Normes et procédures communes applicables au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Directive "retour"
OBJECTIF : fixer des règles claires et transparentes pour le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
ACTE LÉGISLATIF : Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
CONTENU : le Conseil européen de Bruxelles des 4 et 5 novembre 2004 a recommandé la mise en place d’une politique efficace d’éloignement et de rapatriement basée sur des normes communes, afin que les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier soient rapatriés d’une façon humaine et dans le respect intégral de leurs droits fondamentaux ainsi que de leur dignité.
C’est pour répondre à cette demande que le Parlement européen et le Conseil ont adopté, à l’issue d’un accord obtenu en 1ère lecture, une directive destinée à fixer des règles claires, transparentes et équitables visant à définir, au niveau de l’Union, une politique de retour efficace. Les contours de cette politique constituent un élément indispensable d’une politique migratoire bien gérée et sont déterminés par un ensemble horizontal de règles favorisant dans toute la mesure du possible, le retour volontaire.
Ces règles peuvent se résumer comme suit :
I. Objet et champ d’application : la directive fixe les normes et procédures communes à appliquer dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dans le respect des droits fondamentaux des personnes concernées et des principes généraux de défense et de protection des droits de l’homme. Elle s’applique à tous les ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas ou plus les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans un État membre.La directive n'affectera pas les garanties procédurales et matérielles accordées aux demandeurs d'asile conformément aux textes communautaires pertinents.
II. Fin du séjour irrégulier : une procédure en 2 étapes : le principe de la directive est de prévoir une procédure en 2 étapes : d’abord une décision de retour qui ouvrira une période de "retour volontaire" laquelle pourra être ensuite suivie d'une "décision d'éloignement" aboutissant à l'expulsion.
1) Décision de retour : sauf exceptions expressément prévues à la directive, une décision de retour sera prise par un État membre lorsque qu’un ressortissant de pays tiers se trouve en séjour irrégulier sur son territoire. Sont exclus du champ d’application de la directive, notamment : i) les ressortissants de pays tiers titulaires d’un titre de séjour valable dans un autre État membre : dans ce cas, les personnes concernées devront immédiatement se rendre sur le territoire de cet autre État membre, faute de quoi, les ressortissants concernés risquent de se voir signifier une décision de retour ; ii) les ressortissants de pays tiers titulaires d’un droit de séjour humanitaire ; iii) les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dont le titre de séjour est en cours de renouvellement.
Toute décision de retour devra être assortie d’une décision d’interdiction d’entrée. La durée de cette interdiction ne pourra dépasser 5 ans en principe (ce délai pouvant être allongé pour des raisons d’ordre public). Une série d’exception à ce principe sont toutefois prévues, notamment pour les victimes de la traite des êtres humains, pour des raisons humanitaires ou toutes autres raisons dûment justifiées. Les États membres gardent la possibilité de lever, annuler ou suspendre cette interdiction.
Dans toute la mesure du possible, tout sera fait pour favoriser le départ volontaire des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : à cet effet, ils disposent d’un délai de 7 à 30 jours.Ce délai n'exclut pas la possibilité, pour le ressortissant concerné, de partir plus tôt mais ce délai pourra éventuellement être prolongé si les enfants de la personne concernée sont scolarisés ou s’il existe d'autres liens familiaux dans le pays d’accueil. Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite (ex. : obligation de se présenter régulièrement aux autorités, …) pourront être imposées pendant cette période. S'il existe un risque de fuite ou si la personne constitue un danger pour la sécurité publique, l'ordre public ou la sécurité nationale, les États membres pourront alors s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou raccourciront ce délai à moins de 7 jours.
2) Éloignement : lorsque la décision de retour est prise, les États membres confrontés à des ressortissants de pays tiers récalcitrants pourront utiliser « en dernier ressort » des mesures coercitives pour procéder à son éloignement. Ces mesures devront toutefois être proportionnées et ne devront pas comporter un usage de la force allant « au-delà du raisonnable », conformément au droit national et au respect des droits fondamentaux et de la dignité ainsi que de l’intégrité physique du ressortissant éloigné. Des garanties sont prévues dans ce cas comme l’application des orientations communes prévues pour les éloignements par voies aériennes telles que définies à la décision 2004/573/CE, ou le contrôle des retours forcés. Des dispositions sont également prévues pour fixer les règles en cas de report de l’éloignement (notamment, pour tenir compte de l’état physique ou mental du ressortissant à éloigner ou des motifs d’ordre technique, comme l’absence de moyens de transport approprié).
Des dispositions sont également prévues en cas de retour et d’éloignement des mineurs non accompagnés : il est prévu qu’avant que soit prise une décision de retour pour les mineurs non accompagnés, l'assistance d'organismes compétents autres que les autorités chargées d'exécuter le retour soit accordée en tenant compte de l'intérêt supérieur de l'enfant. En outre, avant de les éloigner, les autorités des États membres devront s'assurer qu'ils seront remis à un membre de leur famille, à un tuteur désigné ou à des structures d'accueil adéquates dans l'État de retour.
Dispositions plus favorables : la présente directive s’appliquera sans préjudice de dispositions relevant de l’acquis communautaire en matière d’immigration et d’asile, qui s’avéreraient plus favorables pour le ressortissant d’un pays tiers concerné ou du droit des États membres à adopter ou maintenir des dispositions plus favorables pour les personnes concernées, à condition que ces dispositions soient compatibles avec la présente directive.
Non-refoulement, intérêt supérieur de l'enfant, vie familiale et état de santé: des dispositions sont introduites pour faire en sorte que la directive tienne compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, de la vie familiale mais aussi de l'état de santé des personnes à éloigner. En tout état de cause, la directive devra pleinement respecter le principe de non-refoulement.
III. Garanties procédurales : outre le dispositif de retour en 2 phases, la directive prévoit un ensemble cohérent de garanties procédurales parmi lesquelles :
- le droit pour le ressortissant en séjour irrégulier à être informé par écrit des motifs de sa décision de retour ou d’éloignement et en principe, dans une langue qu’il peut comprendre ;
- le droit à un recours contre une décision d’éloignement avec effet suspensif éventuel ; ce droit se double de la possibilité pour le ressortissant d’obtenir une assistance juridique gratuite (les États membres ayant jusqu’au 24 décembre 2011 pour appliquer cette disposition);
- le droit à l’unité familiale, à des soins médicaux d’urgence, à la scolarisation des enfants mineurs,…en attendant leur retour volontaire ou leur éloignement.
IV. Rétention à des fins d’éloignement : en principe, les États membres ne peuvent placer en rétention que les ressortissant de pays tiers qui font clairement l'objet d’une procédure de retour, en particulier ceux d’entre eux qui présentent un risque de fuite ou qui s’opposent à leur éloignement. Toute rétention devra être aussi brève que possible et devra être exécutée avec toute la diligence requise. Elle devra être ordonnée par écrit, en indiquant les motifs de fait et de droit, par un juge. Une fois la décision de rétention ordonnée, les États membres devront prévoir un contrôle juridictionnel accéléré pour assurer la légalité de la rétention. Si la rétention est jugée illégale, le ressortissant concerné devra immédiatement être remis en liberté. Dans tous les cas, la rétention devra faire l'objet d'un réexamen à intervalles raisonnables et par des autorités judiciaires ad hoc. Par ailleurs, la directive prévoit que, lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que la rétention ne se justifie plus, la personne devra immédiatement être remise en liberté.
Durée de la période de rétention : la durée maximale de rétention ne peut pas dépasser 6 mois. Cette période pourra toutefois être étendue pour une période limitée de 12 mois supplémentaires lorsque, malgré tous les efforts raisonnables, il est probable que l'opération d'éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération du ressortissant concerné ou de retards dus à des difficultés pour l’obtention, par le pays tiers concerné, des documents nécessaires.
Conditions de rétention : la rétention devra s'effectuer dans des centres de rétention spécialisés. Si un État membre ne peut placer les intéressés dans un tel centre (mais dans un établissement pénitentiaire), les ressortissants de pays tiers concernés devront être séparés des prisonniers de droit commun. Une attention particulière devra être accordée à la situation des personnes vulnérables (ex. en cas de soins médicaux d'urgence). En tout état de cause, les organisations nationales, internationales et non gouvernementales compétentes devront toujours avoir la possibilité de se rendre dans les centres de rétention moyennant autorisation et pourront avoir des contacts avec leurs représentants légaux.
Rétention des mineurs et des familles : les mineurs non accompagnés et les familles ne pourront être placés en rétention qu'en dernier ressort et pour la période la plus brève possible. Les familles placées en rétention dans l'attente de leur éloignement disposeront d'un lieu d'hébergement séparé qui leur garantira une intimité adéquate. Les mineurs placés en rétention auront la possibilité de pratiquer des activités de loisirs et pourront avoir accès à l'éducation. Les mineurs non accompagnés bénéficient, par ailleurs et dans la mesure du possible, d'un hébergement dans des institutions disposant d'un personnel et d'installations adaptés aux besoins des personnes de leur âge. En tout état de cause, l'intérêt supérieur de l'enfant devra toujours constituer une considération primordiale.
Situation d’urgence : lorsqu'un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers soumis à une obligation de retour fait peser une charge lourde et imprévue sur les centres de rétention d'un État membre, ceux-ci pourront déroger aux conditions classiques de rétention prévues à la directive. Ces situations spécifiques ne pourront toutefois pas être interprétées par un État membre pour appliquer des mesures contraires à la directive.
Rapports : tous les 3 ans, la Commission devra faire rapport au Parlement européen et au Conseil sur l’application de la directive et proposer, le cas échéant, des modifications pertinentes au présent texte. Le 1er de ces rapports devra être remis pour le 24 décembre 2013 au plus tard.
Dispositions territoriales : la Norvège, l’Islande, la Suisse et le Liechtenstein sont associés à la mise en œuvre de la présente directive conformément aux accords bilatéraux conclus avec l’UE sur l’acquis Schengen. Le Royaume-Uni et l’Irlande ne participeront pas à l’adoption et à la mise en œuvre de ce texte, conformément au protocole annexé au Traité UE et décisions ultérieures. Pour les mêmes raisons, le Danemark ne participera pas non plus à l’adoption de ce texte mais pourra décider dans un délai de 6 mois s’il transpose ou non ce texte en droit national.
ENTRÉE EN VIGUEUR : 13.01.2009. À noter qu’à compter de son entrée en vigueur, la directive remplacera les articles pertinents (23 et 24) de la Convention d’application Schengen.
TRANSPOSITION : 24.12.2010.