Objectifs stratégiques et recommandations concernant la politique du transport maritime de l’UE jusqu’en 2018
OBJECTIF : présenter les principaux objectifs stratégiques du système de transport maritime européen jusqu’en 2018 et répertorier les domaines d’action clés où une intervention de l’UE renforcera la compétitivité du secteur tout en améliorant sa performance environnementale.
CONTEXTE : le transport maritime et tous les secteurs connexes ont été l’un des éléments essentiels de la croissance économique et de la prospérité de l’Europe pendant toute son histoire. Ils apportent un soutien essentiel à l’économie et aux entreprises d’Europe pour participer à la concurrence mondiale et ils constituent une importante source de revenus et d’emplois en Europe. L’Europe joue un rôle majeur dans le monde du transport maritime actuel, où 41% de la flotte mondiale (selon le tonnage de port en lourd) est aux mains de compagnies européennes.
80% des marchandises transportées dans le cadre du commerce mondial sont acheminées par mer, tandis que le transport maritime à courte distance absorbe 40% du fret intra-européen. Avec plus de 400 millions de passagers maritimes transitant chaque année par les ports européens, le transport maritime a aussi une incidence directe sur la qualité de vie des citoyens, qu’il s’agisse de touristes ou d’insulaires et d’habitants de régions périphériques.
Toutefois, à la fin de 2008, la crise financière qui touche l’économie réelle se fait également sentir dans ce secteur. Une stratégie appropriée est indispensable pour assurer le maintien de la performance du système de transport maritime de l’UE et sa contribution à la reprise de l’économie mondiale.
CONTENU : la présente communication s’inscrit dans le contexte plus large de la politique des transports de l’UE («Pour une Europe en mouvement: une politique des transports pour la mobilité durable») et de la politique maritime intégrée de l’UE (le «Livre bleu»). Elle vise aussi à soutenir d’autres politiques connexes de l’UE, en matière d’énergie et de protection de l’environnement. Elle résulte d’un dialogue permanent avec les experts des États membres, des conseils indépendants fournis par un groupe de professionnels expérimentés du transport maritime, et d’une étude approfondie des tendances et des indices de changement dans le secteur du transport maritime.
Les options proposées reposent sur une approche intégrée de la politique maritime et sont fondées sur les valeurs clés du développement durable, de la croissance économique et de l’ouverture des marchés dans un cadre de concurrence loyale et de normes environnementales et sociales élevées. Les avantages exposés dans cette vision devraient dépasser les frontières de l’Europe et s’étendre à la totalité du monde maritime, y compris les pays en développement.
Les principales questions abordées sont les suivantes :
1°) Le transport maritime européen et la mondialisation des marchés : les pavillons européens restent confrontés à une concurrence acharnée de la part des registres de pays tiers. Souvent, les concurrents étrangers bénéficient d’avantages appréciables sous la forme d’un soutien de la part des pouvoirs publics. Dans le cadre de la crise économique actuelle, d’autres facteurs tels que les mesures commerciales protectionnistes prises par des pays tiers, la volatilité des marchés de l’énergie pourraient provoquer une délocalisation hors de l’UE des centres de décision du transport maritime et du secteur d’activité lui-même.
Les conclusions de l’exercice d’évaluation stratégique effectué par la Commission montrent qu’il est d’un intérêt crucial pour l’Union européenne :
- d’établir et de maintenir des conditions de concurrence stables et prévisibles au niveau mondial pour le transport maritime et les autres secteurs d’activité maritime;
- de maintenir et, le cas échéant, d’améliorer, un cadre clair et concurrentiel pour la taxation au tonnage, l’imposition des revenus et les aides d’État à l’échelon de l’UE ;
- d’agir de manière déterminée pour soutenir des conditions équitables d’exercice du commerce maritime international et d’accès aux marchés ;
- de collaborer pour instaurer des conditions de concurrence équitables dans le secteur par le respect universel de règles adoptées à l’échelon international ;
- que la Commission joue un rôle moteur dans la promotion de l’harmonisation à l’échelle mondiale des règles de concurrence matérielles ;
- de se pencher sur la question de l’équilibre délicat du cadre international qui régit les droits et responsabilités des nations en tant qu’État du pavillon, équilibre mis à l’épreuve par l’intensification de la mondialisation.
2°) Ressources humaines, compétences et savoir-faire maritimes : quelque 70% des emplois liés au transport maritime sont des emplois à terre, de qualité et à forte intensité de connaissance. La pénurie croissante de professionnels de la mer fait courir le risque de perdre la masse critique de ressources humaines qui maintient la compétitivité des secteurs d’activité européens touchant à la sphère maritime en général. L’UE a donc un intérêt fondamental à mettre en valeur l’attrait des professions maritimes :
- adopter des mesures positives favorisant des perspectives de carrière complète dans les pôles d’activité touchant à la sphère maritime ;
- rehausser l’image du transport maritime et des carrières en mer, faciliter la mobilité de la main-d’œuvre dans les secteurs maritimes dans toute l’Europe et encourager les bonnes pratiques dans les campagnes de promotion et de recrutement;
- soutenir le travail mené par l’Organisation maritime internationale (OMI) et l’Organisation internationale du travail (OIT) sur le traitement équitable des gens de mer;
- encourager une meilleure utilisation des technologies de l’information et des communications (TIC) pour améliorer la qualité de vie en mer;
- mettre en œuvre des mesures de simplification pour réduire la charge administrative incombant aux capitaines de navire et au personnel d’encadrement à bord des navires ;
- mettre en place un cadre pour l’éducation et la formation des équipages, en adoptant des mesures destinées notamment à: i) assurer le respect strict des exigences internationales et communautaires au titre de la Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (STCW) par tous les pays qui délivrent des brevets d’aptitude aux gens de mer; ii) promouvoir la coopération entre les établissements de formation maritime européens; iii) mise en place de «certificats d’excellence maritime» ; iv) créer, pour la formation des officiers, un système du type «Erasmus ».
En ce qui concerne les conditions de travail, la première priorité de l’Union européenne est de faire en sorte que la mise en œuvre de la convention du travail maritime de 2006 de l’OIT (CTM) améliore les conditions de vie et de travail à bord des navires. L’action de l’UE et de ses États membres devrait viser à faire en sorte que les États membres ratifient rapidement la CTM de 2006 (voir CNS/2006/0103 et RSP/2008/2660).
3°) Un transport maritime de qualité, un avantage concurrentiel essentiel : d’ici à 2018, la flotte mondiale pourrait compter quelque 100.000 navires en activité, contre 77.500 en 2008. En volume, la capacité totale devrait dépasser les 2.100 millions tpl en 2018 (contre 1.156 millions tpl en 2008). Dans ce contexte, la Commission insiste sur :
- l’amélioration du respect de l’environnement : la Commission, les États membres et le secteur maritime européen devraient collaborer pour progresser vers l’objectif à long terme d’un transport maritime sans déchets ni émissions. À cette fin, les principales priorités devraient être les suivantes: i) une approche globale et cohérente de la réduction des émissions de gaz à effet de serre provenant du transport maritime international ; ii) assurer un «bon état écologique» des eaux marines d’ici à 2020 ; iii) renforcer la législation de l’UE en ce qui concerne les installations de réception portuaires pour les déchets d’exploitation des navires et les résidus de cargaison ; iv) donner suite aux propositions de la Commission concernant une stratégie de l’Union européenne pour l’amélioration des pratiques de démantèlement des navires ; v) réduire les émissions d’oxydes de soufre et d’oxydes d’azote des navires ; vi) relancer la campagne de la Commission pour un transport maritime de qualité dans ce cadre ; vii) promouvoir un système européen de gestion environnementale pour le transport maritime ;
- la sécurité du transport maritime. Au cours des années à venir, l’UE et les États membres devraient en priorité : i) faire respecter les règles de l’UE et internationales existantes et assurer la mise en œuvre rapide des mesures prévues dans le 3e paquet sur la sécurité maritime; ii) réviser le mandat et le fonctionnement de l’Agence européenne pour la sécurité maritime ; iii) renforcer la coopération internationale avec les partenaires de l’UE dans les domaines du commerce et du transport maritime ; iv) assurer l’application systématique des «directives sur le traitement des personnes secourues en mer» de l’OMI ; v) parvenir à un accord sur un cadre international efficace régissant la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et dangereuses ; vi) faire en sorte que, d’ici à 2012 au plus tard, tous les États membres de l’UE figurent sur la «liste blanche» du Mémorandum d’entente de Paris sur le contrôle par l’État du port ;
- la sûreté du transport maritime : la menace d’actes terroristes, les actes de piraterie et les attaques à main armée en mer continuent à susciter de graves préoccupations. Les incidents impliquant des contrebandiers, des trafiquants et des passagers clandestins constituent une difficulté supplémentaire. Le défi consiste à achever le travail déjà entrepris pour établir un cadre complet de mesures de sûreté fondé sur la prévention, la capacité de réaction et la capacité d’adaptation. Il devrait en résulter une véritable «culture de la sûreté», qui ferait partie intégrante du transport maritime et activités portuaires de qualité. Á cet égard, la priorité la plus urgente est de protéger les marins, les pêcheurs et les passagers des navires croisant au large de la côte somalienne, dans le golfe d’Aden ou dans toute autre région du monde qui serait exposée à de telles menaces à l’avenir ;
- la surveillance maritime : d’ici à 2018, il convient de renforcer les capacités du système de transport maritime de l’UE en mettant en place un système intégré de gestion de l’information, permettant d’identifier, contrôler, suivre et signaler tous les navires en mer et sur les voies navigables intérieures à destination et au départ de ports européens et transitant par les eaux de l’UE ou à proximité immédiate de celles-ci. Dans un cadre plus large, en s’appuyant sur les ressources déjà disponibles telles que AIS, LRIT, SafeSeaNetou CleanSeaNet, ou celles en cours de développement comme Galileo et GMES, l’UE devrait promouvoir la création d’une plateforme destinée à assurer la convergence des technologies basées en mer, à terre et dans l’espace, l’intégrité des applications et la gestion et le contrôle appropriés de l’information selon le principe du «besoin d’en connaître» ;
- la sécurité énergétique de l’UE : le transport maritime joue un rôle essentiel dans la sécurité énergétique de l’Europe. Il est considéré comme un élément de la stratégie de diversification des sources et des voies d’acheminement d’énergie adoptée par l’UE. Le pétrole est transporté à 90% par mer et le gaz naturel est de plus en plus transporté sous forme liquéfiée (GNL) par méthanier. De nombreux autres produits énergétiques sont également transportés par mer. Ainsi que cela a été souligné notamment lors de la deuxième analyse stratégique de la politique énergétique, les infrastructures GNL sont essentielles pour introduire plus de souplesse dans l’approvisionnement en gaz au sein du marché intérieur de l’énergie.
4°) Collaboration à l’échelon international : l’Union européenne s’est engagée de longue date à promouvoir la qualité et une concurrence ouverte et loyale dans le transport maritime. La Commission et les États membres sont bien placés pour mettre en place un cadre réglementaire international complet pour le transport maritime, permettant de relever les défis du XXIe siècle: une action concertée à l’échelon européen est cruciale dans plusieurs enceintes, par exemple en ce qui concerne la gouvernance (Convention des Nations unies sur le droit de la mer), le commerce international (OMC et dialogues et accords bilatéraux en matière de transport maritime, CNUDCI), la sécurité, la sûreté et la protection de l’environnement (OMI), le travail (OIT) ou les douanes (OMD).
Les efforts de coopération internationale de l’UE devraient conduire en priorité à la mise en place d’un mécanisme pour assurer le respect effectif des règles adoptées à l’échelon international par tous les États pavillons et États côtiers du monde.
5°) Transport maritime à courte distance : d’ici à 2018, le transport maritime dans l’UE-27 devrait passer de 3,8 milliards de tonnes en 2006 à quelque 5,3 milliards de tonnes. Le transport de passagers, notamment par transbordeurs et navires de croisière, va également se développer. Il faudra assurer la continuité territoriale, la cohésion régionale et l’application de normes de qualité au profit des passagers maritimes. À cet égard, les principales priorités devraient être les suivantes:
- établir un véritable «espace européen du transport maritime sans frontières» ;
- mettre en œuvre les mesures annoncées dans la communication sur une politique portuaire européenne ;
- garantir les conditions adéquates pour attirer des flux d’investissement vers le secteur portuaire ;
- généraliser le recours à des procédures accélérées, réduisant considérablement les délais globaux de réalisation;
- publier des orientations concernant l’application de la législation environnementale communautaire dans le cas de l’aménagement des ports ;
- renforcer la stratégie de l’UE pour assurer le déploiement complet des projets d’autoroutes de la mer ;
- soutenir les projets du réseau transeuropéen de transport (Marco Polo) ;
- faciliter de meilleures liaisons avec les îles et les transports de passagers sur longue distance à l’intérieur de l’UE ;
- examiner les instruments économiques (tels que les taxes, redevances ou systèmes d’échange de droits d’émission) en encourageant les usagers à recourir aux solutions de transport maritime à courte distance pour remédier à l’engorgement des réseaux routiers;
- traiter la question des droits des passagers pour les usagers des services de transbordeurs et de croisière en Europe.
6)° L’Europe à la pointe de la recherche et de l’innovation dans le domaine maritime au niveau mondial. Les secteurs maritimes européens devraient tirer parti des efforts de RDT considérables déployés au titre des programmes cadres de recherche successifs et d’autres activités de l’UE: i) concevoir de nouveaux modèles de navires et d’équipements pour améliorer la sécurité et la performance environnementale ; ii) développements technologiques et formules logistiques avancées maximisant l’efficacité de l’ensemble de la chaîne de transport grâce au transport maritime à courte distance et à la navigation intérieure ; iii) outils TIC d’inspection et de contrôle appropriés, également liés à la surveillance ; iv) déploiement de services «e-maritimes» aux échelons européen et mondial.
La Commission a l’intention de poursuivre un dialogue constructif avec toutes les parties concernées en vue d’entreprendre des actions pour la mise en œuvre pratique des mesures recensées dans la présente évaluation stratégique.