En adoptant le rapport d’initiative de M. Raimon OBIOLS I GERMÁ (PSE, ES) sur le rapport annuel sur les droits de l'homme dans le monde 2008, la commission des affaires étrangères estime que l'Union doit progresser vers une politique cohérente et constante de respect et de promotion des droits humains dans le monde entier. Mais cette politique doit gagner en efficacité, estiment les députés.
Globalement, les députés réaffirment que la promotion des droits humains ne progressera pas sans un renforcement de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l'Union. Il est donc nécessaire de veiller à la mise en œuvre rigoureuse de la promotion des droits humains, à tous les niveaux, notamment via la PESC. L’Union doit également redoubler d'efforts pour mieux réagir en phase de crise. Les députés soulignent également les attentes croissantes vis-à-vis de l’Union dans le monde. Ils appellent dès lors l'Union à opter pour une position identique en matière de respect des droits humains que celle adopte elle-même au plan intérieur. Dans la foulée, les députés demandent la vigilance maximale en ce qui concerne le respect de la clause relative aux droits humains figurant dans les accords conclus entre l'Union et les pays tiers.
Rapport annuel 2008 de l'UE sur les droits de l'homme : une fois encore les députés demandent à être mieux informés sur la mise en œuvre des politiques mises en œuvre ainsi qu’un meilleur ciblage des informations sur certains pays, en se focalisant par exemple sur les "pays suscitant des préoccupations particulières" (et où il est particulièrement difficile de promouvoir les droits humains). Les députés estiment par ailleurs que le rapport devrait être plus largement diffusé et que des campagnes de sensibilisation devraient être menées afin de toucher le public le plus large possible à la problématique des droits humains. Parmi les informations réclamées par les députés, figure une évaluation des pratiques des États membres en rapport avec la politique de l'Administration de Bush en matière de lutte contre le terrorisme.
Activités du Conseil et de la Commission dans les enceintes internationales : les députés demandent une nouvelle fois à la Commission d'inciter les États membres et les pays tiers avec lesquels se déroulent des négociations en vue de l'adhésion ou du renforcement de leurs relations, à signer et ratifier toutes les conventions majeures des Nations unies et du Conseil de l'Europe relatives aux droits de l'homme. Ils demandent en particulier qu’un accord-cadre soit conclu entre l’Union et le Conseil des droits de l'homme des Nations unies (CDHNU) afin de promouvoir la mise en œuvre des conventions des Nations unies par tous les États membres. Mais ils réclament en priorité la ratification universelle du Statut de Rome sur la Cour pénale internationale (CPI). La République tch èque est ainsi appelée à ratifier le statut de Rome, sachant que ce pays est le dernier de l’Union à ne pas l’avoir fait. D’autres demandes plus ponctuelles sont faites, notamment : i) la coopération de tous les États membres avec la CPI et la conclusion d’accords bilatéraux sur l'exécution des condamnations ; ii) la ratification de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées; iii) le renforcement de la coopération entre l’Union et le Conseil de l’Europe dans le domaine des droits humains, de l'état de droit et de la démocratie pluraliste.
Parallèlement, si les députés se réjouissent de l'arrestation de Radovan Karadžić et de son transfèrement devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), ils déplorent que Ratko Mladić et Goran Hadžić soient toujours en liberté. Constatant également que le Soudan ne coopère toujours pas avec la CPI en vue de l'arrestation d'Ahmed Haroun et d'Ali Abd-Al-Rahman ("Ali Kushayb"), les députés appellent à de nouvelles mesures pour contrer les mesures prises par le président Bechir, suite à sa condamnation. Des efforts sont également réclamés pour que l'UE et ses États membres mettent à exécution les conclusions du Conseil sur le Soudan. D’autres points noirs en matière de non respect des droits de l’homme sont évoqués comme en RDC et en Ouganda.
Se réjouissant des premières déclarations de la nouvelle administration américaine, laquelle reconnaît que la CPI devient manifestement un instrument important et crédible pour tenter de demander aux principaux responsables de rendre des comptes, les députés invitent les États-Unis à jouer un rôle plus actif aux côtés de la CPI.
Le Conseil des droits de l'homme des Nations unies : si les députés saluent les travaux du CDHNU et son rôle crucial dans l'architecture générale des Nations unies, les députés estiment que l’Union devrait mieux suivre et contrôler les travaux menés dans le cadre de l'examen périodique universel organisé par le CDHNU (mécanisme destiné à contrôler qu’un État respecte bien ses obligations et engagements en matière de droits de l’homme, sur base données fiables et objectives). Les députés demandent également que l’on remédie au problème (déjà évoqué) de la mise en minorité des États membres de l'UE au sein du CDHNU. Dans ce contexte, ils suggèrent l’association des États membres avec des États démocratiques d'autres groupes régionaux (notamment pour contrecarrer la politique des votes par blocs régionaux au sein de cette instance).
Globalement les députés appellent à un renforcement de la coopération entre le Conseil et l'Union européenne dans les domaines de la promotion des droits des minorités et de la protection des langues.
Résultats obtenus au regard des lignes directrices de l'UE en matière de droits humains : les députés estiment qu’il convient de ne pas attendre la mise en œuvre du traité de Lisbonne pour mettre en place le Service européen d'action extérieure. Ils se réjouissent des progrès accomplis par les présidences slovène et française pour achever la rédaction des lignes directrices de l'Union en matière de droits humains appliquées aux droits des enfants. Ils estiment qu’il faut maintenant garantir que les missions de l'UE assurent un suivi plus systématique des questions relatives aux droits humains, par exemple en désignant des points focaux en matière de droits humains et en incluant des orientations sur les droits humains.
Situation et violence contre les femmes : les députés se réjouissent de la nouvelle priorité accordée par la présidence française à la problématique de la situation des femmes. Dans ce contexte, ils demandent que l’on se penche de manière plus sérieuse sur le cas du Zimbabwe, et, que l’on accorde une attention particulière à la situation des femmes dans les zones de conflits.
La peine de mort : si les députés se réjouissent de la déclaration conjointe du 10 octobre 2008 des présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, sur la peine de mort, ils demandent à la présidence d'encourager l'Italie, la Lettonie, la Pologne et l'Espagne à ratifier le protocole n° 13 à la Convention européenne des droits de l'homme, relatif à l'abolition de la peine de mort (que ces pays ont signé, mais pas encore ratifié). Ils réitèrent l'opposition ferme de l'Union à la peine de mort en toutes circonstances et exprime une fois de plus leur conviction que l'abolition de la peine de mort contribue au renforcement de la dignité humaine.
Constatant que la peine de mort recule toutefois progressivement, les députés déplorent une fois encore le fait que le régime iranien continue à condamner à mort et à exécuter des accusés de moins de 18 ans (en particulier, des homosexuels). Ils rappellent au passage que l'Iran est le seul pays à avoir exécuté des délinquants juvéniles en 2008. Les députés se disent également préoccupés par la possibilité que des condamnations à mort surviennent au Guatemala. Ils rappellent également le triste palmarès de la Chine qui reste encore le pays qui procède au plus grand nombre d'exécutions au niveau mondial. De même, les députés condamnent la pratique de la peine de mort au Belarus : dernier pays du continent européen à appliquer la peine de mort.
Torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants : les députés prient tous les États membres qui, à ce jour, n'ont pas signé ou ratifié le protocole facultatif à la Convention contre la torture (PFCCT), de le faire sans retard. Ils attendent de la Commission et du Conseil qu'ils renforcent leur coopération avec le Conseil de l'Europe afin de créer, à l'échelle de l'Europe, une zone sans torture ni autres formes de mauvais traitement, offrant ainsi un exemple à suivre par les autres pays du monde. Ils se réjouissent de la détermination de lignes directrices de l'Union sur la torture destinées à guider les missions de l'UE dans les pays tiers. Ils pressent le Conseil et la Commission à poursuivre la pratique des démarches auprès de tous les partenaires internationaux de l'Union en vue de la ratification des conventions internationales proscrivant le recours à la torture et aux mauvais traitements. Ils demandent en particulier que l’on inscrive la lutte contre la torture et les mauvais traitements parmi les priorités de la politique des droits humains de l'Union.
Droits des enfants : les députés insistent à nouveau sur l’impérieuse nécessité de mettre en œuvre les lignes directrices de l'Union sur la protection des enfants dans les conflits armés. Ils se réjouissent de ce que l'UE ait donné instruction aux ambassadeurs de définir des stratégies individuelles pour 13 pays prioritaires, et que l'UE ait adopté en juin 2008 une liste récapitulative ("check-list") révisée, dont l'objectif est d'intégrer la protection des enfants touchés par les conflits armés dans la politique européenne de sécurité et de défense. Au passage, les députés condamnent avec force le recrutement et l'exploitation d'enfants dans les conflits armés au Tchad et en Irak ainsi que l'exploitation permanente des enfants au Sri Lanka, en Birmanie, aux Philippines, en Somalie, au Congo et au Burundi.
Défenseurs des droits humains : les députés rappellent l'engagement de l'UE à améliorer la protection des défenseurs des droits humains dans leur lutte pour que les idéaux dépeints dans la Déclaration universelle des droits de l'homme deviennent réalité. Ils attirent l'attention sur les violences et l'exploitation sexuelle dont sont victimes des millions d'enfants dans le monde et appellent le Conseil et les États membres à ne ménager aucun effort pour prévenir et lutter contre l'exploitation sexuelle et la violence sexuelle à l'égard des enfants.
Globalement, les députés encouragent les institutions de l’Union à renforcer leur soutien aux défenseurs des droits de l’homme en créant un point focal au Parlement européen, au Conseil et à la Commission, afin d’améliorer le suivi des droits de l’homme ainsi que la coordination avec les autres organisations internationales et européennes.
Les députés se félicitent de la version révisée des orientations de l'UE concernant les défenseurs des droits de l'homme et demandent à nouveau au Conseil et aux États membres d'examiner la question de l'attribution accélérée de visas aux défenseurs des droits humains et en créant une procédure spécifique dans ce cas. Les députés se réjouissent en outre de la possibilité actuellement à l’étude de délivrer des visas pour transférer provisoirement des défenseurs des droits humains en danger immédiat ou ayant besoin d'être mis à l'abri.
En ce qui concerne les cas concrets évoqués par les parlementaires en matière de non respect des droits humains, les députés citent le Belarus et notamment les pressions exercées sur Alexandre Kazouline, opposant, avant les élections. Ils condamnent également les restrictions imposées par le gouvernement chinois aux défenseurs des droits de l'homme avant les Jeux olympiques, ou les restrictions imposées aux cyberdissidents (qu’ils soient chinois ou d’ailleurs). D’autres griefs sont faits à l’encontre de l’Iran (condamnations arbitraires, torture et emprisonnement), au Nicaragua et au Venezuela. De manière générale, les députés condamnent fermement la violence systématique et les actes répétés de harcèlement dont sont victimes les lauréats du Prix Sakharov.
Lignes directrices relatives aux dialogues sur les droits humains et consultations officielles avec les pays tiers : les députés prennent note de la version réactualisée des lignes directrices, adoptées sous la Présidence française, en matière de dialogues sur les droits humains avec les pays tiers et invitent le Conseil et la Commission à lancer une évaluation d'ensemble sur ces lignes directrices, basée sur une évaluation approfondie de chaque dialogue mis en place.
Revenant sur chacune des zones du monde où le Conseil et l’Union ont été amenés à s’exprimer et/ou agir, les députés s’expriment comme suit :
Examen général des activités du Conseil et de la Commission (performances des 2 présidences en exercice) : les députés demandent des efforts accrus et une action plus déterminée de l'Union afin de contribuer à l'obtention d'un accord politique sur le conflit au Darfour. Ils insistent sur la nécessité de trouver une solution au conflit qui sévit en République centrafricaine et au Tchad, et expriment leur intention d'autoriser le déploiement d'une composante militaire des Nations Unies qui succédera à l'EUFOR Tchad/RCA.
Ils se réjouissent de ce que le Conseil établisse des listes de pays ciblés, pour lesquels il est fait un supplément d'efforts concertés en vue de mettre en œuvre les lignes directrices relatives aux enfants dans les conflits armés, à la peine de mort (pays dits "sur le seuil") et aux défenseurs des droits humains. Ils réitèrent leur demande que tous les dialogues avec les pays tiers, instruments, documents et rapports relatifs aux droits humains et à la démocratie, y compris les rapports annuels, traitent explicitement les questions de discrimination, notamment les questions relatives aux minorités ethniques, nationales et linguistiques, aux libertés religieuses, et abordent explicitement la discrimination fondée sur la caste. Ils prennent acte au passage de l'initiative de l'Union pour la Méditerranée lancée par la présidence française, qui constitue un nouveau défi visant à promouvoir la démocratie et le respect des droits humains dans la zone méditerranéenne. Cette nouvelle initiative ne doit toutefois pas se traduire par un fléchissement de l'attention sur les réformes nécessaires en termes de démocratie et de droits humains dans la région.
Programmes d'assistance externe de la Commission et IEDDH : les députés se réjouissent que les priorités du Parlement aient été prises en compte dans les documents de programmation de l'IEDDH pour 2007 et 2008. Ils demandent une mise à jour des recueils électroniques, qui doivent couvrir tous les projets de l'IEDDH selon un classement géographique et thématique et appellent à nouveau la Commission à adapter le niveau des ressources humaines affectées à la mise en œuvre de l'IEDDH aux spécificités et aux difficultés de ce nouvel instrument, tant au siège que dans les délégations.
Assistance et observation électorales : les députés se réjouissent de constater que l'Union a recours de manière croissante à l'assistance et à l'observation électorales pour favoriser la démocratisation dans les pays tiers. Ils mettent en avant les très bons résultats obtenus par la méthodologie globale de l'UE et se réjouissent de la publication du 1er manuel de l'UE relatif à l'observation des élections. Ils demandent toutefois qu'une vigilance accrue soit observée quant aux critères qui président au choix des pays dans lesquels une assistance/observation électorale est menée. Pour les députés le processus électoral, y compris les phases pré- et postélectorales, doit être intégré dans les différents niveaux du dialogue politique mené avec les pays tiers.
Intégration des droits humains : les députés invitent la Commission à contrôler étroitement l'octroi du régime spécial dans le système de préférences généralisées (SPG+) aux pays qui ont montré de sérieuses défaillances dans l'application des conventions de l'OIT relatives aux normes essentielles en matière de droit du travail et demandent l’élaboration de critères destinés à définir les cas où le bénéfice du SPG doit être retiré pour des raisons de droits humains.
Droits économiques, sociaux et culturels (ESC) : les députés estiment que les droits économiques, sociaux et culturels ont autant d'importance que les droits civils et politiques. Ils invitent dès lors l'UE à intégrer la protection des droits ESC dans ses relations extérieures avec les pays tiers. Ces droits englobent en particulier le droit à l'alimentation, à un logement adéquat, à l'éducation, à l'eau, à la terre, à un emploi décent, à la sécurité sociale et à la formation de syndicats. Les députés insistent encore sur la nécessité de promouvoir la responsabilité sociale des entreprises. Ils invitent à nouveau la Commission et le Conseil à prendre des initiatives au niveau international pour lutter contre les persécutions et les discriminations fondées sur l'orientation ou l'identité sexuelles.
Efficacité des interventions du Parlement européen dans des cas relevant des droits humains : les députés demandent au Conseil de répondre de manière substantielle aux souhaits et aux préoccupations exprimés dans les communications officielles du Parlement, en particulier dans ses résolutions d'urgence. Ils rappellent à ses délégations se rendant dans des pays tiers qu'elles devraient inclure systématiquement dans le programme de visite un débat interparlementaire sur la situation des droits humains, ainsi que des rencontres avec des défenseurs des droits de l'homme sur place. Ils se félicitent enfin de la création du réseau Sakharov proclamé lors du 20ème anniversaire du prix Sakharov.