Le Parlement européen a adopté par 399 voix pour, 25 voix contre et 27 abstentions, une résolution sur les perspectives de consolidation de la paix et de construction nationale en situation d'après-conflit.
Le rapport d’initiative avait été déposé en vue de son examen en séance plénière par M. Nirj DEVA (PPE-DE, RU), au nom de la commission du développement.
La résolution rappelle que près de la moitié des pays qui sortent d'un conflit retombent dans une situation de conflit dans les 5 années qui suivent, en rappelant au passage que quelques 42 conflits civils sont en cours dans le monde.
Pour consolider la paix, le Parlement estime qu’il faut en passer par 2 phases : une 1ère phase de stabilisation destinée à renforcer la sécurité, l'ordre public et la prestation de services de base, et une 2ème phase de construction de l'État qui porte sur la gouvernance et le raffermissement des institutions.
Le Parlement passe en revue les différentes étapes du raffermissement et de la consolidation de la paix dans les pays en situation de post-conflit.
Responsabilité de protéger : le Parlement insiste tout d’abord sur le concept de "responsabilité de protéger" tel qu'affirmé par les Nations unies, et qui vise à renforcer la souveraineté des États. Il souligne que l'UE et ses États membres doivent se considérer comme liés par ce concept. Le Parlement met notamment l'accent sur le fait que la "responsabilité de protéger" devrait être considérée comme un moyen de promouvoir la sécurité humaine, en soulignant que la responsabilité première pour la prévention des génocides, des crimes de guerre, de la purification ethnique et des crimes contre l'humanité perpétrés à l'encontre d'une population incombe à l'État même. Il précise que ce concept renforce la responsabilité de chaque gouvernement à l'égard de ses propres citoyens, même si lorsque les gouvernements ne peuvent ou ne veulent assumer cette responsabilité, il incombe à la communauté internationale au sens large, d’assumer ce rôle. Il précise en outre que ces mesures devraient être aussi bien préventives que réactives, et qu'elles ne devraient comporter l'usage de la force militaire qu'en dernier recours.
Passer de la consolidation de la paix au développement : le Parlement estime qu’il faut s'attaquer aux causes profondes des conflits en mettant en place des mécanismes d’analyse des signes avant-coureurs des États fragiles. Á cet effet, la Commission devrait établir des mesures de prévention des conflits comme un problème horizontal et intégré à la coopération au développement. Pour le Parlement, les populations touchées par un conflit devraient disposer d'un niveau minimum de services de base, notamment en ce qui concerne l'accès à la nourriture, à l’eau, à des équipements d’assainissement, aux médicaments, aux soins de santé (notamment de santé génésique) et à la sécurité des personnes. Le Parlement insiste également sur une coordination renforcée dans les situations de post-conflit entre la consolidation de la paix, l'aide humanitaire et les activités de développement, conformément au cadre stratégique "Lien entre l'aide d'urgence, la réhabilitation et le développement" et en vue d'assurer la cohérence du lien entre sécurité et développement.
Renforcer la coordination civile/militaire : dans les situations de post-conflit, la transition de la sécurité militaire à la sécurité civile doit s'effectuer le plus rapidement possible, et les forces internationales doivent être progressivement complétées et remplacées par une force de police civile nationale et régionale, professionnellement formée. Il importe également de former les forces de police locales aux droits de l'homme (notamment par des campagnes de défense des droits de l'homme et des droits civils en faveur des couches de la population touchées). Parallèlement, il importe de continuer à développer les capacités militaires de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) afin que l'Union et ses États membres puissent mieux répondre à la stabilisation et au développement des sociétés après un conflit.
Réformer la sécurité : le Parlement souhaite que l’accent soit clairement mis sur la réforme du secteur de la sécurité (RSS), le désarmement, la démobilisation et la réinsertion (DDR) en tant qu'éléments essentiels permettant d'assurer une paix à long terme et un développement durable dans les pays concernés. C’est pourquoi, il invite le Conseil et la Commission à accélérer la mise en œuvre sur le terrain du cadre de la politique communautaire pour la RSS et du concept européen d'appui concernant le DDR, en portant une attention particulière aux pays dans lesquels l'Union a déjà déployé des missions PESD.
Associer les femmes à la stratégie post-conflit… : le Parlement demande à l'UE d'inclure une perspective hommes-femmes dans ses efforts d'aide à la RSS après la fin des conflits. Plus loin, le Parlement estime que toute stratégie de réconciliation doit tenir compte des femmes mais aussi des enfants (notamment, les enfants-soldats) et associer ces personnes à tous les niveaux, y compris lors des négociations et de la mise en œuvre des accords de paix. Les femmes doivent également être associées aux activités économiques dans les sociétés sortant de conflits, de manière à promouvoir leur autonomie socio-économique et leur pouvoir d'entreprendre via, par exemple, le microcrédit.
…et en finir avec les violences sexuelles et l’impunité : le Parlement estime qu'il est indispensable de mettre fin à l'impunité dont jouissent les auteurs de violences sexuelles à l’égard des femmes et appelle à exclure toute forme d'amnistie contre ce type de crime. Il faut garantir aux femmes et aux jeunes filles une protection légale et un accès ouvert à la justice et soins génésiques. Il demande en particulier l’application d’une tolérance zéro pour les membres des forces de maintien de la paix et des ONG qui se rendent coupables de violences sexuelles.
Lutter contre les armes de petit calibre : sachant que la majorité des victimes dans les situations de conflit sont tuées par des armes légères et de petit calibre (ALPC), le Parlement appelle le Conseil et la Commission à donner suite d'urgence à la décision de la Cour de justice des Communautés européennes du 20 mai 2008 sur la compétence communautaire en matière de lutte contre la prolifération des ALPC, en accélérant la mise en œuvre de la stratégie européenne contre l'accumulation et le trafic illicites des ALPC et de leurs munitions, et en renforçant la planification des aides communautaires, en l'occurrence du Fonds européen de développement et de l'instrument de stabilité, pour les consacrer à des programmes relatifs aux ALPC sur le terrain. Le Parlement demande en particulier que les institutions financières multilatérales et régionales prennent des dispositions en vue de la mise en place de programmes relatifs aux ALPC dans les zones post-conflit. Il appelle également le Conseil et la Commission à continuer de promouvoir dans tous les cadres bilatéraux et multilatéraux le principe d'un traité international juridiquement contraignant sur le commerce des armes.
Réfugiés : le Parlement estime qu’il faut accorder une haute priorité au retour volontaire des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays (PDI) tout en garantissant à ceux-ci des moyens de subsistance durables. Les PDI devraient être répartis dans tout le pays et relogés dans leurs villages ou villes d'origine, et non rassemblés en un même lieu les exposant à d’ultérieures situations de conflit et de violence. Le Parlement insiste tout particulièrement pour promouvoir le regroupement familial et la réinsertion des enfants touchés par des conflits armés.
Réintégrer les anciens combattants et les enfants soldats : le Parlement appelle la Commission à mettre en œuvre de manière efficace la proposition en matière de DDR des anciens combattants, afin de les aider à réintégrer au plus vite la société civile. Il souligne également que le phénomène des enfants soldats et des filles recrutées au sein des forces armées et soumises à des abus sexuels doit être contré avec force.
Renforcer la gouvernance : le Parlement souligne que la légitimité de tout État ne peut reposer que sur une bonne gouvernance : des mesures doivent donc être prises pour renforcer les institutions, les processus électoraux et les mécanismes de lutte contre la corruption. Il appelle la Commission à créer une unité de déréglementation qui pourrait conseiller les pays sortant d'un conflit sur la façon d'organiser leur infrastructure économique après un conflit et à faire redémarrer le pays aussi vite que possible. Il souligne notamment la nécessité de supprimer les contrôles bureaucratiques empêchant ou freinant la création de petites entreprises, l'ouverture de comptes bancaires ou l'enregistrement de la propriété foncière et insiste sur la nécessité de renforcer les contrôles sur l'utilisation des ressources.
Renforcer le système judiciaire : rappelant que la paix n’était pas « l’absence de guerre », le Parlement indique qu'il ne saurait y avoir de paix, sans justice. C’est pourquoi, il insiste sur la mise en place de mesures destinées à renforcer la justice dans les situations de post conflit, notamment pour aider les tribunaux à juger les crimes de guerre et sanctionner les criminels. Le Parlement propose dans ce cadre, d'examiner la possibilité d'établir un registre des violations des droits de l'homme commises durant le conflit. Parallèlement, le Parlement demande des mesures pour permettre l’enregistrement des naissances et le suivi les biens fonciers afin de permettre aux réfugiés de retrouver leurs biens à leur retour.
Associer les communautés locales : le Parlement souligne que le soutien aux communautés locales, aux familles, aux organisations de la société civile, y compris les organisations féminines est indispensable pour garantir le succès de la politique de développement. Il appelle dès lors la Commission et les États membres à apporter un soutien politique et financier aux acteurs locaux luttant pour la paix et les droits de l'homme. Il rappelle que l'instauration d'une paix durable dépend, à maints égards, de la participation de la population locale au processus de paix. C’est pourquoi, il souhaite que certaines organisations de la société civile soient associées au dialogue entre les groupes en conflit.
Rôle de la Cour pénale internationale : le Parlement se félicite de l'interaction existant entre l'Union et la Cour pénale internationale (CPI). Il souligne que le soutien de l'Union est essentiel à la mise en œuvre du mandat de la CPI et qu'il est absolument indispensable que tous les États signent et ratifient le statut de Rome. Il prie les États membres de l'UE et de l'Union africaine de donner suite, sans tarder et de manière cohérente, à l'ensemble des mandats d'arrêt délivrés par la CPI dans toutes les situations de conflit
Rôle de l’Union : le Parlement appuie pleinement le programme de l'UE pour la prévention des conflits violents ainsi que les mesures de sécurité et de développement envisagées dans le cadre du Plan d'action de l'UE pour 2009. Il demande toutefois à la Commission d'accorder une haute priorité à la mise en œuvre de mesures liées à la consolidation de la paix et insiste sur le rôle des missions de l'UE (notamment, les équipes de médiation et de négociation, les forces de police et de maintien de la paix). Il souligne en particulier le rôle moteur de l'aide au développement pour consolider la paix et prévenir la guerre dans les États fragiles. C’est pourquoi, il appelle la Commission à soutenir les efforts des pays partenaires pour développer leurs capacités démocratiques (en les aidant à renforcer le contrôle parlementaire et leurs capacités de vérification des comptes). Il demande que des mécanismes de suivi et de contrôle soient mis en place de manière à s’assurer que les ressources budgétaires allouées par l'UE arrivent à bon port.
Rôle du Parlement européen : enfin, le Parlement souligne sa volonté de continuer à participer activement aux travaux organisés par la Commission sur les situations de fragilité. Il déplore la lenteur des travaux de la Commission et du Conseil dans ce domaine et invite la Commission à le tenir pleinement informé des mesures prises. Il souhaite notamment que l’on renforce les meilleures pratiques dans les dossiers exigeant une vaste collaboration entre les acteurs politiques, militaires, humanitaires et ceux du développement, en matière de prévention des conflits, de médiation, de maintien de la paix, de respect des droits de l'homme, d'état de droit, d'aide humanitaire, de reconstruction et de développement à long terme.