Le Parlement européen a adopté
par 590 voix pour, 23 voix contre et 46 abstentions une résolution sur l’application
du principe de l'égalité des rémunérations des femmes et des hommes.
Le rapport d’initiative avait
été déposé en vue de son examen en séance plénière par Mme Edit BAUER
(PPE-DE, SK) au nom de la commission des droits de la femme et de l'égalité
des genres.
Le Parlement rappelle tout
d’abord que, dans l'Union européenne, les femmes gagnent en moyenne 15% de
moins que les hommes – et jusqu'à 25% de moins dans le secteur privé. Pour
gagner autant qu’un homme en un an, une femme doit donc travailler jusqu’au
22 février de l’année suivante (soit 418 jours de calendrier). Ceci montre la
persistance de l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes,
nonobstant l’adoption d’un important corpus législatif depuis 30 ans.
C’est pour contrer cet
important déséquilibre que le Parlement adresse une liste de recommandations
à la Commission destinées à lutter significativement contre l’écart de
rémunérations entre les hommes et les femmes dans l’Union européenne.
Comme première mesure phare, le
Parlement réclame une proposition législative visant à réviser la
législation existante sur l'application du principe d'égalité de rémunération
entre les hommes et les femmes et suivant les recommandations ci-après. Cette
proposition devrait être soumise au Parlement avant le 31 décembre 2009
et être fondée sur l'article 141 du traité CE. Le Parlement estime en effet
qu’il est essentiel d'améliorer et d’anticiper la mise en œuvre des
dispositions de la directive
2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil sur la mise en œuvre du
principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes
et femmes en matière d'emploi et de travail en veillant à ce que les États
membres, les partenaires sociaux et les organismes de parité mettent
réellement en œuvre les mesures destinées à faire appliquer le principe
d’égalité de rémunération.
Plus symboliquement, le
Parlement demande l'organisation d’une Journée européenne de l'égalité
salariale qui devrait contribuer à améliorer la prise de conscience des inégalités
salariales existantes et inciter l'ensemble des acteurs concernés à prendre
de nouvelles initiatives pour éliminer ces disparités.
Pour mesurer les progrès
accomplis, le Parlement suggère également la mise en place par les
organisations syndicales et patronales d’un instrument objectif d'évaluation
du travail afin de réduire efficacement les écarts de rémunérations entre
hommes et femmes.
Détail des recommandations
proposées : concrètement, les mesures demandées par le Parlement
pour lutter contre les écarts de rémunérations dans le cadre de la révision
de la directive 2006/54/CE peuvent se résumer comme suit :
- Recommandation 1:
définitions : le Parlement demande que l’on définisse de
manière plus détaillée certains concepts. Il suggère en particulier que
l'écart de rémunération soit moins lié aux différences de salaire
horaire brut et que la définition existante intègre des variables telles
que celles d’une discrimination de rémunération directe mais aussi
indirecte. La définition devrait également inclure la rémunération, dont
la définition devrait englober les salaires et traitements nets, ainsi
que les droits pécuniaires et avantages en nature liés à l'emploi. L’égalité
de rémunération devrait également s’étendre aux pensions ;
- Recommandation 2: analyse
de la situation et transparence des résultats : le Parlement
souhaite une plus grande conscientisation des écarts de salaires par les
chefs d’entreprise et par les États membres. Il faut donc améliorer le
niveau d’information, améliorer les statistiques sur les niveaux de
rémunération des femmes dans les professions où elles sont
traditionnellement représentées. Le Parlement suggère en particulier de
mettre en place des audits réguliers sur les niveaux de rémunération et
la publication obligatoire des résultats des audits dans les entreprises
(par exemple pour celles qui comptent plus de 20 salariés). Les
statistiques devraient également inclure des données sur les écarts de
rémunération selon le genre pour le travail à temps partiel ;
- Recommandation 3:
évaluation du travail et classification des fonctions : les
femmes devraient bénéficier d’une formation sur les niveaux de salaires
en fonction de la classification des fonctions, au moment de négocier
leur salaire. Les États membres devraient également réaliser une évaluation
approfondie centrée sur les professions dominées par les femmes ainsi qu’une
évaluation professionnelle non discriminatoire fondée sur de nouveaux
systèmes de classification et d'organisation du personnel et des tâches,
sur l'expérience professionnelle et la productivité, à partir desquels
seront établies des grilles d'évaluation qui serviront à déterminer les
rémunérations ;
- Recommandation 4:
organismes pour l'égalité de traitement : le Parlement estime
que les organismes pour l'égalité de traitement devraient jouer un rôle
déterminant en matière de réduction de l'écart de rémunération. Ces
organismes devraient avoir le pouvoir de surveiller, de faire rapport et
si possible, de faire observer la législation. C’est pourquoi, il
demande la révision de la directive 2006/54/CE afin de renforcer leur
mandat ;
- Recommandation 5: dialogue
social : une meilleure surveillance des accords collectifs, des
grilles de salaires applicables et des mécanismes de classification des
fonctions est nécessaire, en ce qui concerne la rémunération des
travailleurs à temps partiel et des travailleurs atypiques ou en ce qui
concerne les primes ou les bonus, notamment les paiements en nature
(plus fréquemment accordés à des hommes qu'à des femmes). Cette
surveillance ne devrait pas seulement concerner les conditions de
travail primaires, mais également les conditions secondaires et les
régimes professionnels de sécurité sociale (règles de congés, régimes de
retraite, véhicules de fonction, dispositifs de garde des enfants,
flexibilité des horaires de travail, etc.). Les États membres devraient
pouvoir encourager les partenaires sociaux à introduire des
classifications des fonctions qui soient neutres du point de vue du
genre afin de permettre, aussi bien aux employeurs qu'aux salariés,
d'identifier les éventuelles discriminations de rémunération basées sur
une définition tendancieuse de la grille des salaires ;
- Recommandation 6 :
prévention des discriminations : le Parlement demande que l’on
ajoute à l'article 26 de la directive 2006/54/CE, relatif à la
prévention des discriminations, des dispositions spécifiques concernant
la prévention des discriminations en matière salariale afin que les
États membres et les partenaires sociaux arrêtent des actions en matière
de formation et de classification des fonctions. Parmi les mesures de
prévention de la discrimination, le Parlement suggère l'insertion dans
les contrats publics d'une clause établissant le respect de l'égalité
des genres et des rémunérations. Á noter que la Plénière n’a pas repris la suggestion de la commission au fond de prévoir l'attribution d’un label
spécifique ("certificat de qualité en matière d'égalité des genres
et des salaires") aux entreprises qui seraient particulièrement respectueuses
de l’égalité salariale ;
- Recommandation 7:
intégration de la dimension de genre : le Parlement demande
également l’ajout à l'article 29 de la directive 2006/54/CE,
d’indications précises concernant le principe de l'égalité de traitement
en matière salariale. Pour ce faire, la Commission devrait fournir des
outils concrets d'évaluation des écarts de salaires grâce à des rapports
établis dans les États membres, la création d'une banque de données sur
les classements professionnels, la collecte et la diffusion des
résultats des expériences menées en matière de réforme de l'organisation
du travail ou encore la définition de lignes directrices destinées à contrôler
les écarts de salaires ;
- Recommandation 8:
sanctions : le Parlement demande que les États membres adoptent
les mesures nécessaires pour garantir que le non-respect du principe
d'égalité de rémunération pour un travail de même valeur fasse l'objet
de sanctions appropriées. Sachant qu’un dispositif de sanctions
existe déjà mais qu’il n’est pas réellement efficace, le Parlement
demande toute une série de nouvelles mesures dont notamment des indemnisations
ou réparations qui ne devraient pas être limitées par la fixation
d'un plafond maximal a priori, le principe du versement d'une
indemnisation à la victime d’une discrimination salariale, la création
d’un dispositif d’amendes administratives mises en place par des
inspecteurs du travail ou par les organismes pour l'égalité de
traitement compétents, l'exclusion du bénéfice de prestations ou de
subventions (y compris les fonds de l'Union gérés par les États membres)
et du droit à participer à des procédures de passation de marchés
publics et l’identification des contrevenants dont l'identité devrait être
révélée ;
- Recommandation 9:
rationalisation de la réglementation : le Parlement remarque
que généralement la pénalité salariale est souvent liée au travail à
temps partiel. Cette situation requiert une évaluation et une éventuelle
révision de la directive du Conseil 97/81/CE concernant l’accord-cadre
sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES. Enfin, l'écart de salaire devrait être introduit de toute urgence dans les lignes
directrices pour l'emploi.