Agriculture de l'UE et changement climatique

2009/2157(INI)

OBJECTIF : évaluer les principales conséquences du changement climatique sur l’agriculture dans l’Union européenne.

CONTENU : le livre blanc sur l’adaptation au changement climatique établit un cadre d’action européen dont l’objectif est d’améliorer la résilience de l’Europe au changement climatique, l’accent étant mis sur la nécessité d’intégrer l’adaptation dans l’ensemble des grandes politiques européennes et de renforcer la coopération à tous les niveaux de gouvernance.

Venant compléter le livre blanc, le présent document de travail résume les principales conséquences du changement climatique sur l’agriculture dans l’Union européenne, examine les besoins en matière d’adaptation, décrit les implications pour la PAC et explore les orientations qui pourraient être données à l’action future. Il vise à faire davantage participer les États membres et le monde agricole au débat et à l’action à mener en ce qui concerne les besoins d’adaptation résultant des pressions climatiques.

Le document souligne que le changement climatique exigera des agriculteurs qu’ils s’adaptent alors même qu’ils sont exhortés à réduire les émissions de gaz à effet de serre produites au niveau des exploitations et à améliorer les performances environnementales de l’agriculture.

La mise au point d’une réponse globale, évoluant progressivement, au changement climatique est nécessaire pour que l’agriculture de l’Union européenne conserve sa compétitivité de manière à pouvoir continuer à jouer son rôle de fournisseur de denrées alimentaires de haute qualité et de prestataire de services préservant l’environnement et le paysage, et à contribuer au développement durable des zones rurales de l’UE. Le changement climatique ajoute également une nouvelle dimension au problème de la sécurité alimentaire.

Selon la Commission, les orientations qui pourraient être données à l’action futures sont les suivantes :

1°) Donner la priorité aux mesures dites «sans regret» : en raison des incertitudes inhérentes à la situation, la manière de procéder la plus efficace sur le plan des coûts est de donner la priorité aux solutions d’adaptation dites «sans regret». Dans le secteur agricole, le but est d’améliorer la résilience des écosystèmes agricoles grâce à une utilisation plus durable des ressources naturelles, en particulier de l’eau et du sol.

En protégeant le stock de ressources naturelles dont l’agriculture est tributaire, le secteur sera mieux à même de développer une résilience aux changements climatiques. Ce type de réponse permettra de faire en sorte que les décisions de gestion qui seront mises en œuvre pendant les prochaines décennies ne compromettent pas la capacité de faire face aux conséquences de plus grande ampleur qui pourraient apparaître ultérieurement au cours du siècle.

Comme il a été indiqué dans le livre blanc, il est également nécessaire de déterminer quelles sont les exigences en matière de gestion de l’eau à intégrer dans les instruments de la PAC correspondants. Les mesures d’adaptation dans le domaine agricole pourraient aussi s’inscrire dans la mise en œuvre au niveau national de la directive  cadre sur l’eau et de la directive «Inondations».

2°) Renforcer le rôle de l’agriculture dans la fourniture de services écosystémiques : compte tenu des effets attendus du changement climatique sur les systèmes hydrologiques, les habitats et la biodiversité en Europe, la conservation des écosystèmes par la gestion des terres agricoles a un rôle central à jouer dans l’émergence d’une résilience globale au changement climatique.

L’agriculture peut, par exemple, contribuer à l’aménagement des bassins versants, à la protection des habitats et de la biodiversité ainsi qu’à l’entretien et la réhabilitation des paysages multifonctionnels. En particulier, la migration des espèces peut être facilitée par l’établissement de réseaux de corridors pour la faune sauvage sur les terres agricoles, et la capacité de rétention d’eau des pâturages peut être exploitée pour réduire le risque d’inondation. Le rôle potentiel de l’agriculture dans la fourniture de cette «infrastructure verte» pourrait être reconnu et davantage renforcé.

Les mesures agroenvironnementales actuellement mises en œuvre contribuent à cet objectif, mais elles ne permettent pas toujours d’améliorer suffisamment l’interconnexion entre les zones riches en biodiversité. Dans ce contexte, la possibilité de mettre en œuvre des mesures de développement rural à une échelle territoriale supérieure à celle de l’exploitation individuelle pourrait être envisagée en vue d’aider à la bonne réalisation de l’adaptation.

3°) Améliorer la résilience de l’infrastructure agricole : l’agriculture en tant que système de production est tributaire des actifs fixes (équipement, bâtiments, machines, etc.) et des infrastructures, lesquels peuvent être sévèrement touchés en cas de phénomènes extrêmes. Les pertes économiques susceptibles d’être engendrées par ces phénomènes peuvent devenir un sujet de préoccupation majeur pour le secteur, notamment parce qu’en agriculture la valeur des actifs fixes tend à être importante par rapport à la production annuelle moyenne et au revenu agricole annuel moyen.

Il est donc nécessaire de poursuivre l’élaboration de mesures préventives et de mettre au point des instruments adaptés aux caractéristiques régionales de manière à pouvoir faire face à d’éventuels dommages.

4°) Établir des synergies entre l’adaptation et l’atténuation : les activités agricoles constituent une source importante d’émissions de protoxyde d’azote et de méthane, qui participent au réchauffement de la planète. Dans l’Union européenne, l’agriculture peut contribuer à atténuer le changement climatique en réduisant ses émissions, en produisant des énergies renouvelables et des bioproduits et en stockant le carbone dans les sols agricoles. Pour relever le double défi de la réduction des émissions de GES et de la lutte contre le changement climatique, il sera nécessaire d’établir le plus de synergies possible entre l’adaptation et l’atténuation.

Il faut recenser et encourager les mesures telles que les pratiques de travail du sol qui aident à maintenir et à augmenter la quantité de carbone organique dans le sol ainsi que de la protection et de la conduite des pâturages. L’agriculture biologique peut contribuer à l’effort d’atténuation grâce à l’efficacité des cycles des éléments nutritifs et de la gestion des sols qui la caractérise

Il conviendra d’examiner, lorsque l’on décidera des mesures à prendre, les conflits qui pourraient apparaître entre les objectifs; dans certains cas, des compromis seront nécessaires. Les États membres pourront recourir aux crédits du développement rural pour mettre en œuvre ces mesures.

5°) Améliorer la capacité d’adaptation des agriculteurs : il est essentiel de mieux informer et conseiller les agriculteurs et les travailleurs agricoles sur les questions liées au climat : i) cours spécialisés, presse spécialisée et technologies de la communication ; ii) inclure la question du changement climatique dans les systèmes éducatifs des jeunes agriculteurs, des travailleurs agricoles et des apprentis ; iii) développement des services de conseil agricole.

Les mesures adoptées dans le cadre du «bilan de santé» de la PAC prévoient des possibilités supplémentaires, au titre de la politique de développement rural, pour le financement de programmes de diffusion et de formation et pour l’utilisation de services de conseil agricole.

6°) Faciliter la coopération entre les États membres : l’élaboration de programmes nationaux et subnationaux et d’une réflexion politique sur les besoins en matière d’adaptation au changement climatique doit être encouragée. L’échange entre les États membres des approches, des expériences et des bonnes pratiques concernant les solutions d’adaptation dans le secteur agricole peut donner un coup d’accélérateur aux pratiques agricoles et aux systèmes de production les mieux adaptés aux évolutions climatiques prévues. Un groupe de travail technique sur l’agriculture, chargé d’assister le groupe de pilotage sur les incidences du changement climatique et l’adaptation proposé dans le livre blanc, sera créé d’ici la fin de 2009.

L’initiative de la Commission relative à la création d’un centre d’échange d’informations devant servir de plateforme d’échange de données sur les effets du changement climatique et la vulnérabilité devra comporter un volet spécifiquement consacré à la communication entre les États membres des avancées, des résultats des projets et des bonnes pratiques dans le domaine agricole.

7°) Améliorer la recherche sur le climat et l’agriculture : il est essentiel d’améliorer et d’affiner les échelles spatiales et temporelles utilisées pour l’évaluation des incidences climatiques attendues et de la vulnérabilité; il est aussi impératif de mieux comprendre les interactions qui existent entre l’agriculture et le climat. Une communication récente de la Commission sur la recherche agronomique européenne expose dans le détail les besoins et les orientations dans le domaine de la recherche et de l’innovation concernant le changement climatique dans l’UE, y compris les besoins et orientations spécifiques au secteur agricole (voir COM(2008)0862).

De surcroît, étant donné que les zones rurales sont exposées à de plus grands risques climatiques et qu’une partie importante de l’Europe rurale se caractérise par une multifonctionnalité économique, il importe de :

  • parvenir à une compréhension intégrée des incidences du changement climatique sur les économies et sociétés rurales en renforçant la recherche socio économique sur le problème climatique et ses retombées sur la durabilité de l’espace rural ;
  • mener une activité de recherche agronomique continue, à la fois au niveau de l’Union et au niveau des États membres, par exemple dans le domaine de la mise au point de cultures, de variétés et de troupeaux mieux adaptés aux conditions futures ;
  • faire porter les efforts de recherche sur l’atténuation de manière à poursuivre le développement de technologies et la réalisation d’innovations appropriées et financièrement accessibles ;
  • réaliser une synthèse harmonieuse entre les constats découlant des sciences physiques et agronomiques et les connaissances locales des agriculteurs, de sorte que des stratégies d’adaptation solides soient élaborées. Le système de conseil agricole peut jouer un rôle important à cet égard également ;
  • renforcer la capacité des institutions régionales d’utiliser des instruments appropriés pour lutter contre les changements climatiques (mise en œuvre de partenariats associant les organismes de recherche, les services de conseil et les partenaires sociaux de la filière agricole intervenant au niveau national et régional ; établissement de réseaux régionaux d’information à la population agricole pour définir des stratégies adéquates adaptées à la situation locale).

8°) Élaborer des indicateurs de vulnérabilité : la mise au point d’indicateurs spécifiques pour l’agriculture, tels qu’un indice de capacité d’adaptation et de vulnérabilité, pourrait être envisagée. Pour établir un indicateur de vulnérabilité incluant l’élément de capacité d’adaptation, il faudra adopter une approche pluridimensionnelle combinant facteurs climatiques, facteurs environnementaux et facteurs socio économiques.

En conclusion, l’adaptation est un exercice de longue haleine que l’on devra faire évoluer au cours des prochaines décennies en fonction des tendances climatiques et par la mise en place d’un corpus de connaissances et d’expériences pratiques, qui ne cessera de s’étoffer. À cet égard, il importe d’associer davantage la population agricole au débat sur les besoins d’adaptation et au processus d’échange des bonnes pratiques.

Il faudra examiner la nécessité de garantir des conditions favorables à l’adaptation en agriculture et dans les zones rurales dans le contexte de la révision de la politique agricole commune prévue après 2013. La mise en œuvre d’une adaptation efficace et l’adoption de nouvelles technologies nécessiteront des investissements et des efforts de planification dépassant la capacité des exploitations individuelles. Les autorités publiques auront un rôle à jouer pour soutenir et faciliter la mise en œuvre des stratégies d’adaptation au changement climatique