Politique d'immigration: sanctions à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier

2007/0094(COD)

OBJECTIF : interdire l’emploi de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dans l’Union européenne et prévoir une série de sanctions financières et pénales en cas d’infraction.

ACTE LÉGISLATIF : Directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

CONTEXTE : l'emploi illégal de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier est le résultat d'une convergence entre l'offre que représentent les migrants à la recherche d'une vie meilleure et la demande d'employeurs prêts à tirer profit de ces derniers pour effectuer des travaux qui, généralement, exigent peu de qualifications et sont mal rémunérés. Selon les estimations, le nombre de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dans l'UE varie de 4,5 à 8 millions. L'emploi illégal est concentré dans certains secteurs: le bâtiment, l'agriculture, le nettoyage, l'hôtellerie et la restauration.

Pour lutter contre ce phénomène et notamment freiner le pouvoir d’attraction de cette main-d’œuvre illégale, il convient de fixer un cadre pour pénaliser au niveau européen l’emploi illégal de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier et convenir d’un niveau de sanctions communes pour dissuader certains employeurs peu scrupuleux.

CONTENU : à la suite d’un accord avec le Parlement européen en première lecture, le Parlement européen et le Conseil ont adopté une directive destinée à interdire l’emploi de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dans le but de lutter contre l’immigration illégale. La directive fixe, à cette fin, des normes minimales communes concernant les sanctions et les mesures applicables dans les États membres à l’encontre des employeurs qui enfreignent cette interdiction.

Obligations incombant aux employeurs : avant d’employer un ressortissant de pays tiers, les employeurs seront tenus:

  • d’exiger d’eux qu’ils présentent un titre de séjour ou une autorisation de séjour valables;
  • de tenir, au moins pendant la durée de la période d’emploi, une copie ou un relevé du titre de séjour ou d’une autre autorisation, à la disposition des autorités compétentes des États membres en vue d’une éventuelle inspection;
  • de notifier aux autorités compétentes le début de la période d’emploi d’un ressortissant de pays tiers dans un délai fixé par chaque État membre. Des dispositions sont toutefois prévues pour supprimer cette procédure de notification s’il s’agit d’un emploi à des fins privées (type employé de maison) pour une personne physique et lorsque le ressortissant de pays tiers en question s’est vu octroyer le statut de résident de longue durée conformément à la directive 2003/109/CE du Conseil.

Á titre dérogatoire, les employeurs ayant respecté les obligations imposées par la directive ne devraient pas être tenus pour responsables du recrutement de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, si l’autorité compétente constate ultérieurement que le document présenté par le travailleur avait été falsifié ou utilisé abusivement.

Sanctions : si l’employeur enfreint le principe de l’interdiction générale de l’emploi de ressortissants de pays tiers en séjour illégal, les sanctions suivantes sont alors envisagées:

1) des sanctions financières : celles-ci peuvent prendre la forme :

  • d’amendes dont le montant augmente en fonction du nombre de ressortissants de pays tiers employés illégalement; et
  • du remboursement des frais de retour des ressortissants de pays tiers employés illégalement dans les cas où une procédure de retour est engagée.

Une réduction des sanctions financières peut être envisagée lorsque l’employeur est une personne physique qui emploie un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier à des fins privées (ex. : employé de maison) et lorsqu’il n’y a pas de conditions de travail particulièrement abusives.

2) le paiement des arriérés par les employeurs : pour chaque ressortissant de pays tiers employé illégalement, chaque employeur devra en outre être tenu de verser:

  • tout salaire impayé au ressortissant d’un pays tiers concerné ; le niveau de la rémunération est présumé avoir été au moins aussi élevé que celui du salaire prévu par la législation applicable en matière de salaire minimal, par les conventions collectives applicables ou selon une pratique établie dans le secteur professionnel correspondant (sauf preuve contraire fournie par l’employeur ou l’employé). Par principe, on suppose que la relation de travail a duré au minimum 3 mois pour le calcul de la rémunération lorsqu’aucune durée n’est fournie par l’employeur ;
  • un montant égal à tous impôts et à toutes cotisations sociales que l’employeur aurait eus à payer si le ressortissant d’un pays tiers avait été employé légalement, y compris les pénalités de retard et les amendes administratives correspondantes;
  • le cas échéant, tous frais résultant de l’envoi des rémunérations impayées dans le pays dans lequel est rentré ou a été renvoyé le ressortissant d’un pays tiers.

Ces arriérés seront dus, y compris en cas de retour volontaire ou forcé des ressortissants de pays tiers visés.

3) autres types de mesures :les employeurs pourraient en outre êtres passibles des mesures suivantes:

  • exclusion du bénéfice de certaines ou de toutes les prestations, aides ou subventions publiques y compris les fonds de l’Union gérés par les États membres, pendant 5 ans;
  • exclusion de la participation à une procédure de passation de marché public pendant 5 ans;
  • recouvrement de certaines ou de toutes les prestations, aides ou subventions publiques octroyées à l’employeur pendant une période maximale d’un an précédant la constatation de l’emploi illégal, y compris les fonds de l’Union gérés par les États membres;
  • fermeture temporaire ou définitive d’établissements ayant servi à commettre l’infraction, ou retrait temporaire ou définitif de la licence permettant de mener l’activité en question, si cela est justifié par la gravité de l’infraction.

4) sanctions pénales : dans les cas particulièrement graves (à savoir si l’infraction est : i) continue ou répétée de manière persistante, ii) elle concerne un nombre important de ressortissants, iii) elle s’accompagne de conditions de travail particulièrement abusives, iv) elle est commise par un employeur qui utilise le travail de victimes de la traite d’êtres humains, v) elle concerne un mineur) des sanctions pénales pourront être prévues, fixées par les États membres. Dans tous ces cas, l’infraction devra être considérée comme une infraction pénale dans l’ensemble de la Communauté lorsqu’il apparaît qu’elle est intentionnelle. Le fait d’encourager, de faciliter et d’inciter à commettre intentionnellement de telles infractions sera également passible de sanctions pénales.

Droits des ressortissants de pays tiers employés illégalement : outre l’application de sanctions pénales ou non pénales, il est également prévu que les ressortissants de pays tiers employés illégalement puissent bénéficier des droits suivants :

1) droit de poursuite contre tout salaire impayé : les ressortissants de pays tiers pourront :

  • introduire un recours ou faire exécuter un jugement à l’encontre de l’employeur pour tout salaire impayé, y compris en cas de retour volontaire ou forcé; ou
  • demander à l’autorité compétente de l’État membre, d’engager des procédures de recouvrement des salaires impayés sans qu’il soit nécessaire pour eux d’introduire un recours.

2) droit d’être informé : les ressortissants de pays tiers employés illégalement devront être systématiquement et objectivement informés des droits que leur confèrent le recours en cas de non-paiement de leur salaire avant l’exécution de toute décision de retour.

3) droit de déposer plainte : les ressortissants de pays tiers employés illégalement pourront porter plainte à l’encontre de leurs employeurs, soit directement ou par l’intermédiaire de leurs syndicats ou d’autres autorités compétentes des États membres. Si une aide est apportée à un ressortissant de pays tiers pour qu’il porte plainte, celle-ci ne pourra pas être considérée comme une aide au séjour irrégulier.

Dans certains cas, et pour favoriser la dénonciation de conditions de travail particulièrement graves (y compris l’emploi de mineurs), il est également prévu que les États membres puissent accorder aux ressortissants de pays tiers qui collaborent avec les autorités compétentes, et au cas par cas, des permis de séjour temporaires, selon des modalités comparables à celles qui existent déjà pour les ressortissants de pays tiers qui répondent aux conditions de la directive 2004/81/CE.

Sous-traitance : des sanctions équivalentes à celles existant dans le présent dispositif sont prévues, si l’employeur est un sous-traitant de sorte que ce dernier puisse solidairement avec l’employeur ou en lieu et place de ce dernier, être redevable de toutes les sanctions et arriérés prévus à la directive.

Personnes morales : les personnes morales éventuellement tenues pour responsables des mêmes infractions seront également passibles de sanctions pénales dans tous les États membres (y compris en cas de simple défaut de supervision ayant permis que l’infraction soit commise). Dans le cadre des sanctions pénales applicables aux personnes morales, la directive prévoit la publication d’une liste d’employeurs reconnus comme coupables des infractions visées.

Inspections : pour assurer un degré d’exécution satisfaisant de la présente directive et pour réduire, dans la mesure du possible, des écarts importants dans le degré d’exécution entre les États membres, ces derniers devront organiser des inspections efficaces et appropriées sur leur territoire, et communiquer à la Commission des données sur les inspections qu’ils effectuent chaque année avant le 1er juillet. Les secteurs inspectés seront notamment ceux qui, après une analyse des risques, concentrent le plus d'emplois illégaux.

Dispositions plus favorables : les États membres pourront adopter ou maintenir des dispositions plus favorables à l’égard des ressortissants de pays tiers (notamment, en matière de paiement d’arriérés et de facilitation des plaintes) ou éventuellement des sanctions plus sévères selon le cas pour les employeurs.

Rapport :la Commission devra soumettre au Parlement européen et au Conseil, au plus tard le 20 juillet 2014, puis tous les 3 ans, un rapport comportant, le cas échéant, des propositions de modification des principales dispositions de la directive.

Dispositions territoriales : l’Irlande, le Royaume-Uni et le Danemark ne seront pas concernés par la présente directive et ne devront pas l’appliquer, conformément aux dispositions pertinentes du traité et des protocoles et autres dispositions législatives pertinentes.

ENTRÉE EN VIGUEUR : 20.07.2009.

TRANSPOSITION DANS LES ÉTATS MEMBRES : 20.07.2011.