ci est compétent pour poursuivre cette infraction selon son propre droit pénal ; b) si la personne qui fait l'objet du mandat européen d'obtention de preuves ne peut, en raison de son âge, être tenue pénalement responsable des faits à l'origine de ce mandat selon le droit de l'État membre d'exécution.
Territorialité: le Conseil a décidé d'insérer dans la décision-cadre le principe d'une « clause de territorialité » (non prévue dans la proposition initiale), permettant à un État membre de refuser un mandat européen d'obtention des preuves lorsque les infractions ont été commises en tout ou en partie sur son territoire. Les députés ont supprimé cette clause au motif qu’il n'y a pas d'espace pour une clause de territorialité dans un instrument qui se base sur la reconnaissance mutuelle.
Double incrimination : le projet du Conseil prévoit que, pour 32 catégories d'infractions, l'État d'exécution ne peut invoquer la double incrimination pour refuser d'exécuter un mandat européen d'obtention de preuves si l'infraction en question est punie dans l'État d'émission d'une peine d'emprisonnement d'au moins trois ans. Les députés estiment que la vérification de la double incrimination devrait progressivement disparaître des instruments qui se basent sur la reconnaissance mutuelle et proposent donc de supprimer la disposition allant dans ce sens.
Délais de reconnaissance, d'exécution et de transfert: les députés estiment nécessaire de fixer un délai maximum pour le transfert des objets, documents ou données obtenus en vertu d'un mandat européen. Le transfert doit avoir lieu immédiatement lorsque ceux-ci sont déjà sous le contrôle de l'autorité d'exécution, ou, si ce n'est pas le cas, aussi rapidement que possible et au plus tard dans les 30 jours suivant la prise de possession de ces éléments de preuve par l'autorité d'exécution. Le non-respect des délais fixés ne peut être justifié que par des circonstances exceptionnelles.
Recours : en attendant l'adoption d'un instrument ambitieux dans le domaine des garanties procédurales, les députés jugent nécessaire d'établir au moins des garanties procédurales minimales qui concernent l'exécution du mandat d'obtention des preuves et, par conséquent, de prévoir les plus larges moyens des recours. Ils ont ainsi supprimé une disposition prévoyant que les États membres peuvent limiter les recours prévus aux cas des mandats européens d'obtention de preuves dont l'exécution s'accompagne de l'emploi de mesures coercitive.
Clause d'opt out : au travers du mécanisme de l'opt out, l'Allemagne s'est réservé le droit de subordonner, au moyen d'une déclaration, l'exécution d'un mandat européen d'obtention de preuves au contrôle de la double incrimination dans les cas qui concernent le terrorisme, la cybercriminalité, le racisme et la xénophobie, le sabotage, le racket, l'extorsion de fonds et l'escroquerie, s'il est nécessaire d'opérer une perquisition ou une saisie pour exécuter le mandat, à moins que l'autorité d'émission ait déclaré qu'en vertu du droit de l'État d'émission, l'infraction concernée répond aux critères décrits dans la déclaration. Les députés ont supprimé cette clause qui, selon eux, n’a pas sa place dans un instrument juridique d'envergure européenne.