Agenda social renouvelé

2008/2330(INI)

En adoptant le rapport d’initiative de M. José Albino SILVA PENEDA (PPE-DE, PT) sur l'agenda social renouvelé, la commission de l'emploi et des affaires sociales rappelle que la crise financière et économique actuelle aura comme principale conséquence une forte hausse du chômage dans l’Union, laquelle touchera plus durement les personnes les plus vulnérables. Rappelant, par ailleurs, que l’emploi n’est pas toujours une garantie de sortie de la pauvreté pour de nombreuses personnes dans l’UE, les députés soulignent que 16% des citoyens européens sont menacés de pauvreté (chiffres 2006) et que les enfants, les familles nombreuses, les parents isolés, les chômeurs, les personnes handicapées, les jeunes, les personnes âgées, les minorités ethniques et les migrants sont ceux qui risquent de payer le plus lourd tribut à la crise.

Dans ce contexte, les députés analysent les propositions faites par la Commission dans son Agenda social renouvelé et estiment que 2 grandes catégories d’actions devraient être mises en œuvre : des actions prioritaires et des actions productives.

Des actions prioritaires : dans ce domaine, les députés se concentrent sur les points suivants :

Modèles sociaux européens : compte tenu de la récession économique, les députés invitent le Conseil et la Commission à réaffirmer l’importance d’une Europe sociale forte, intégrant des politiques durables, effectives et efficaces dans le domaine social et en matière d’emploi. Ils appellent donc la Commission à élaborer un agenda pour la politique sociale ambitieux pour la période 2010-2015. La Commission est également appelée à i) proposer un plan politique cohérent en matière de travail décent conforme à la charte des droits fondamentaux de l’UE; ii) combiner l'agenda social renouvelé à d'autres initiatives telles que le pacte européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes, le pacte européen pour la jeunesse et l'alliance européenne pour les familles.

Les députés s’inquiètent de ce que les mesures proposées par la Commission ne sont pas suffisamment cohérentes pour avoir une incidence sur les niveaux actuels de pauvreté et d’exclusion dans l’UE ni pour relever les défis en matière de cohésion sociale. Ils réclament dès lors des actions destinées à trouver un équilibre entre les libertés économiques et les droits sociaux, en particulier : i) une directive régissant les droits du travail fondamentaux applicables à tous les travailleurs (quel que soit leur statut professionnel) ; ii) la révision de la directive visant réduire l’écart des rémunérations entre les hommes et les femmes ; iii) une directive sur la négociation collective transfrontalière. Les députés estiment également que la politique sociale devrait passer par des actions clés, comme la lutte contre la discrimination ainsi que la modernisation des modèles sociaux européens tout en renforçant leurs valeurs.

Alors que les États membres sont confrontés à une grave crise économique, les députés considèrent que ce n’est pas le moment de réduire les dépenses sociales, mais qu’il faut au contraire renforcer les réformes structurelles, soutenir les services sociaux d'intérêt général, en réaffirmant leur accès universel, leur qualité et leur viabilité. C’est pourquoi, les députés appellent la Commission à réaffirmer le rôle crucial du service public au sein de l'UE en proposant une directive-cadre sur les services d'intérêt général, garantissant leur sécurité juridique. Les députés soulignent également la nécessité de moderniser les systèmes nationaux de sécurité sociale en vue d'éradiquer la pauvreté dans une perspective de long terme (en réformant les systèmes de pensions ou les services de santé notamment, par l’amélioration de leur accès et l’établissement d’un régime de taxation progressif en fonction du revenu des personnes).

Les députés invitent également les États membres à prévoir des salaires minimaux (car tous ne le prévoient pas). Des mesures sont en outre réclamées pour prendre en compte les conséquences sociales du réchauffement climatique.

Politiques dans le domaine social et en matière d'emploi : si les députés se félicitent des propositions destinées à mieux concilier travail et vie privée, des mesures s’imposent pour encourager l’ouverture des employeurs à la flexibilité du travail. Ils invitent dès lors la Commission à présenter une proposition portant sur une meilleure conciliation de la vie privée, de la vie de famille et de la vie professionnelle, en optimisant l’utilisation des TIC et en recourant aux nouvelles formes d’organisation du travail. Les États membres sont également appelés à assurer des régimes de revenu minimum garanti pour l'insertion sociale.

Pour lutter contre le décrochage scolaire, les députés réclament l’élaboration de programmes scolaires adaptés au marché du travail de demain, tenant compte des besoins de la société et de l'évolution technologique. Ils appellent à la promotion du concept « d’écoles de la seconde chance » et de formes d’apprentissage informelles et non formelles. Les députés rejettent notamment avec force l’enseignement de mauvaise qualité et caractérisé par la ségrégation, qui a des effets négatifs irréversibles sur les groupes marginalisés (ex. : les Roms).

Des mesures sont également attendues pour renforcer l’apprentissage et la formation tout au long de la vie. Les députés soulignent notamment la nécessité de perfectionner l’enseignement européen, en dynamisant le processus de compatibilité et de comparabilité des systèmes éducatifs des États membres et en renforçant les coopérations entre universités et entreprises.

Face à la crise, des mesures s’imposent également pour mieux associer les travailleurs aux processus de décision au sein des entreprises. Les députés réitèrent ainsi leur appel à un renforcement du fonctionnement des conseils d’entreprise européens. D’autres pistes pourraient être explorées, comme par exemple, la possibilité pour les personnes au chômage, de créer facilement leur entreprise, via des crédits à taux d'intérêt réduits, ou un forfait d'allocations de chômage qui, tout en atténuant les pertes de revenus, aideraient les chômeurs à trouver de nouveaux emplois. Les députés soulignent également l’importance de l’économie sociale et du microcrédit pour aider à la réinsertion sociale et économique des chômeurs (notamment, ceux de longue durée).

En ce qui concerne les femmes, les députés jugent particulièrement important de soutenir celles d’entre elles qui vont devenir mères, en leur versant des allocations correspondant à la période de l’éducation de leurs enfants ou en créant pour elles un cadre favorable à leur réintégration sur le marché du travail.

Les députés demandent encore la promotion d’un lien plus puissant entre flexicurité et renforcement du dialogue social, dans le respect des usages et pratiques nationaux. Reconnaissant, par ailleurs, que les États membres sont seuls compétents en matière de politique salariale, les députés appellent les partenaires sociaux à débattre de nouvelles méthodologies en matière de politiques salariales qui pourraient comporter une participation financière des travailleurs plus importante aux recettes de l’entreprise. Pour les députés, de tels régimes pourraient permettre de canaliser les rémunérations supplémentaires des travailleurs dans des fonds de capitaux spéciaux créés par les entreprises. Le débat devrait également porter sur la question du «salaire décent», de façon à garantir des salaires minimaux nettement plus élevés que le niveau de revenu suffisant et permettre ainsi aux personnes de sortir de la pauvreté et de tirer des bénéfices de leur travail.

Immigration : les députés attirent l’attention sur l’impact négatif que peut avoir l’immigration sur le processus de développement des pays d’origine, en termes de fuites des cerveaux. Il faut donc procéder au « recrutement éthique » dans les pays tiers, en particulier concernant les professionnels des soins de santé. Les députés soulignent également que l'impact à long terme de l'immigration sur l'évolution démographique est incertain, sachant qu'il dépend de la volatilité des flux migratoires, de la réunification familiale et des taux de fécondité. Les députés soulignent, par ailleurs, l’impact favorable sur les systèmes de sécurité sociale des États membres, des immigrants légaux. L’immigration légale doit également aller de paire avec l’intégration, sur la base de l’égalité des chances. Les députés considèrent en outre que le renforcement de la mise en œuvre des législations du travail existantes, dans le respect du droit national et communautaire et des conventions de l’OIT, doit être une priorité pour les institutions communautaires et les États membres, de même que la mise en  œuvre de la législation anti-discrimination.

L'UE au niveau extérieur : les députés estiment que, dans ses relations extérieures, l'UE devrait jouer un rôle plus proactif en promouvant des normes fondamentales en matière sociale et environnementale. Les députés militent également pour la fixation d’un agenda du travail décent apte à promouvoir le respect des conventions de l’OIT. Par ailleurs, les députés estiment que l’UE devrait tendre vers un processus de mondialisation qui soit plus intégrateur sur le plan social et plus viable sur les plans économique et environnemental. La Commission est également appelée à promouvoir activement le concept de responsabilité sociale des entreprises.

Fonds structurels : les députés se prononcent en faveur du renforcement du potentiel des Fonds structurels par la simplification, l’assouplissement et l’amélioration des procédures afin d’aider les États membres à optimiser les résultats des politiques dans le domaine social et en matière d’emploi. Pour les députés, l’agenda social renouvelé doit mentionner clairement que les Fonds structurels et de cohésion de l’UE contribueront à atteindre les objectifs de l’agenda social. Ils demandent dès lors aux États membres d’utiliser le Fonds social européen (FSE) et tous les autres Fonds structurels non seulement pour améliorer l’employabilité des personnes, mais aussi pour renforcer les infrastructures sociales. Ils demandent également que l’on accorde une attention particulière aux régions les plus touchées par la mondialisation, ainsi qu'aux régions des nouveaux États membres qui se trouvent dans un processus de convergence sociale.

Actions productives : en ce qui concerne les actions productives, les députés s’expriment comme suit :

Dialogue social et dialogue civil : pour les députés, il est possible d’augmenter la flexibilité et l’ouverture des citoyens au changement en renforçant la confiance mutuelle, par un dialogue social plus efficace et transparent, et en garantissant une démocratie participative plus efficace lors de la conception et de la réalisation des politiques. Le dialogue social doit favoriser les politiques de sécurité et de santé au travail et, d’une manière générale, l’amélioration de la qualité de vie au travail. Pour permettre à chacun de s’exprimer dans ce contexte, les députés demandent à la Commission de savoir comment les travailleurs temporaires, à temps partiel ou contrat à durée déterminée, pourraient être associés au dialogue social. Ils demandent également plus de visibilité pour les résultats du dialogue social ainsi qu’un vaste débat entre les acteurs européens, les autorités publiques nationales, les employeurs et les travailleurs, ainsi que la société civile, sur l’agenda social après 2010.

Le dialogue devrait également être favorisé entre le Parlement et la société civile (laquelle devrait être consultée dès le départ aux processus de décision). Les députés soulignent tout le prix qu’ils attachent au processus de consultation pour donner le pouvoir aux citoyens de contribuer directement au processus politique au niveau de l’UE. Ils invitent dès lors la Commission à prendre des mesures supplémentaires de sensibilisation aux futures consultations de l’UE via les médias et d’autres forums appropriés. Pour les députés, il est également urgent que les institutions européennes, les partenaires sociaux nationaux et la société civile concluent un «pacte social» comportant des actions sociales, avec des objectifs contraignants et des indicateurs réalistes.

Droit de l'UE : les députés demandent parallèlement une amélioration du processus législatif européen, dans le cadre duquel il importe de préciser pourquoi des actions sont nécessaires au niveau de l’UE, de veiller à la qualité du contenu et de présenter une forte et indépendante évaluation d’impact concernant les conséquences sociales, économiques et sur l’environnement. Dans ce contexte, les députés souhaitent que l’on accorde la priorité à une coopération efficace entre les États membres et que l’on associe étroitement la société civile au processus législatif afin de rapprocher les citoyens de l’UE.

Méthode ouverte de coordination (MOC) : les députés estiment qu’il faudrait plus étroitement corréler les politiques économique et sociale au niveau de l’UE à leur impact sur l’éradication de la pauvreté et l’exclusion sociale. Pour les députés, il faut que la Charte des droits sociaux fondamentaux devienne juridiquement contraignante. De même, une plus étroite corrélation devrait exister entre les politiques économique, sociale et environnementale au niveau de l’UE.

Les députés estiment enfin, que la stratégie de Lisbonne après 2010 devrait couvrir une MOC renforcée.