Recommandations sur l'application du principe de l'égalité des rémunérations des femmes et des hommes

2008/2012(INL)

Le Parlement européen a adopté par 590 voix pour, 23 voix contre et 46 abstentions une résolution sur l’application du principe de l'égalité des rémunérations des femmes et des hommes.

Le rapport d’initiative avait été déposé en vue de son examen en séance plénière par Mme Edit BAUER (PPE-DE, SK) au nom de la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres.

Le Parlement rappelle tout d’abord que, dans l'Union européenne, les femmes gagnent en moyenne 15% de moins que les hommes – et jusqu'à 25% de moins dans le secteur privé. Pour gagner autant qu’un homme en un an, une femme doit donc travailler jusqu’au 22 février de l’année suivante (soit 418 jours de calendrier). Ceci montre la persistance de l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes, nonobstant l’adoption d’un important corpus législatif depuis 30 ans.

C’est pour contrer cet important déséquilibre que le Parlement adresse une liste de recommandations à la Commission destinées à lutter significativement contre l’écart de rémunérations entre les hommes et les femmes dans l’Union européenne.

Comme première mesure phare, le Parlement réclame une proposition législative visant à réviser la législation existante sur l'application du principe d'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes et suivant les recommandations ci-après. Cette proposition devrait être soumise au Parlement avant le 31 décembre 2009 et être fondée sur l'article 141 du traité CE. Le Parlement estime en effet qu’il est essentiel d'améliorer et d’anticiper la mise en œuvre des dispositions de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil sur la mise en œuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail en veillant à ce que les États membres, les partenaires sociaux et les organismes de parité mettent réellement en œuvre les mesures destinées à faire appliquer le principe d’égalité de rémunération.

Plus symboliquement, le Parlement demande l'organisation d’une Journée européenne de l'égalité salariale qui devrait contribuer à améliorer la prise de conscience des inégalités salariales existantes et inciter l'ensemble des acteurs concernés à prendre de nouvelles initiatives pour éliminer ces disparités.

Pour mesurer les progrès accomplis, le Parlement suggère également la mise en place par les organisations syndicales et patronales d’un instrument objectif d'évaluation du travail afin de réduire efficacement les écarts de rémunérations entre hommes et femmes.

Détail des recommandations proposées : concrètement, les mesures demandées par le Parlement pour lutter contre les écarts de rémunérations dans le cadre de la révision de la directive 2006/54/CE peuvent se résumer comme suit :

  1. Recommandation 1: définitions : le Parlement demande que l’on définisse de manière plus détaillée certains concepts. Il suggère en particulier que l'écart de rémunération soit moins lié aux différences de salaire horaire brut et que la définition existante intègre des variables telles que celles d’une discrimination de rémunération directe mais aussi indirecte. La définition devrait également inclure la rémunération, dont la définition devrait englober les salaires et traitements nets, ainsi que les droits pécuniaires et avantages en nature liés à l'emploi. L’égalité de rémunération devrait également s’étendre aux pensions ;
  2. Recommandation 2: analyse de la situation et transparence des résultats : le Parlement souhaite une plus grande conscientisation des écarts de salaires par les chefs d’entreprise et par les États membres. Il faut donc améliorer le niveau d’information, améliorer les statistiques sur les niveaux de rémunération des femmes dans les professions où elles sont traditionnellement représentées. Le Parlement suggère en particulier de mettre en place des audits réguliers sur les niveaux de rémunération et la publication obligatoire des résultats des audits dans les entreprises (par exemple pour celles qui comptent plus de 20 salariés). Les statistiques devraient également inclure des données sur les écarts de rémunération selon le genre pour le travail à temps partiel ;
  3. Recommandation 3: évaluation du travail et classification des fonctions : les femmes devraient bénéficier d’une formation sur les niveaux de salaires en fonction de la classification des fonctions, au moment de négocier leur salaire. Les États membres devraient également réaliser une évaluation approfondie centrée sur les professions dominées par les femmes ainsi qu’une évaluation professionnelle non discriminatoire fondée sur de nouveaux systèmes de classification et d'organisation du personnel et des tâches, sur l'expérience professionnelle et la productivité, à partir desquels seront établies des grilles d'évaluation qui serviront à déterminer les rémunérations ;
  4. Recommandation 4: organismes pour l'égalité de traitement : le Parlement estime que les organismes pour l'égalité de traitement devraient jouer un rôle déterminant en matière de réduction de l'écart de rémunération. Ces organismes devraient avoir le pouvoir de surveiller, de faire rapport et si possible, de faire observer la législation. C’est pourquoi, il demande la révision de la directive 2006/54/CE afin de renforcer leur mandat ;
  5. Recommandation 5: dialogue social : une meilleure surveillance des accords collectifs, des grilles de salaires applicables et des mécanismes de classification des fonctions est nécessaire, en ce qui concerne la rémunération des travailleurs à temps partiel et des travailleurs atypiques ou en ce qui concerne les primes ou les bonus, notamment les paiements en nature (plus fréquemment accordés à des hommes qu'à des femmes). Cette surveillance ne devrait pas seulement concerner les conditions de travail primaires, mais également les conditions secondaires et les régimes professionnels de sécurité sociale (règles de congés, régimes de retraite, véhicules de fonction, dispositifs de garde des enfants, flexibilité des horaires de travail, etc.). Les États membres devraient pouvoir encourager les partenaires sociaux à introduire des classifications des fonctions qui soient neutres du point de vue du genre afin de permettre, aussi bien aux employeurs qu'aux salariés, d'identifier les éventuelles discriminations de rémunération basées sur une définition tendancieuse de la grille des salaires ;
  6. Recommandation 6 : prévention des discriminations : le Parlement demande que l’on ajoute à l'article 26 de la directive 2006/54/CE, relatif à la prévention des discriminations, des dispositions spécifiques concernant la prévention des discriminations en matière salariale afin que les États membres et les partenaires sociaux arrêtent des actions en matière de formation et de classification des fonctions. Parmi les mesures de prévention de la discrimination, le Parlement suggère l'insertion dans les contrats publics d'une clause établissant le respect de l'égalité des genres et des rémunérations. Á noter que la Plénière n’a pas repris la suggestion de la commission au fond de prévoir l'attribution d’un label spécifique ("certificat de qualité en matière d'égalité des genres et des salaires") aux entreprises qui seraient particulièrement respectueuses de l’égalité salariale ;
  7. Recommandation 7: intégration de la dimension de genre : le Parlement demande également l’ajout à l'article 29 de la directive 2006/54/CE, d’indications précises concernant le principe de l'égalité de traitement en matière salariale. Pour ce faire, la Commission devrait fournir des outils concrets d'évaluation des écarts de salaires grâce à des rapports établis dans les États membres, la création d'une banque de données sur les classements professionnels, la collecte et la diffusion des résultats des expériences menées en matière de réforme de l'organisation du travail ou encore la définition de lignes directrices destinées à contrôler les écarts de salaires ;
  8. Recommandation 8: sanctions : le Parlement demande que les États membres adoptent les mesures nécessaires pour garantir que le non-respect du principe d'égalité de rémunération pour un travail de même valeur fasse l'objet de sanctions appropriées. Sachant qu’un dispositif de sanctions existe déjà mais qu’il n’est pas réellement  efficace, le Parlement demande toute une série de nouvelles mesures dont notamment des indemnisations ou réparations qui ne devraient pas être limitées par la fixation d'un plafond maximal a priori, le principe du versement d'une indemnisation à la victime d’une discrimination salariale, la création d’un dispositif d’amendes administratives mises en place par des inspecteurs du travail ou par les organismes pour l'égalité de traitement compétents, l'exclusion du bénéfice de prestations ou de subventions (y compris les fonds de l'Union gérés par les États membres) et du droit à participer à des procédures de passation de marchés publics et l’identification des contrevenants dont l'identité devrait être révélée ;
  9. Recommandation 9: rationalisation de la réglementation : le Parlement remarque que généralement la pénalité salariale est souvent liée au travail à temps partiel. Cette situation requiert une évaluation et une éventuelle révision de la directive du Conseil 97/81/CE concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES. Enfin, l'écart de salaire devrait être introduit de toute urgence dans les lignes directrices pour l'emploi.