Schengen: mécanisme d’évaluation destiné à contrôler l’application de l’acquis de Schengen
OBJECTIF : créer un mécanisme d’évaluation destiné à contrôler l’application de l’acquis de Schengen.
ACTE PROPOSÉ : Règlement du Conseil.
CONTEXTE : l’Espace Schengen a été mis en place dans le cadre intergouvernemental à la fin des années 80 et au début des années 90, par les États membres qui souhaitaient supprimer les contrôles aux frontières intérieures. Cet espace est notamment fondé sur la confiance mutuelle totale des États membres dans leur capacité à mettre pleinement en œuvre les mesures d’accompagnement permettant la levée des contrôles aux frontières intérieures. Afin d'instaurer et de maintenir cette confiance mutuelle, les États Schengen ont créé un mécanisme géré par une commission permanente ayant pour tâche de i) constater que toutes les conditions requises pour la mise en vigueur de l’acquis de Schengen (c’est-à-dire la levée des contrôles aux frontières) dans un état candidat sont réunies (partie «mise en vigueur»); ii) veiller à l'application correcte de l’acquis de Schengen par les États membres qui l'appliquent déjà («application»).
Avec l’intégration de l’acquis de Schengen dans le cadre de l’UE (au moment du Traité d’Amsterdam en 1999), des modifications de ce mécanisme se sont avérées nécessaires. Ainsi, si pour des raisons juridiques, le volet « mise en œuvre » doit continuer à être géré sur une base exclusivement intergouvernementale, il n’en va pas de même pour le volet « application », en particulier pour les matières relevant du 1er pilier (mise en place d'un Espace de liberté, de sécurité et de justice relevant du traité CE).
C’est la raison pour laquelle la Commission propose un nouveau mécanisme d’évaluation touchant au 2ème volet (application) de l’acquis Schengen, selon les modalités fixées par la présente proposition.
La proposition répond en outre à la nécessité de combler un certain nombre de lacunes identifiées par les États membres et la Commission dans le cadre du mécanisme actuel, en particulier :
- inadaptation de la méthode actuelle, en raison notamment du manque de clarté des règles relatives à la cohérence et à la fréquence des évaluations ;
- aucune inspection sur place inopinée n'est prévue ;
- il n’existe pas de méthode de fixation des priorités sur la base d’une analyse de risques ;
- un niveau élevé d’expertise tout au long de l’exercice d’évaluation s’avère nécessaire (avec un niveau de compétence juridiques et pratique requises, et la limitation du nombre des experts dépêchés sur place) ;
- amélioration requise du mécanisme d’évaluation ex post destiné à apprécier la suite donnée aux recommandations formulées à l'issue des inspections sur place ;
- prise en compte inapproprié de la responsabilité institutionnelle de la Commission en tant que gardienne des traités en ce qui concerne les matières relevant du 1er pilier.
Á noter que parallèlement, une autre proposition de décision complète le présent dispositif et crée un mécanisme d’évaluation destiné à suivre l’application des éléments de l’acquis de Schengen relevant du droit de l’Union européenne (voir CNS/2009/0032).
ANALYSE D’IMPACT : sans objet.
CONTENU : la présente proposition de règlement vise à créer un cadre juridique aux fins l'évaluation de l'application des éléments de l’acquis de Schengen faisant partie du droit communautaire. Elle s’accompagne d’une proposition de décision portant création d’un mécanisme d’évaluation destiné à suivre l’application des éléments de l’acquis de Schengen relevant du droit de l’Union européenne. Ce double mécanisme d’évaluation vise à maintenir la confiance mutuelle des États membres dans leur capacité à appliquer effectivement et efficacement les mesures d’accompagnement permettant la création d’un espace sans frontières intérieures.
Les principaux éléments de la proposition peuvent se résumer comme suit :
Méthode d’évaluation : la proposition instaure un mécanisme d’évaluation destiné à contrôler l’application de l’acquis de Schengen dans les États membres où celui-ci s’applique pleinement et dans les États membres qui ont été autorisés par le Conseil à participer à certaines de ses dispositions. Les États membres qui n’appliquent pas encore pleinement l’acquis de Schengen s’en tiendraient à l’évaluation de l’application de l’acquis qu’ils appliquent déjà.
La Commission sera responsable de ce type d’évaluation avec l’aide d’un groupe de coordination composé de représentants des États membres.
La proposition de règlement prévoit une planification claire des inspections en ce qu’elle prévoit des programmes pluriannuels et annuels d’inspection sur place. Les États membres continueront d’être évalués régulièrement afin de garantir une bonne application générale de l’acquis. Toutes les parties de l’acquis de Schengen dont la base juridique est contenue dans le traité instituant la Communauté européenne pourront faire l’objet d’une évaluation. Une annexe non exhaustive précise à cet égard les domaines pouvant faire l’objet d’une évaluation.
L’évaluation pourra se faire sur la base de :
a) réponses à des questionnaires,
b) d’inspections sur place ou
c) d’une combinaison de ces deux méthodes. Dans ce dernier cas, les inspections pourront avoir lieu peu après la réception des réponses aux questionnaires.
Les inspections sur place pourront être soit annoncées soit inopinées (contrairement à la proposition de décision où seules des inspections annoncées pourront avoir lieu). La Commission appréciera le besoin concret de ce type d'inspections, après consultation des États membres et compte tenu des modifications apportées à la législation, aux procédures et à l’organisation des États membres concernéset de l’analyse des risques réalisée par FRONTEX au sujet des frontières extérieures et des visas (voir ci-après).
Il est également envisagé de réaliser des évaluations thématiques ou régionales dans le programme annuel.
Tant les programmes pluriannuels que les programmes annuels pourront être adaptés si besoin est.
Analyse de risques : une analyse de risques devra être réalisée par FRONTEX avant la réalisation d’un programme d’inspections. Celle-ci devra tenir compte d’éléments tels que la pression migratoire et pourra contenir des recommandations quant aux évaluations à conduire en priorité dans l’année à venir. Ces recommandations devront faire référence aux frontières et points de passage frontaliers posant problème et à évaluer ultérieurement. FRONTEX pourra également soumettre une analyse des risques distincte, assortie de recommandations quant aux évaluations à conduire au moyen d’inspections inopinées.
Expertise des États membres : la Commission devra établir une liste d’experts chargés par les États membres de participer aux inspections sur place. Ces experts nationaux seront choisis par les États membres en fonction de leurs compétences. Afin de garantir un niveau élevé d’expertise, les États membres devront veiller à ce que les experts possèdent les qualifications requises, à savoir de solides connaissances théoriques et une solide expérience pratique dans les domaines faisant l’objet de l’évaluation, ainsi qu’une bonne connaissance des principes, procédures et techniques appliqués dans le cadre des inspections sur place.
Ces experts seront notamment chargés d’effectuer des inspections sur place via la constitution d'équipes d’inspection désignées par la Commission. Seule une partie d’entre eux pourront être chargés de contrôles inopinés. Les équipes seraient composées de 8 experts au maximum pour des inspections annoncées et de 6 personnes pour des contrôles inopinés.
La Commission sera chargée de désigner les équipes chargées des inspections sur place et de s’assurer de l’équilibre géographique entre les experts composant chaque équipe, ainsi que de la compétence de chacun d’eux. Toutefois, les équipes chargées de réaliser des inspections inopinées destinées à vérifier l’absence de contrôles aux frontières intérieures seront exclusivement composées de fonctionnaires de la Commission. Les experts nationaux ne pourront logiquement pas participer à une inspection conduite dans leur propre État d’origine. Les équipes devront en outre désigner en leur sein, un coordinateur à qui incombera la responsabilité d'établir un rapport et de mener l’inspection.
Des experts de FRONTEX pourront également participer aux évaluations en qualité d'observateurs.
Des dispositions sont également prévues dans la proposition pour expliciter le déroulement des inspections.
Suivi de l’évaluation : suite à chaque évaluation, un rapport devra être établi. Ce rapport sera fondé sur les conclusions de l’inspection sur place et du questionnaire. Il analysera en particulier tout aspect qualitatif, quantitatif, opérationnel, administratif et organisationnel pertinent et dressera la liste de toutes les lacunes ou insuffisances constatées durant l’évaluation. Il contiendra en outre des recommandations quant aux mesures correctrices à prendre et quant aux délais à respecter pour y remédier.
L’État membre concerné disposerait d’un délai de 2 semaines pour présenter ses observations sur le rapport et d’un délai de 6 semaines pour présenter un plan d’action destiné à remédier aux insuffisances mises en évidence. L’État inspecté serait en outre tenu de faire rapport sur la mise en œuvre de son plan d’action dans un délai de 6 mois. En fonction des insuffisances relevées, la Commission pourra programmer et effectuer des inspections sur place annoncées ou inopinées en vue de s’assurer de la bonne mise en œuvre du plan d'action. En cas d'irrégularités graves, la Commission devra immédiatement en informer le Conseil.Cette obligation ne porte nullement atteinte au pouvoir de la Commission d'engager une procédure d'infraction à tout stade de l'évaluation.
Informations sensibles : il est prévu que les équipes d’experts traitent comme confidentielle toute information obtenue dans l’exercice de leur mission. Les rapports établis à la suite des inspections sur place seraient en outre classifiés comme «restreints». La Commission et l’État membre concerné décideraient des parties du rapport qui pourront être publiées.
Rapport : la Commission devra présenter au Parlement européen et au Conseil un rapport annuel sur les évaluations conduites au cours de l’année écoulée. Ce rapport devra en outre comporter des informations sur les conclusions formulées à la suite de chaque évaluation, de l’état d’avancement des mesures correctrices ainsi que de toute procédure d’infraction lancée par la Commission à la suite d'une évaluation.
Dispositions territoriales : pour des raisons d’ordre juridique inscrites dans le traité, le Royaume-Uni et l'Irlande ne seront associés que pour partie à la mise en œuvre et à l’application du présent texte (application du système dit de « géométrie variable »). Il en va de même pour le Danemark, mais ce pays disposera d’un délai de 6 mois pour adopter le présent texte. L’association de ces 3 États membres sera limitée à certains domaines circonscris de l’acquis Schengen auxquels ils participent déjà. Pour des raisons juridiques spécifiques, Chypre, la Bulgarie et la Roumanie seront également associés à ce mécanisme mais également limitativement aux parties de l'acquis Schengen qu'ils appliquent déjà. Enfin, la Norvège, l’Islande, la Suisse et le Liechtenstein seront associés à la mise en œuvre du présent texte conformément aux accords bilatéraux conclus avec l’UE sur l’acquis Schengen.
IMPLICATIONS BUDGÉTAIRES : la Commission a établi une fiche financière commune au présent projet de règlement et au projet de décision parallèle. Cette fiche financière prévoit une enveloppe financière variant entre 560.000 EUR et 730.000 EUR par an pour la mise en œuvre de ce mécanisme en dépenses opérationnelles uniquement, et ce, jusqu’en 2013. Des ressources humaines et financières suffisantes seront allouées à la Commission, qui sera chargée du nouveau mécanisme d'évaluation de Schengen. Les coûts supportés par les experts nationaux seront également pris en charge par le budget de l'UE.