Compétence, loi applicable, reconnaissance et exécution des décisions, et acceptation et exécution des actes authentiques en matière de successions et création d'un certificat successoral européen
OBJECTIF : supprimer toutes les entraves à la libre circulation des personnes résultant des différences entre les règles des États membres régissant les successions internationales.
ACTE PROPOSÉ : Règlement du Parlement européen et du Conseil.
CONTEXTE : l'importance des successions transfrontalières au sein de l'Union européenne a été mise en lumière dans le rapport d'étude d'impact ci-annexé à la proposition. La diversité tant des règles de droit matériel, que des règles de compétence internationale ou de loi applicable, la multiplicité des autorités pouvant être saisies d'une succession internationale ainsi que le morcellement des successions qui peut résulter de ces règles divergentes, entravent la libre circulation des personnes dans l'Union. Ces personnes sont donc aujourd’hui confrontées à des difficultés importantes pour mettre en œuvre leurs droits dans le contexte d'une succession internationale.
Ces règles différentes empêchent également le plein exercice du droit de propriété privée, lequel d'après la jurisprudence constante de la Cour de Justice fait partie intégrante des droits fondamentaux dont la Cour assure le respect.
L’adoption d’un instrument européen en matière de successions figurait déjà au rang des priorités du Plan d’action de Vienne de 1998. Le Programme de La Haye invite à présenter un instrument couvrant l’ensemble de la problématique: loi applicable, compétence et reconnaissance, mesures administratives (certificats d’hérédité, enregistrement des testaments).
La préparation de cette proposition a été précédée d'une large consultation des États membres, des autres institutions et du public. La Commission a reçu une « Etude sur les successions internationales dans l'Union européenne », réalisée par « l'Institut Notarial allemand » en novembre 2002. Son Livre vert sur les successions et testaments publié le 01/03/2005 a suscité environ 60 réponses et a été suivi par une audition publique le 30/11/2006.
Les contributions reçues confirment le besoin d'un instrument communautaire dans ce domaine et soutiennent l'adoption d'une proposition couvrant, entre autres, les questions de la loi applicable, la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions et la création d'un certificat successoral européen. L'adoption d'un tel instrument a reçu l'appui du Parlement européen.
ANALYSE D’IMPACT : les options d’action ont été divisées en deux catégories afin de tenir compte des différentes solutions envisageables.
1°) Définition des options apportant une solution aux problèmes engendrés par les différences entre les législations nationales dans le cadre des successions présentant des éléments transnationaux (option d’action A).
Pas d’action commune au niveau communautaire :
- Option A.1: statu quo
Action législative communautaire :
- Option A.2: harmonisation des règles de compétence et instauration de règles relatives à la reconnaissance et à l’exécution automatiques des décisions de justice, des autres décisions et des actes authentiques.
- Option A.3: harmonisation des règles de conflits de lois.
- Option A.4: harmonisation des règles de conflits de lois et création d'un certificat européen d'héritier et d'exécuteur/administrateur dans le cadre des successions transnationales.
- Option A.5: harmonisation des règles de conflits de lois et des règles de compétence.
- Option A.6: harmonisation des règles de conflits de lois et des règles de compétence et instauration de règles relatives à la reconnaissance et à l’exécution automatiques des décisions de justice, des autres décisions et des actes authentiques.
- Option A.7: harmonisation des règles de conflits de lois et des règles de compétence, instauration de règles relatives à la reconnaissance et à l’exécution automatiques des décisions de justice, des autres décisions et des actes authentiques et création d'un certificat d'héritier et d'exécuteur/administrateur dans le cadre des successions transnationales.
Action non législative :
- Option A.8: établissement d’une base de données/d’un système de gestion des connaissances sur les règles de conflits de lois, les règles de compétence et les organes compétents
- Option A.9: campagne d’information à l’échelle de l’Union européenne sur les successions (législation et instruments existants/à venir).
2°) Définition des options d’action apportant une solution aux problèmes d’identification des testaments à l’étranger (option d’action B)
Pas d’action commune au niveau communautaire.
- Option B.1: statu quo
Action communautaire (législation et financement).
- Option B.2: recommandation de la Commission relative à l’établissement de registres nationaux des testaments interconnectés et à l’organisation de campagnes d’information.
- Option B.3: établissement obligatoire de registres nationaux des testaments interconnectés.
- Option B.4: établissement d’un registre communautaire central des testaments.
Action non législative :
- Option B.5: création d’une page Web consacrée aux règles nationales et aux registres des testaments existants.
- Option B.6: campagnes d’information nationales sur les testaments (législation et instruments existants/à venir).
L’option à privilégier est une combinaison des options A.7 et B.2. La première permettrait de résoudre au mieux les problèmes actuels et de réaliser les économies les plus importantes (30% au maximum). L’option B.2 obtient la préférence en raison du fait que l’identification des testaments est un problème essentiellement national qui le restera vraisemblablement à long terme, et parce que l’enregistrement des testaments n’est pas obligatoire (ce qui signifie que le registre permet uniquement de confirmer qu’aucun testament n’a été enregistré, et non qu’aucun testament n’existe). Cette analyse est confirmée par les parties intéressées.
CONTENU : la présente proposition vise à permettre aux personnes résidant dans l'Union européenne d'organiser à l'avance leur succession et de garantir d'une manière efficace les droits des héritiers et/ou légataires, et des autres personnes liées au défunt ainsi que des créanciers de la succession.
Les principaux éléments de la proposition sont les suivants :
Champ d'application et définitions : le concept de « succession » doit être interprété d'une manière autonome et inclut tous les aspects d'une succession, en particulier la dévolution, l'administration et la liquidation.
La proposition s’applique aux successions à cause de mort. Elle n'harmonise ni le droit successoral, ni le droit des biens des États membres. Elle n'affecte pas non plus la fiscalité de l'héritage des États membres. Sont également exclus, entre autres : les questions relevant du régime matrimonial ; les obligations alimentaires; les questions relevant du droit des sociétés ; la constitution, le fonctionnement et la dissolution des trusts; la nature des droits réels portant sur un bien et la publicité de ces droits.
Compétence et loi applicable : les règles de compétence judiciaire relatives aux successions varient considérablement entre les États membres. Il en résulte des conflits positifs, lorsque les juridictions de plusieurs États se déclarent compétentes, ou des conflits négatifs, lorsqu'aucune juridiction ne s'estime compétente. Afin d'éviter ces difficultés pour les citoyens, une règle uniforme est nécessaire. En matière de loi applicable, le choix d'un système unitaire permet à la succession d'être soumise à une seule loi, ce qui évite ces inconvénients.
Concrètement, la proposition prévoit l’application d’un critère unique permettant de déterminer à la fois la compétence des autorités et la loi applicable par défaut à une succession transfrontalière : celui de la dernière résidence habituelle du défunt. Le règlement retient cette loi, au lieu de celle de la nationalité, parce qu'elle coïncide avec le centre d'intérêt du défunt et souvent avec le lieu où se trouvent la plupart de ses biens.
Les citoyens résidant à l'étranger pourront cependant faire le choix de soumettre l'intégralité de leur succession à la loi de leur nationalité. L'ensemble des biens de la succession seront ainsi régis par une seule et même loi, réduisant ainsi le risque de décisions contradictoires d'un État membre à l'autre. De même, une seule autorité sera compétente pour régler la succession, celle de la résidence habituelle, qui pourra cependant renvoyer à celle de l’État de nationalité si cette dernière est mieux placée pour en connaître.
Le règlement a écarté la possibilité de choisir comme loi applicable à la succession la loi applicable au régime matrimonial du testateur. Une telle disposition aurait permis des choix multiples lorsque, pour les régimes matrimoniaux, les conjoints bénéficient d'une plus grande souplesse de choix de la loi applicable.
La proposition prévoit aussi des règles sur la loi applicable aux pactes successoraux et testaments conjonctifs, utilisés dans certains États, afin par exemple d'organiser le transfert d'une entreprise et de permettre, dans les couples, au conjoint survivant de bénéficier du patrimoine commun.
Un article vise notamment à tenir compte des spécificités des systèmes juridiques de common law, comme celui de l'Angleterre, où les héritiers ne viennent pas directement aux droits du défunt dès sa mort, mais où la succession est administrée par un administrateur nommé et contrôlé par le juge.
Enfin, le recours à l'ordre public devrait revêtir un caractère exceptionnel. Une différence entre les lois relatives à la protection des intérêts légitimes des proches du défunt ne saurait justifier son intervention, ce qui serait incompatible avec l'objectif d'assurer l'application d'une loi unique à l'ensemble des biens de la succession.
Reconnaissance et exécution : la reconnaissance de toutes les décisions et transactions judiciaires est prévue afin de concrétiser en matière de successions le principe de reconnaissance mutuelle, qui repose sur le principe de la confiance mutuelle. Les motifs de non-reconnaissance ont donc été réduits au minimum nécessaire.
Actes authentiques : au vu de l'importance pratique des actes authentiques en matière de successions, le règlement proposé devrait assurer leur reconnaissance afin de permettre leur libre circulation. Cette reconnaissance signifie qu'ils jouissent de la même force probante pleine et entière quant au contenu de l'acte enregistré et aux faits qui y sont consignés, que celle dont sont revêtus les actes authentiques nationaux ou au même titre que dans leur pays d'origine, de la présomption d'authenticité ainsi que du caractère exécutoire dans les limites fixées par le règlement.
Certificat successoral européen : afin de permettre le règlement rapide d’une succession internationale, la proposition introduit un certificat successoral européen. Pour faciliter sa circulation dans l'Union, il convient d’adopter un modèle uniforme de certificat et de désigner l’autorité qui aurait la compétence internationale pour le délivrer. Ce certificat ne remplacera pas les certificats existants dans certains États membres. Dans l'État membre de l'autorité compétente, la preuve des qualités héréditaires et des pouvoirs d'un administrateur ou exécuteur de la succession s'effectuera donc selon la procédure interne.
INCIDENCE BUDGÉTAIRE : la proposition n’a pas d’incidence sur le budget de la Communauté.