OBJECTIF : modifier la directive 2006/112/CE du Conseil (la directive TVA) en vue de permettre l’application temporaire du mécanisme d’autoliquidation afin de contrer les fraudes qui touchent les échanges de certificats d’émissions et les opérations portant sur ces certains biens sensibles à la fraude.
ACTE PROPOSÉ : Directive du Conseil.
CONTEXTE : la fraude représente un problème de taille pour le bon fonctionnement du marché intérieur ainsi qu’une menace pour les recettes fiscales des États membres. C’est pourquoi plusieurs d’entre eux ont demandé l’octroi par le Conseil d’une dérogation fondée sur l’article 395 de la directive TVA pour pouvoir lutter contre les mécanismes frauduleux au moyen d’un système d’autoliquidation ciblé sur certains secteurs sensibles à la fraude et sur certains biens.
La forme de fraude la plus courante consiste en ce qu’un fournisseur immatriculé à la TVA facture des livraisons de biens avant de disparaître sans acquitter la TVA due sur ces livraisons, mais en laissant à l’acquéreur (lui aussi assujetti) une facture valide permettant à ce dernier de déduire la taxe. Le Trésor ne perçoit donc pas la TVA due sur les livraisons concernées, mais il doit restituer à l’opérateur suivant de la chaîne la TVA en amont payée par celui-ci.
Dans certains cas, ce type de fraude a évolué vers un système appelé fraude intracommunautaire à l’opérateur défaillant. Il s’agit d’une attaque organisée contre le système de TVA qui exploite le fait que le fournisseur bénéficie d’un crédit, sous forme de remboursement, pour la TVA en amont lorsque la mise à disposition ultérieure des biens à un assujetti établi dans un autre État membre est exonérée. De plus, ce type de fraude porte généralement sur une série de livraisons concernant les mêmes biens, qui circulent plusieurs fois entre les États membres (on parle dans ce cas de fraude «carrousel»), le Trésor pouvant alors perdre plusieurs fois le montant de la taxe pour un seul et même bien. On notera que, selon les informations fournies par divers États membres, ce type de fraude s’étend également aux services.
Dans le système de l’autoliquidation, le fournisseur ne facture pas la TVA à l’acquéreur assujetti, qui, pour sa part, devient le redevable de la taxe. En pratique, l’acquéreur (dans la mesure où il s’agit d’un assujetti normal bénéficiant d’un plein droit à déduction) déclare et déduit simultanément la TVA sans paiement effectif au Trésor. De cette manière, la possibilité théorique de fraude est éliminée.
CONTENU : par la présente proposition, la Commission entend donner aux États membres qui le souhaitent la possibilité d’appliquer un mécanisme ciblé d’autoliquidation à une série de biens et services, à choisir dans une liste préétablie, dont les États membres ont estimé qu’ils étaient sensibles à la fraude. Il importe que l’application d’un mécanisme ciblé d’autoliquidation ne porte pas atteinte aux principes fondamentaux du système de TVA, comme le paiement fractionné, raison pour laquelle il convient de limiter ce mécanisme à une liste préétablie de biens et services.
Cette proposition visant à autoriser l’application d’une forme ciblée d’autoliquidation concerne les domaines figurant ci-après :
1°) la Commission dispose d’informations concernant des cas de fraude dans le domaine de l’échange des quotas d’émissions de gaz à effet de serre. Toute fraude supposée, que ce soit sur le marché du carbone ou ailleurs, est bien entendu préoccupante et nécessite une réponse appropriée. Les différences observées dans les solutions adoptées par les États membres ont incité la Commission à élaborer la présente proposition. Bien qu’il faille encore analyser plus avant les circonstances précises et la dimension réelle de ce problème de fraude, les informations déjà fournies par les États membres justifient la prise rapide de mesures et l’inclusion de ce domaine dans la présente proposition, qui n’est, avant tout, qu’une mesure temporaire.
2°) le champ d’application de la proposition de directive couvre une catégorie de produits englobant les téléphones portables et les circuits intégrés. Ces biens font actuellement l’objet d’une dérogation, accordée au Royaume-Uni en vertu de l’article 395 de la directive TVA et prolongée dans des circonstances spécifiques, permettant de les soumettre à un système d’autoliquidation. Le texte de la proposition de la Commission relative à cette dérogation sert également de base à la présente proposition de directive du Conseil.
3°) la proposition porte sur d’autres produits (parfums, métaux précieux, comme le platine), que les États membres, aux cours des réunions des groupes de travail consacrés à la fraude, ont signalés comme des biens sur lesquels la fraude semblait s’être portée et qu’il est donc utile d’inclure dans la directive également.
Pour ce qui est des aspects de procédure :
a) les États membres devront informer la Commission de leur intention d’introduire un mécanisme d’autoliquidation ;
b) l’application expérimentale de l’autoliquidation ciblée devra être soumise à des conditions très précises pour garantir le bon fonctionnement du régime, éviter autant que possible les éventuels effets négatifs et permettre une évaluation appropriée des résultats.
Avant que le système d’autoliquidation ne soit mis en œuvre, il est exigé que les assujettis qui seront concernés par son application, en tant que fournisseurs/prestataires ou acquéreurs/preneurs, soient identifiés à la TVA sous un numéro individuel, si tel ne devait pas encore être le cas.
Il est en outre prévu que les États membres concernés devront introduire des obligations en matière de communication d’informations destinées à garantir un suivi suffisant de la mesure pour que l’on puisse avoir l’assurance que celle-ci fonctionne de manière efficace.
De plus, pour que l’application de l’autoliquidation reste ciblée et exceptionnelle par rapport aux règles normales de la TVA, une liste des biens et services concernés a été dressée et chaque État membre ne peut choisir d’appliquer l’autoliquidation qu’à un maximum de trois des catégories figurant dans cette liste, dont deux peuvent être des catégories de biens.
Les États membres intéressés devront mettre en place des mesures de contrôle efficaces pour suivre et éviter, autant que possible, toute forme de fraude, et notamment prévenir de nouveaux types de fraude qui consisteraient en un déplacement des pratiques frauduleuses vers d’autres produits, le commerce de détail ou d’autres États membres. Aux fins de la mise en œuvre de ces mesures, les États membres devront prendre en considération les conclusions relatives à l’autoliquidation présentées par la Commission dans son document concernant des mesures modifiant le système de TVA pour lutter contre la fraude (voir SEC(2008)0249).
L’expérience tirée de cette application temporaire du régime à des biens et services sensibles à la fraude devrait permettre, sur la base des informations et de la procédure d’évaluation prévues par la proposition, de mieux apprécier l’utilité et la proportionnalité de l’application ciblée de l’autoliquidation.
La directive proposée devrait s’appliquer jusqu’au 31 décembre 2014.
INCIDENCE BUDGÉTAIRE : la proposition n’a pas d’incidence négative sur le budget communautaire.