Le Parlement européen a
approuvé par 372 voix pour, 12 voix contre et 17 abstentions une résolution dans
laquelle il adresse au Conseil une série de recommandations sur le problème
du profilage, notamment sur la base de l'origine ethnique ou de la race, dans
les opérations de contre-terrorisme, de maintien de l'ordre, de contrôle de
l'immigration, des services des douanes et de contrôle aux frontières. Pour
rappel, le profilage est une technique de recherche, que permettent les
nouvelles technologies, fréquemment utilisée dans le secteur commercial, mais
utilisée de plus en plus pour faire appliquer la loi, pour identifier et
prévenir les infractions, ainsi que dans le cadre du contrôle des frontières.
Sachant que les États membres
font régulièrement appel à ce type de technologie (en utilisant des systèmes
qui impliquent l'obtention, l'utilisation, la conservation ou l'échange
d'informations sur les individus), le Parlement demande l’adoption au
niveau européen d’une définition claire du profilage, tenant compte de
l'objectif précis à atteindre.
Il préconise également que les
techniques de profilage obéissent aux recommandations suivantes:
- que le traitement de données
personnelles à des fins de maintien de l'ordre et de lutte contre le
terrorisme s'inscrive dans un dispositif juridiqueimposant
des limites d'utilisation claires et contraignantes et soumises au
contrôle minutieux et effectif d'organismes indépendants chargés de la
protection des données, avec sanctions sévères à l’appui en cas de
violation des mesures envisagées (pour le Parlement, le stockage de
données en masse à des fins préventives semble disproportionné par
rapport aux besoins essentiels de la lutte contre le terrorisme);
- que l’on crée un cadre
juridique définissant clairement en quoi doit consister le profilage,
qu'il s'agisse de la "fouille" automatique des données
informatisées ou de toute autre technique, en vue de définir des règles
claires quant à la légitimité de son utilisation ; des garanties sont
également réclamées en matière de protection des données concernant les
individus. En effet, pour le Parlement, l'extraction des données et le
profilage brouillent les limites entre une surveillance ciblée légitime
et une surveillance généralisée douteuse, au titre de laquelle les
données sont récoltées parce qu'elles sont « utiles » plutôt
qu'à des fins bien définies ;
- que la collecte et la
conservation de données personnelles et l'utilisation de techniques de
profilage concernant des personnes qui ne sont pas soupçonnées d'un
délit précis soient soumises à un contrôle particulièrement sévère des
critères de "nécessité" et de "proportionnalité"
afin de protéger les personnes honnêtes ;
- qu’une distinction nette soit
opérée entre les données factuelles, les données provenant du
renseignement et les données relatives à différentes catégories de
sujets;
- que l’on n'autorise l'accès aux
fichiers de police et des services de renseignement qu'au cas par cas,
pour des finalités précises et sous contrôle des autorités judiciaires
des États membres;
- que les dispositions
législatives concernant le profilage n’empêchent toutefois pas l'accès
légitime aux bases de données dans le cadre d’enquêtes ciblées;
- que l’on fixe une limite à
la durée de conservation des données à caractère personnel;
- que l’on maintienne la
possibilité de produire de manière encadrée des statistiques anonymes
comportant des variables concernant l'appartenance ethnique, la
"race", la religion et l'origine nationale, nécessaires à
l’identification à des fins de maintien de l'ordre;
- que l’on interdise la
collecte de données à caractère personnel sur la seule base de l'origine
raciale, de l'appartenance ethnique, des convictions religieuses, de
l'orientation ou du comportement sexuels, des opinions politiques ou de
l'appartenance à des mouvements ou organisations précis qui ne sont pas
interdits par la loi, et que l’on fixe des garanties pour assurer la
protection et des procédures de recours contre l'utilisation
discriminatoire des instruments de maintien de l'ordre (pour le
Parlement, le principe du « profilage ethnique » est sérieusement
préoccupant quant au respect des règles de non-discrimination) ;
- que l’on mette en place, par
la voie législative, des garanties fortes permettant d'assurer un
contrôle judiciaire et parlementaire approprié des activités des
services de police et de renseignement, y compris de leurs activités
contre le terrorisme;
- que les procédures de
réparation soient réelles et accessibles (les personnes visées par les
données devant disposer d'informations claires sur les procédures à
suivre);
- que l’on fixe des critères
permettant d'évaluer l'efficacité, la légitimité et la compatibilité
avec les valeurs de l'UE de toutes les opérations de profilage (le cas
échéant, le Parlement suggère l’instauration de règles contraignantes
permettant d'éviter toute atteinte aux droits fondamentaux en cas de
profilage).
Le Conseil est également appelé
à commander une étude conduite sous la responsabilité de la Commission
portant sur l'application effective et potentielle des techniques de
profilage, leur efficacité en termes d'identification des suspects et leur
compatibilité avec les exigences relatives aux libertés civiles, aux droits
de l'homme et à la vie privée. Pour leur part, les États membres devraient
fournir des chiffres sur leurs opérations de recherche et d'arrestation et
autres interventions résultant du profilage.
Enfin, le Parlement met
l’accent sur le danger que courent les personnes innocentes de se faire
contrôler, interroger, de faire l'objet de restrictions de voyage, de mesures
de surveillance ou d'alarmes de sûreté, de manière arbitraire, du fait
de données ajoutées à leur profil par un agent de l'État.