En adoptant le rapport
d’initiative de Mme Martine ROURE (PSE, FR) sur la mise en œuvre dans
l'Union européenne, de la directive
2003/9/CE sur les conditions d'accueil des demandeurs d'asile et
refugiés, la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires
intérieures fait le bilan de 3 ans de mise en œuvre mais aussi de visites de
ladite commission parlementaire (LIBE) dans les États membres -entre 2005 et
2008- pour vérifier la mise en œuvre de la directive.
Remarques générales et
procédures d'asile : les députés regrettent tout d’abord que
certaines des visites effectuées aient mis en lumière le fait que les directives
existantes en matière d’asile sont mal, voire pas du tout appliquées dans
certains États membres. Ils demandent donc à la Commission de prendre les
mesures nécessaires pour assurer la transposition des directives et de faire
respecter leur contenu intégral, car les carences constatées en matière d'accueil
sont parfois considérables. Dans ce contexte, les députés se félicitent de la
récente proposition de refonte de la directive 2003/9/CE (voir COD/2008/0244)
qui devrait permettre d'assurer des normes de traitement plus élevées pour
les demandeurs d'asile. Les députés exigent également que l’on mette en place,
en coopération avec le Parlement européen, un système de visite et
d'inspection permanent dans les États membres. Ils souhaitent en outre
que la commission LIBE du Parlement poursuive ses visites dans les États membres
afin de garantir le respect du droit communautaire en matière de conditions
d'accueil et que l’on organise un débat annuel au Parlement sur les résultats
de ces visites.
Les députés font ensuite un
état des lieux de l’application de la directive et constatent ce qui
suit :
- accueil : les
députés regrettent tout particulièrement que la capacité des centres
d’hébergement ouverts mis en place par certains États membres soit
faible et demandent que l'accueil des demandeurs d’asile et des immigrés
soit effectué en priorité dans des centres ouverts plutôt que
dans des unités fermées. Les députés estiment également que les conditions
d'accueil de base, telles que la nourriture, le logement et les soins de
santé d'urgence ne devraient jamais être refusées, dès lors que
ce refus pourrait constituer une violation des droits fondamentaux des
demandeurs d'asile. Ils appellent également les États membres à trouver
un juste équilibre entre rapidité des procédures de traitement des
demandes et traitement juste de chaque cas individuel ;
- accès à l'information et
droit à l'interprétation : sachant que les délais sont parfois très
courts pour les réfugiés et que l’information qui leur est délivrée, n’existe
que dans une langue qu’ils ne comprennent pas, les députés demandent que
des brochures expliquant tous les droits des demandeurs soient mises à
leur disposition, y compris sur Internet. Les députés s’alarment
notamment du fait qu’il manque de nombreux interprètes pour permettre
aux demandeurs d’asile de comprendre ce qu’il leur est demandé en
entretien. Ils encouragent donc les États membres à faire appel à
l'assistance financière du Fonds européen pour les réfugiés, pour améliorer
l'accès à l'information et notamment pour augmenter le nombre de langues
dans lesquelles les informations sont proposées aux demandeurs ;
- assistance juridique :
les députés regrettent que l'accès à une assistance juridique gratuite
semble restreinte pour les demandeurs d’asile placés en rétention. Ils
appellent donc les États membres à garantir l'accès à une assistance
juridique et/ou une représentation gratuite dans tous les cas même si les
demandeurs ne peuvent acquitter les coûts y afférant ;
- rétention : il
s’agit là du principal grief fait aux États membres. Les députés regrettent
ainsi qu'un certain nombre d'États membres aient de plus en plus recours
à la rétention. Or, pour les députés, une personne ne doit en aucun
cas être placée en rétention pour l'unique raison qu'elle demande une
protection internationale. Il s’agit, pour eux, d’une mesure de dernier
recours, qui doit être proportionnée et appliquée pendant une
période aussi brève que possible. Les députés s’inquiètent en
particulier des conditions carcérales dans lesquelles les migrants
irréguliers et demandeurs d'asile sont maintenus alors qu'ils n'ont
commis aucun crime. Il faut donc qu’au minimum ces personnes soient
placées dans des bâtiments distincts avec des conditions d'hygiène acceptables.
Les députés regrettent notamment que l'accès aux soins de santé, et en
particulier aux soins psychologiques, est souvent difficile. Les députés
demandent en outre que les États membres publient un rapport annuel sur
la situation de leurs centres fermés et qu’ils garantissent un contrôle
régulier de ces centres, via la création d'un médiateur national
en charge de ces lieux ;
- mineurs non accompagnés et
familles : une fois de plus, les députés demandent que la
rétention des mineurs soit, par principe, interdite, et que
le recours à la rétention des mineurs avec leurs parents soit
exceptionnelle et ait pour objectif de garantir l'intérêt supérieur de
l'enfant. Ils rappellent que tous les mineurs ont droit à l'éducation,
qu'ils soient dans leur pays d'origine ou non et demandent aux États
membres de garantir ce droit y compris lorsque le mineur est placé en
rétention. Ils rappellent également que les mineurs ont le droit à
bénéficier de loisirs adaptés à leur âge. Parallèlement, les États
membres sont appelés à veiller à ce que les mineurs non accompagnés et
les familles soient, même en rétention, logés dans des lieux
d'hébergement séparés qui leur garantissent une intimité et une vie de
famille appropriées. En ce qui concerne spécifiquement la situation des
mineurs non accompagnés, les députés demandent qu'un gardien légal
indépendant soit nommé pour chacun d’entre eux, aussi bien dans les
zones d'attente telles que les aéroports et les gares, que sur le
territoire des États membres. Ils appellent la Commission et les États
membres à instaurer l'obligation de rechercher les membres des familles avec
l’aide de la Croix Rouge et du Croissant Rouge. Les députés s’inquiètent
notamment du fait que certains mineurs non accompagnés disparaissent et
appellent les États membres à combattre ce phénomène en mettant par
exemple en place des structures permettant de les accueillir et de leur
offrir une formation adaptée. Les députés demandent encore que l’on
mette en place un mécanisme harmonisé et fiable d'identification des
mineurs non accompagnés et des règles communes concernant les
contestations de leur âge. Ils rappellent au passage que durant une
procédure de contestation d'âge, la personne doit, par précaution, être
considérée comme mineure ;
- personnes vulnérables :
les députés s’inquiètent du sort des personnes vulnérables qui demandent
l’asile et demandent à la Commission de définir des normes communes
obligatoires pour l'identification de ces personnes (victimes de
tortures ou de traite des êtres humains, personnes ayant besoin de soins
de santé particuliers, femmes enceintes et mineurs). Pour les députés,
ces personnes ne devraient pas être placées en rétention, étant donné
que cela a des répercussions importantes sur leur état déjà fragile. Ils
appellent donc les États membres à garantir une assistance spécialisée
pour ces personnes, en particulier, une aide psychologique adaptée.
Système de Dublin :
les députés se penchent enfin sur le système dit de « Dublin » pris
dans son ensemble et déplorent que certains États membres limitent l'accès aux
normes d'accueil aux seules personnes relevant du système de Dublin (c’est-à-dire
aux candidats réfugiés pour lesquels un État membre a été désigné comme
responsable de leur demande d’asile). Ils demandent dès lors à la Commission
d'établir clairement les personnes auxquelles s’applique la directive
2003/9/CE afin de garantir que l’ensemble des droits conférés par la
directive leur soit applicable.