Encourager la bonne gouvernance dans le domaine fiscal

2009/2174(INI)

La commission des affaires économiques et monétaires a adopté un rapport d’initiative de M. Leonardo DOMENICI (S&D, IT) sur la promotion de la bonne gouvernance dans le domaine fiscal.

Le rapport condamne avec force le rôle joué par les paradis fiscaux, qui incitent à pratiquer l'évasion fiscale, la fraude fiscale et la fuite des capitaux, ainsi qu'à en tirer profit. L'Union européenne est invitée à renforcer son action et à prendre des mesures concrètes et immédiates - telles que des sanctions - contre les paradis fiscaux, l'évasion fiscale et la fuite illicite des capitaux.

Les députés rappellent l’importance de mettre fin à la pratique consistant à créer des entités fictives pour éluder l'impôt. Ils soulignent également que, au lieu du secret bancaire, c'est l'échange automatique d'informations qui devrait être la règle en toutes circonstances, notamment dans tous les États membres et tous les territoires qui en dépendent.

Au niveau européen, le rapport rappelle que le Parlement a fait part au Conseil de son avis sur les modifications à apporter à la directive 2003/48/CE en demandant, notamment, i) que le Conseil mette un terme à la dérogation temporaire qui autorise l'Autriche, la Belgique et le Luxembourg à ne pas procéder à l'échange d'informations moyennant une retenue à la source ; ii) que le champ d’application de la directive soit étendu, notamment aux entités juridiques (et en particulier aux sociétés privées et aux trusts) ainsi qu'à diverses formes de produits financiers.

Les députés souhaitent outre que les dispositions de la directive 2003/48/CE soient étendues à Singapour, à Hong Kong, à Macao et à d'autres territoires tels que Dubaï, la Nouvelle-Zélande, le Ghana et certains états des États-Unis, auxquels ne s'applique pas la directive et qui constituent donc des lieux propices à la fraude fiscale.

Le rapport se félicite qu'un premier pas ait été accompli en matière de fiscalité de l'épargne dans l'Union européenne lorsque l'Autriche, la Belgique, le Luxembourg et la Suisse ont levé leurs réserves à l'égard de l'article 26 du modèle de convention fiscale de l'OCDE et qu'Andorre, Monaco, le Liechtenstein et Saint-Marin ont adopté les normes de l'OCD. Il se félicite également de la décision de la Belgique de passer d'un régime de retenue à la source à un régime d'échange automatique d'informations à compter du 1er janvier 2010.

Les députés estiment que la commercialisation, dans l'Union européenne, de fonds alternatifs domiciliés dans un pays tiers doit être liée au respect, par ce pays tiers, des normes de bonne gouvernance dans le domaine fiscal. Ils soulignent également qu'une application plus efficace de la législation fiscale nationale et de l'UE faciliterait un meilleur recouvrement des créances fiscales et prient le Conseil d'adopter la nouvelle directive sur la coopération administrative dans le domaine fiscal et de lutter contre la fraude à la TVA en tenant pleinement compte de la position du Parlement.

Au niveau international, la commission parlementaire prie toutes les parties concernées d'accélérer la conclusion de l'accord avec le Liechtenstein sur la lutte antifraude. Elle demande au Conseil de convenir d'un mandat permettant à la Commission de négocier des accords similaires avec Andorre, Monaco, Saint-Marin et la Suisse. Elle invite, à cet égard, les États membres à revoir les accords bilatéraux qu'ils ont conclus avec des pays tiers dans le domaine fiscal.

Les députés demandent en outre le renforcement de la coopération, comme l'échange automatique d'informations entre pays, afin de faciliter le recouvrement des capitaux placés illégalement à l'étranger au détriment du marché intérieur.

L'OCDE et ses États membres sont invités à associer pleinement la Commission aux travaux d'évaluation par les pairs du forum mondial, notamment pour l'identification des territoires qui refusent de coopérer, pour la définition d'une procédure d'évaluation du respect des règles et pour l'application de mesures de rétorsion dissuasives permettant d'encourager le respect des normes en question.

Les députés considèrent en outre que le cadre de l'OCDE pour la lutte contre les paradis fiscaux n'est pas satisfaisant. Ils déplorent, dans ce contexte, que l'échange d'informations ne s'effectue que sur demande, plutôt que de constituer une exigence obligatoire et contraignante et critiquent le fait que l'OCDE permette aux États d'éviter de se retrouver sur sa liste noire par la simple promesse de respecter les principes de l'échange d'informations, mais sans veiller à ce que ces principes soient effectivement mis en pratique.

Dans un souci de cohérence, le rapport appelle à mettre en place une véritable politique européenne de bonne gouvernance dans le domaine fiscal. Les députés estiment que la crédibilité de l'Union européenne dépend notamment de sa volonté de commencer par supprimer les paradis fiscaux se trouvant sur son propre territoire.

La Commission est invitée à évaluer le nombre des créances fiscales transfrontalières que les États membres doivent recouvrer sur le territoire de l'Union européenne et à définir des indicateurs quantifiables permettant de mesurer l'état d'avancement du recouvrement transfrontalier. Le rapport recommande à cet égard, la création d'un système d'incitation adéquat pour le recouvrement des créances fiscales transfrontalières afin d'augmenter le taux actuel de recouvrement, qui n'est que de 5 %.

Les députés estiment que l'Union européenne devrait encourager activement l'amélioration des normes de l'OCDE afin que l'échange multilatéral automatique d'informations devienne la règle à l'échelon mondial. Ils demandent à l'Union européenne :

  • de prendre des mesures pour prévenir le recours abusif au « principe de résidence » dans le cadre de régimes de propriété et de domiciliation fictives par lesquels des sociétés écrans ou des sociétés holding sans aucune activité permettent à leurs propriétaires de ne pas être imposés dans le pays où ils sont domicilié ;
  • d'adopter, lors de l'application des mesures de lutte contre les abus, une approche commune effective, loyale et fondée sur la notion de montage artificiel définie par la Cour de justice;
  • de mettre en place un cadre cohérent de bonne gouvernance dans le domaine fiscal applicable à la politique européenne de voisinage, à la politique d'élargissement et à la politique de coopération au développement.

Le rapport souligne l’importance de réviser les normes comptables internationales actuelles pour accroître la transparence et souhaite que les États membres coordonnent leurs politiques afin de renforcer l'application des règles de lutte contre l'évasion fiscale. Il rappelle que la mise en place d'une assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés contribuerait à résoudre - au sein de l'Union européenne - les questions de double imposition et des prix de cession interne au sein des groupes consolidés.

L'Union européenne devrait également :

  • examiner diverses formes de sanctions et d'incitations, comme par exemple i) l'instauration d'un prélèvement spécial sur toutes les opérations en direction ou en provenance de territoires qui refusent de coopérer, ii) l'absence de reconnaissance par l'Union du statut juridique des sociétés constituées sur des territoires qui refusent de coopérer ou iii) l'interdiction faite aux établissements financiers de l'Union de créer ou de conserver des filiales ou des succursales sur des territoires qui refusent de coopérer;
  • veiller à la cohérence des normes applicables à la surveillance prudentielle, à la fiscalité, au blanchiment d'argent et à la lutte contre le terrorisme à l'échelon européen et international.

La Commission est invitée à remettre chaque année au Parlement, à compter d'octobre 2010, un rapport sur la mise en œuvre de la politique de gouvernance de l'Union européenne dans le domaine fiscal.