Le Parlement européen a adopté par 429 voix pour, 36 voix contre et 55 abstentions, une résolution sur le rapport 2008 sur les droits de l'homme dans le monde.
Le Parlement estime que l'Union doit progresser vers une politique cohérente de respect et de promotion des droits de l’homme dans le monde. Il insiste toutefois pour que cette politique gagne en efficacité. Le Parlement réaffirme également que la promotion des droits humains ne progressera pas sans un renforcement de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l'Union. Il est également nécessaire que l’Union redouble d'efforts pour réagir en phase de crise.
Face aux attentes croissantes du monde vis-à-vis de l’Union, le Parlement appelle à une position forte de l’UE sur la scène internationale en matière de respect des droits de l’homme. Il demande également une vigilance maximale en ce qui concerne le respect de la clause droits de l’homme dans les accords conclus avec les pays tiers.
Rapport annuel 2008 de l'UE sur les droits de l'homme : une fois encore le Parlement demande à être mieux informé sur la mise en œuvre des politiques et demande un meilleur ciblage de l’information sur certains pays, en se focalisant par exemple sur les "pays suscitant des préoccupations particulières". Il estime par ailleurs que le rapport soit plus largement diffusé et que des campagnes de sensibilisation soient menées de telle sorte à toucher le public le plus large possible. Parmi les informations réclamées par les députés, figure une évaluation des pratiques des États membres en rapport avec la politique de l'ex-administration de Bush en matière de lutte contre le terrorisme. Á la faveur d’un amendement adopté en Plénière, le Parlement demande notamment au Conseil d'inclure le Movimiento Revolucionario Túpac Amaru (MRTA) dans la liste européenne des organisations terroristes.
Activités du Conseil et de la Commission dans les enceintes internationales : le Parlement appelle les États membres et les pays tiers (notamment ceux avec lesquels l’Union a engagé des négociations d'adhésion), à signer et à ratifier toutes les conventions majeures des Nations unies et du Conseil de l'Europe relatives aux droits de l'homme. Il demande en particulier qu’un accord-cadre soit conclu entre l’Union et le Conseil des droits de l'homme des Nations unies (CDHNU) afin de promouvoir la mise en œuvre des conventions des Nations unies par tous les États membres.
Vers la ratification universelle du Statut de Rome sur la CPI : le Parlement insiste tout particulièrement sur la ratification universelle du Statut de Rome sur la Cour pénale internationale (CPI). Á cet égard, le Parlement insiste auprès de la République tchèque, dernier pays de l’UE à ne pas l’avoir fait, à ratifier le Statut sans tarder. Parallèlement, si le Parlement se réjouit de l'arrestation de Radovan Karadžić et de son transfèrement devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), il déplore que Ratko Mladić et Goran Hadžić soient toujours en liberté. Constatant également que le Soudan ne coopère toujours pas avec la CPI en vue de l'arrestation d'Ahmed Haroun et d'Ali Abd-Al-Rahman ("Ali Kushayb"), le Parlement appelle à de nouvelles mesures pour contrer les mesures prises par le président Bechir, suite à sa condamnation. Des efforts sont également réclamés pour que l'UE et ses États membres mettent à exécution les conclusions du Conseil sur le Soudan. D’autres points noirs en matière de non respect des droits de l’homme sont évoqués comme en RDC et en Ouganda. Se réjouissant des premières déclarations de la nouvelle administration américaine, laquelle reconnaît que la CPI devient manifestement un instrument important et crédible pour tenter de demander aux principaux responsables de rendre des comptes, le Parlement invite les États-Unis à jouer un rôle plus actif aux côtés de la CPI.
Conférence de Durban II sur le racisme : à la faveur de plusieurs amendements adoptés en Plénière, le Parlement se dit déçu du manque d'initiative du Conseil et de l'incapacité des États membres à se mettre d'accord sur une stratégie commune lors de la conférence d'examen de Durban II contre le racisme (qui s’est tenue à Genève du 20 au 24 avril 2009). Il déplore vivement l'absence d'unité et de coopération en la matière, en particulier dans la perspective du renforcement prévu de la politique extérieure de l'Union en vertu du nouveau traité Union. La Plénière invite dès lors la Commission et le Conseil à indiquer si une stratégie de l'Union était prévue et quels efforts ont été fournis en vue de parvenir à une attitude commune. Le Parlement réprouve également avec force le discours du président Mahmoud Ahmadinejad (Iran), qui était contraire à l'esprit et à l'objectif de la conférence.
Conseil des droits de l'homme des Nations unies : si le Parlement salue les travaux du CDHNU et son rôle crucial dans l'architecture générale des Nations unies, il estime que l’Union devrait mieux suivre et contrôler les travaux menés dans le cadre de l'examen périodique universel organisé par le CDHNU (mécanisme destiné à contrôler qu’un État respecte bien ses obligations et engagements en matière de droits de l’homme, sur base données fiables et objectives). Il demande également que l’on remédie au problème (déjà évoqué) de la mise en minorité des États membres de l'UE au sein du CDHNU. Dans ce contexte, il suggère l’association des États membres avec des États démocratiques d'autres groupes régionaux (notamment pour contrecarrer la politique des votes par blocs régionaux au sein de cette instance). Globalement, le Parlement appelle à un renforcement de la coopération entre le Conseil et l'Union européenne dans les domaines de la promotion des droits des minorités et de la protection des langues.
Dialogue interculturel : la Plénière se félicite de l'Année européenne du dialogue interculturel, célébrée en 2008 et rappelle que le dialogue interculturel a un rôle de plus en plus important à jouer dans la promotion de l'identité et de la citoyenneté européennes. Elle demande aux États membres et à la Commission de présenter des stratégies visant à encourager le dialogue entre les cultures, de promouvoir les objectifs de l'Alliance des civilisations dans leurs domaines de compétence respectifs et de continuer à apporter à cette organisation son appui politique.
Résultats obtenus au regard des lignes directrices de l'UE en matière de droits humains : le Parlement estime qu’il ne faut pas attendre la mise en œuvre du traité de Lisbonne pour mettre en place le Service européen d'action extérieure. Il se réjouit des progrès accomplis par les présidences slovène et française pour achever la rédaction des lignes directrices de l'Union en matière de droits humains appliquées aux droits des enfants. Il estime qu’il faut maintenant garantir que les missions de l'UE assurent un suivi plus systématique des questions relatives aux droits humains, par exemple en désignant des points focaux en matière de droits humains et en incluant des orientations sur les droits humains.
Violence contre les femmes : le Parlement se réjouit de la nouvelle priorité accordée par la présidence française à la situation des femmes. Dans ce contexte, il demande que l’on se penche de manière plus sérieuse sur le cas du Zimbabwe, et, que l’on accorde une attention particulière à la situation des femmes dans les zones de conflits.
Peine de mort : si le Parlement se réjouit de la déclaration conjointe du 10 octobre 2008 des présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, sur la peine de mort, il demande à la présidence d'encourager l'Italie, la Lettonie, la Pologne et l'Espagne à ratifier le protocole n° 13 à la Convention européenne des droits de l'homme, relatif à l'abolition de la peine de mort (que ces pays ont signé, mais pas encore ratifié). Il rappelle l'opposition ferme de l'Union à la peine de mort en toutes circonstances et exprime une fois de plus sa conviction que l'abolition de la peine de mort contribue au renforcement de la dignité humaine. Constatant que la peine de mort recule progressivement dans le monde, le Parlement déplore une fois encore le fait que le régime iranien continue à condamner à mort et à exécuter des accusés de moins de 18 ans (en particulier, des homosexuels). Il rappelle que l'Iran est le seul pays à avoir exécuté des délinquants juvéniles en 2008. Il se dit également préoccupé par la possibilité que des condamnations à mort surviennent au Guatemala et rappelle le triste palmarès de la Chine qui reste encore le pays qui procède au plus grand nombre d'exécutions au niveau mondial. De même, le Parlement condamne la pratique de la peine de mort au Belarus, dernier pays du continent européen à appliquer la peine de mort.
Torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants : le Parlement prie tous les États membres qui, à ce jour, n'ont pas signé ou ratifié le protocole facultatif à la Convention contre la torture (PFCCT), à le faire sans tarder. Il attend de la Commission et du Conseil qu'ils renforcent leur coopération avec le Conseil de l'Europe afin de créer, à l'échelle de l'Europe, une zone sans torture ni autres formes de mauvais traitement, offrant ainsi un exemple à suivre par les autres pays du monde. Il presse également le Conseil et la Commission à poursuivre la pratique des démarches auprès de tous les partenaires internationaux de l'Union en vue de la ratification des conventions internationales proscrivant le recours à la torture et aux mauvais traitements. Il demande en particulier que l’on inscrive la lutte contre la torture et les mauvais traitements parmi les priorités de la politique des droits humains de l'Union.
Droits des enfants : le Parlement insiste à nouveau sur la nécessité de mettre en œuvre les lignes directrices de l'Union sur la protection des enfants dans les conflits armés. Il se réjouit de ce que l'UE ait donné instruction aux ambassadeurs de définir des stratégies individuelles pour 13 pays prioritaires, et que l'UE ait adopté en juin 2008 une liste récapitulative ("check-list") révisée, dont l'objectif est d'intégrer la protection des enfants touchés par les conflits armés. Le Parlement condamne au passage le recrutement et l'exploitation d'enfants dans les conflits armés au Tchad et en Irak ainsi que l'exploitation permanente des enfants au Sri Lanka, en Birmanie, aux Philippines, en Somalie, au Congo et au Burundi.
Défenseurs des droits humains : le Parlement rappelle l'engagement de l'UE à améliorer la protection des défenseurs des droits humains dans leur lutte pour que les idéaux dépeints dans la Déclaration universelle des droits de l'homme deviennent réalité. Il attire l'attention sur les violences et l'exploitation sexuelle dont sont victimes des millions d'enfants dans le monde et appelle le Conseil et les États membres à ne ménager aucun effort pour prévenir et lutter contre l'exploitation sexuelle et la violence sexuelle à l'égard des enfants. Globalement, le Parlement encourage les institutions de l’Union à renforcer leur soutien aux défenseurs des droits de l’homme en créant un point focal au Parlement européen. Il appelle en outre l’Union à examiner la question de l'attribution accélérée de visas spéciaux aux défenseurs des droits humains, en créant une procédure spécifique dans ce cas.
De manière générale, le Parlement condamne fermement la violence systématique et les actes répétés de harcèlement dont sont victimes les lauréats du Prix Sakharov. La Plénière confirme également sa position en ce qui concerne les lauréats cubains du Prix Sakharov, M. Oswaldo Payá Sardiñas et le groupe des "Damas de Blanco" ("Dames en blanc"). La Plénière juge intolérable que Cuba (pays avec lequel l'Union a repris le dialogue politique sur tous types de sujets, y compris les droits humains) ait refusé qu'Oswaldo Payá Sardiñas et les Damas de Blanco participent à la cérémonie qui a marqué le 20ème anniversaire du Prix. Dans la foulée, le Parlement demande au gouvernement cubain de libérer immédiatement tous les prisonniers politiques et de reconnaître à tous les Cubains le droit de se rendre dans leur pays et de le quitter librement.
Lignes directrices relatives aux dialogues sur les droits humains et consultations officielles avec les pays tiers : le Parlement prend note de la version actualisée des lignes directrices, adoptées sous la Présidence française, en matière de dialogue sur les droits humains avec les pays tiers et invite le Conseil et la Commission à lancer une évaluation d'ensemble sur ces lignes directrices.
Revenant sur chacune des zones du monde où le Conseil et l’Union ont été amenés à s’exprimer et/ou agir, le Parlement fait les commentaires suivants:
Examen général des activités du Conseil et de la Commission (performances des 2 présidences en exercice) : le Parlement demande des efforts accrus et une action plus déterminée de l'Union afin de contribuer à l'obtention d'un accord politique sur le conflit au Darfour. Il insiste sur la nécessité de trouver une solution au conflit qui sévit en République centrafricaine et au Tchad, et exprime son intention d'autoriser le déploiement d'une composante militaire des Nations Unies qui succédera à l'EUFOR Tchad/RCA.
Il se réjouit de ce que le Conseil établisse des listes de pays ciblés, pour lesquels il est fait un supplément d'efforts concertés en vue de mettre en œuvre les lignes directrices relatives aux enfants dans les conflits armés, à la peine de mort (pays dits "sur le seuil") et aux défenseurs des droits humains. Il réitère sa demande que tous les dialogues avec les pays tiers, instruments, documents et rapports relatifs aux droits de l'homme et à la démocratie, y compris les rapports annuels, traitent explicitement les questions de discrimination, notamment les questions relatives aux minorités ethniques, nationales et linguistiques, aux libertés religieuses – y compris l'intolérance à l'égard de toute religion et les pratiques discriminatoires à l'encontre de minorités religieuses – , et abordent explicitement la discrimination fondée sur la caste, les droits des enfants, des peuples indigènes, des personnes handicapées et personnes de toute orientation et identité sexuelles.
Programmes d'assistance externe de la Commission et IEDDH : le Parlement se réjouit que les priorités du Parlement aient été prises en compte dans les documents de programmation de l'IEDDH pour 2007 et 2008. Il appelle à nouveau la Commission à adapter le niveau des ressources humaines affectées à la mise en œuvre de l'IEDDH aux spécificités et aux difficultés de ce nouvel instrument, tant au siège que dans les délégations.
Assistance et observation électorales : le Parlement se réjouit de constater que l'Union a recours de manière croissante à l'assistance et à l'observation électorales pour favoriser la démocratisation dans les pays tiers. Il met en avant les très bons résultats obtenus par la méthodologie globale de l'UE et se réjouit de la publication du 1er manuel de l'UE relatif à l'observation des élections. Il demande toutefois qu'une vigilance accrue soit observée quant aux critères qui président au choix des pays dans lesquels une assistance/observation électorale est menée. Pour le Parlement, le processus électoral, y compris les phases pré- et postélectorales, doit être intégré dans les différents niveaux du dialogue politique mené avec les pays tiers.
Droits économiques, sociaux et culturels (ESC) : le Parlement estime que les droits économiques, sociaux et culturels ont autant d'importance que les droits civils et politiques. Il invite dès lors l'UE à intégrer la protection des droits ESC dans ses relations extérieures avec les pays tiers. Ces droits englobent en particulier le droit à l'alimentation, à un logement adéquat, à l'éducation, à l'eau, à la terre, à un emploi décent, à la sécurité sociale et à la formation de syndicats. Le Parlement insiste encore sur la nécessité de promouvoir la responsabilité sociale des entreprises. Il invite à nouveau la Commission et le Conseil à prendre des initiatives au niveau international pour lutter contre les persécutions et les discriminations fondées sur l'orientation ou l'identité sexuelles.
Efficacité des interventions du Parlement européen dans des cas relevant des droits humains : le Parlement demande au Conseil de répondre de manière substantielle aux souhaits et aux préoccupations exprimées dans les communications officielles du Parlement, en particulier dans ses résolutions d'urgence. Il accueille avec satisfaction la déclaration novatrice soutenue par 66 nations, dont tous les États membres de l'Union, présentée à l'Assemblée générale des Nations unies le 18 décembre 2008, confirmant que la protection internationale des droits de l'homme comprend l'orientation et l'identité sexuelles et réaffirmant le principe de non-discrimination selon lequel les droits de l'homme s'appliquent de manière égale à tous les êtres humains quelle que soit leur orientation ou identité sexuelle. Il rappelle à ses délégations se rendant dans des pays tiers qu'elles devraient inclure systématiquement dans le programme de visite un débat interparlementaire sur la situation des droits humains, ainsi que des rencontres avec des défenseurs des droits de l'homme sur place. La Plénière estime par ailleurs dans un amendement que seul un organe droits de l'homme renforcé au sein du Parlement serait capable de promouvoir une politique des droits de l'homme cohérente, efficace, systématique vis-à-vis du Conseil et de la Commission (notamment au regard des dispositions du traité de Lisbonne en matière de politique étrangère). Elle estime dès lors que le Parlement devrait décider rapidement des modalités de fonctionnement et des objectifs de cet organe. Enfin, le Parlement demande à nouveau que tous les lauréats du Prix Sakharov et, en particulier, Aung San Suu Kyi, Oswaldo José Payá Sardiñas, le groupement cubain des Damas de Blanco et Hu Jia puissent se rendre dans les institutions européennes et appelle les autorités chinoises, birmanes et cubaines à respecter la liberté d'expression et d'association politique.