Le Parlement européen a adopté par 474 voix pour, 106 voix contre et 93 abstentions, une résolution sur les défis pour les conventions collectives dans l'UE.
Le rapport d’initiative avait été déposé en vue de son examen en séance plénière par M. Jan ANDERSSON (PSE, SE), au nom de la commission de l'emploi et des affaires sociales.
Egalité de traitement, un principe fondamental : le Parlement est d'avis que tout citoyen de l'UE devrait avoir le droit de travailler n'importe où dans l'Union européenne et donc avoir droit à l'égalité de traitement. Il regrette dès lors que ce droit ne soit pas appliqué de manière uniforme dans l'UE. La résolution souligne que la libre prestation des services constitue l'une des pierres angulaires du projet européen mais que cet élément doit être mis en balance, d'une part, avec les droits fondamentaux et les objectifs sociaux inscrits dans les traités et, d'autre part, avec le droit des partenaires publics et sociaux de garantir la non-discrimination, l'égalité de traitement et l'amélioration des conditions de vie et de travail.
La résolution souligne que la libre prestation des services ne s'oppose pas et n'est pas supérieure au droit fondamental des partenaires sociaux de promouvoir le dialogue social et de recourir à des actions collectives. De même, elle réaffirme que les droits sociaux fondamentaux ne passent pas après les droits économiques dans un ordre hiérarchisé des libertés fondamentales. A cet égard, l'équilibre entre les droits fondamentaux et les libertés économiques doit être réaffirmé dans le droit primaire de façon à contribuer à prévenir un nivellement par le bas des normes sociales.
Directive sur le détachement des travailleurs : les députés estiment que l'intention du législateur dans les directives sur le détachement et sur les services est incompatible avec des interprétations qui sont de nature à encourager les entreprises à se livrer une concurrence déloyale. Ils considèrent que l'application et l'observation correctes des dispositions de la directive sur le détachement sont essentielles pour garantir la réalisation de ses objectifs, à savoir: faciliter la fourniture de services tout en garantissant la protection appropriée des travailleurs, et respecter totalement les accords sur les conventions collectives existant dans les États membres dans lesquels des travailleurs sont détachés dans le cadre de cette directive.
La résolution souligne que le droit communautaire doit respecter le principe de non-discrimination et que le législateur communautaire doit veiller à ce qu'il ne soit pas mis d'obstacles à la conclusion de conventions collectives, visant par exemple à mettre en œuvre le principe « à travail égal, salaire égal » pour tous les travailleurs sur le lieu de travail, indépendamment de leur nationalité ou de celle de leur employeur, sur le lieu où le service est presté, ou à la conduite d'actions syndicales à l'appui d'un tel accord, conformément à la législation ou à la pratique nationale. Le Parlement estime dès lors que la base juridique de la directive sur le détachement pourrait être élargie pour inclure une référence à la libre circulation des travailleurs.
Les députés contestent également l'application du « principe de proportionnalité » au droit de recours à des actions collectives menées dans les entreprises qui, sous couvert du droit d'établissement ou du droit de prester des services transfrontaliers, s'attaquent aux conditions d'emploi.
Les arrêts de la Cour de Justice des CE rendus dans les affaires Rüffert, Laval, Viking et Luxembourg montrent qu'il est nécessaire de préciser que les libertés économiques, inscrites dans les traités, doivent être interprétées de manière à ne pas porter atteinte à l'exercice des droits sociaux fondamentaux reconnus dans les États membres et par le droit communautaire, y compris le droit de négocier, de conclure et d'appliquer des conventions collectives et le droit de mener des actions collectives, et à ne pas porter atteinte à l'autonomie des partenaires sociaux lorsqu'ils exercent ces droits fondamentaux pour la défense d'intérêts sociaux et la protection des travailleurs.
Demandes du Parlement : reconnaissant que les arrêts de la CJCE ont engendré de vives inquiétudes quant à la manière d'interpréter les directives d'harmonisation minimale, la résolution formule, entre autres, les demandes suivantes :
- le Parlement invite tous les États membres à appliquer comme il se doit la directive sur le détachement et demande à la Commission d'élaborer les propositions législatives nécessaires, qui contribueraient à prévenir tout conflit d'interprétation à l'avenir. Il doit être absolument clair que la directive sur le détachement et les autres directives n'empêchent pas les États membres et les partenaires sociaux d'exiger des conditions plus favorables, visant à garantir l'égalité de traitement des travailleurs, et qu'il existe des garanties quant à la possibilité d'appliquer la législation communautaire sur la base de tous les modèles de marché du travail existants ;
- toute révision de la directive sur le détachement devrait intervenir après une analyse approfondie au niveau national des véritables défis auxquels sont confrontés les différents modèles de négociation collective. La révision, si elle est jugée utile, devrait porter notamment sur des questions telles que les conditions de travail applicables, aux taux de rémunération, au principe de l'égalité de traitement des travailleurs dans le contexte de la libre circulation des services, au respect des différents modèles de travail et à la durée du détachement ;
- les députés préconisent de donner effet sans tarder aux conclusions du Conseil du 9 juin 2008 pour remédier aux carences dans la mise en œuvre de la législation en vigueur, prévenir l'apparition d'autres situations problématiques et abus et créer le climat souhaité de confiance mutuelle. A cette fin, ils en appellent à une coopération plus étroite entre les États membres, les autorités nationales et la Commission en matière de suivi et d'échange de bonnes pratiques ;
- les députés demandent aux États membres et à la Commission de prendre des mesures pour lutter contre les abus, en particulier en ce qui concerne les activités des sociétés « boîtes aux lettres » qui n'exercent aucune activité véritable et effective dans le pays d'établissement mais ont été créées à la seule fin d'opérer dans le pays d'accueil pour se soustraire à l'application pleine et entière des règles et réglementations de ce pays, notamment en ce qui concerne les salaires et les conditions de travail ;
- enfin, la Commission est invitée à présenter sa communication sur la négociation collective transnationale, proposant l'instauration d'un cadre légal pour les conventions collectives transnationales.