Résolution sur la stratégie de l'Union européenne dans la perspective de la Conférence de Copenhague sur le changement climatique (COP 15)
Le Conseil «Environnement» a adopté des conclusions sur la position de l'UE en vue de la conférence de Copenhague sur le changement climatique (7 et 8 décembre 2009). Ces conclusions constituent pour l'UE une base de négociation en vue d'un accord international sur la protection du climat, qui doit entrer en vigueur à l'expiration du protocole de Kyoto.
Dans ces conclusions, le Conseil souligne que la prévention des risques liés au changement climatique passe par une croissance économique et un développement social durables générant le moins possible d'émissions de gaz à effet de serre. Il insiste sur le fait qu'une telle trajectoire de développement est possible, mais qu'elle nécessite un effort de coopération concerté à l'échelle mondiale.
Reconnaissant que le changement climatique compromet sérieusement les efforts entrepris pour réduire la pauvreté et la faim et qu'il met gravement en péril la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, le Conseil entend renforcer ses alliances et ses partenariats avec les pays en développement, en particulier avec l'Afrique, les pays d'Amérique latine, les pays les moins avancés (PMA) et les petits États insulaires en développement (PEID).
Le Conseil réaffirme qu’il est déterminé à parvenir à un accord mondial ambitieux et global sur le climat à Copenhague en décembre 2009 en s'appuyant sur la feuille de route de Bali, tout en soulignant les bénéfices mutuels que tireraient les pays développés et les pays en développement d'un tel accord.
Les principaux points soulevés dans les conclusions du Conseil sont les suivants :
1) ATTÉNUATION : le Conseil estime que tout accord conclu à Copenhague doit être fondé sur les meilleures données scientifiques disponibles, telles que celles présentées par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). Il reconnaît que l'objectif des 2° C détermine le niveau d'ambition nécessaire pour les mesures d'atténuation prises à l'échelle planétaire et souligne que, conformément aux conclusions du GIEC :
- les pays développés devraient réduire collectivement leurs émissions de gaz à effet de serre de 25 à 40% d'ici 2020 et de 80 à 95% d'ici 2050, par rapport aux niveaux atteints en 1990, grâce à des efforts supplémentaires consentis aux niveaux national et international,
- tandis que les pays en développement pris ensemble devraient modifier considérablement leur comportement afin de rester en deçà du taux de croissance des émissions prévu actuellement, de l'ordre de 15 à 30% d'ici 2020.
Dans ce contexte, le Conseil appelle l'ensemble des Parties, dans le cadre d'un accord conclu à Copenhague, à souscrire à l'objectif des 2° C et à convenir de réductions des émissions mondiales d'au moins 50% et, dans le cadre de ces réductions des émissions mondiales, de réductions cumulées des émissions dans les pays développés d'au moins 80 à 95% d'ici 2050, par rapport aux niveaux atteints en 1990. Ces objectifs devraient à la fois représenter l'idéal à atteindre et servir de référence pour fixer des objectifs à moyen terme, soumis à un réexamen scientifique périodique.
Le Conseil réaffirme sa volonté de porter la réduction des émissions de gaz à effet de serre à 30% par rapport aux niveaux de 1990 afin de contribuer à un accord mondial global pour l'après-2012, pour autant que les autres pays développés s'engagent à atteindre des réductions d'émissions comparables et que les pays en développement apportent une contribution adaptée à leurs responsabilités et à leurs capacités. Á cet égard, les pays développés devraient montrer l'exemple dans la lutte contre le changement climatique et annoncer des propositions de réduction des émissions plus ambitieuses dans la perspective de la conférence de Copenhague.
Selon le Conseil :
- au moins l'ensemble des Parties visées à l'annexe I de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) ainsi que l'ensemble des États membres de l'UE, des pays candidats à l'adhésion à l'UE et des pays candidats potentiels qui ne sont pas repris à l'annexe I de la CCNUCC devraient s'engager à atteindre des objectifs chiffrés et contraignants ambitieux de limitation ou de réduction des émissions;
- les autres Parties ne figurant pas à l'annexe I et dont le niveau de développement et le PIB par habitant est comparable à celui du groupe des pays développés, notamment les pays membres de l'OCDE et les pays candidats à l'adhésion à l'OCDE, devraient envisager de prendre des engagements similaires, en rapport avec leurs responsabilités, capacités et situations nationales ;
- quant aux pays en développement avancés, ils sont invités, dès avant la conférence de Copenhague, à présenter des propositions de mesures d'atténuation ambitieuses au titre de leur contribution à l'effort mondial, et à inclure dans leurs plans de croissance sobre en carbone des mesures d'atténuation, y compris en adoptant des seuils et des objectifs sectoriels ; ces mesures pourraient réduire d'ici 2020 les émissions de 30% au moins en deçà du taux de croissance des émissions prévu actuellement.
Le Conseil estime que des objectifs mondiaux de réduction des émissions pour les transports aériens et maritimes internationaux devraient être inscrits dans tout accord conclu à Copenhague. Á ce propos, les Parties devraient agir dans le cadre de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) et de l'Organisation maritime internationale (OMI) afin de faciliter un accord qui n'entraîne pas de distorsions de la concurrence ni de fuites de carbone et qui puisse faire l'objet d'une convergence de vues en 2010 et être approuvé d'ici 2011.
Les objectifs mondiaux de réduction, d'ici 2020, des émissions de gaz à effet de serre dues aux transports aériens et maritimes internationaux devraient être fixés par la CCNUCC à - 10% pour le secteur du transport aérien et à - 20% pour le secteur du transport maritime, par rapport aux niveaux atteints en 2005. Dans ce contexte, l'UE soutient l'utilisation d'instruments internationaux fondés sur le marché (mis au point respectivement au sein de l'OACI et de l'OMI) pour réduire les émissions de ces secteurs.
Le Conseil réitère enfin sa proposition selon laquelle un accord conclu à Copenhague devrait comprendre un arrangement relatif à la réduction des émissions de HFC, en vertu duquel les HFC resteraient dans le panier de gaz couverts par le protocole de Kyoto ou l'accord qui lui succédera.
2) ADAPTATION : le Conseil constate que le changement climatique est déjà une réalité, que de nombreux pays vulnérables subissent déjà les conséquences du changement climatique et que la capacité de faire face aux effets néfastes du changement climatique varie considérablement d'un pays à l'autre. L'adaptation est donc un complément nécessaire à l'atténuation et cette question devrait être abordée de manière exhaustive dans tout accord conclu à Copenhague.
Le Conseil souligne la nécessité d'intégrer efficacement les mesures d'adaptation dans les processus de planification nationaux et sectoriels, dans les politiques et les stratégies de développement durable à tous les niveaux et dans la coopération au développement.
Conscient des effets potentiels du changement climatique sur, entre autres, les ressources en eau et leur gestion, la gestion durable des forêts, la gestion des terres, la santé, les conditions pédologiques, la biodiversité, la production agricole, la sécurité alimentaire et les efforts en matière de réduction des risques de catastrophe, le Conseil encourage tous les intervenants, organismes et institutions internationaux jouant un rôle dans l'adaptation, l'évaluation et la gestion des risques et d'autres activités connexes à coopérer et à intégrer les effets du changement climatique dans leur travail, conformément à tout accord conclu à Copenhague.
Dans ce contexte, le Conseil souligne la nécessité de poursuivre la coopération en vue d'améliorer la recherche et l'observation systématique et de renforcer les capacités dans les pays en développement vulnérables; de développer et transférer les technologies et les connaissances en matière d'adaptation, y compris en ce qui concerne l'observation systématique du climat et l'élaboration de scénarios climatiques régionaux; et de permettre la prestation de services climatiques de haute qualité.
Le Conseil relève que les besoins et mesures en matière d'adaptation dépendent du contexte et devraient être examinés en fonction des circonstances et des priorités particulières. Il rappelle à cet égard le plan d'action de Bali, notamment en ce qui concerne le renforcement des actions relatives à la fourniture de ressources financières nouvelles et additionnelles.
Conscient qu'un financement supplémentaire sera nécessaire pour soutenir l'adaptation dans les pays en développement, le Conseil souligne la nécessité d'accroître le soutien aux mesures d'adaptation dans ces pays, jusqu'en 2012 et au-delà, en se concentrant sur les pays et les régions qui sont particulièrement vulnérables aux effets néfastes du changement climatique, et notamment les PEID, les PMA et les pays d'Afrique exposés à la sécheresse, à la désertification et aux inondations.
3) DÉFORESTATION, UTILISATION DES TERRES. Le Conseil :
- réaffirme l'importance des actions visant à réduire les émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD) et l'importance de la préservation des forêts, de leur gestion durable et du renforcement des stocks de carbone forestiers dans les pays en développement (REDD+), ainsi que les objectifs de l'UE consistant à réduire d'ici 2020 la déforestation tropicale brute d'au moins 50% par rapport aux niveaux actuels et à mettre fin d'ici 2030 à la diminution du couvert forestier de la planète. D'une manière générale, il sera nécessaire d'aider les pays en développement à renforcer leurs capacités en vue de mettre en œuvre un cadre efficace permettant d'intégrer le processus REDD+ dans leurs plans de croissance sobre en carbone ;
- réaffirme que, dans les futurs engagements, les règles de comptabilisation applicables à l'utilisation des terres, au changement d'affectation des terres et à la foresterie (UTCATF) dans les pays développés devraient encourager l'adoption de mesures d'atténuation dans ces secteurs. Dans ce contexte, le Conseil souligne le rôle du bois produit selon des procédés durables en tant que produit respectueux du climat et propose dès lors d'inclure les produits forestiers récoltés dans les modalités de comptabilisation prévues par tout accord conclu à Copenhague ;
- souligne l'importance des unités de quantités attribuées (UQA) dans le cadre commun de comptabilisation pour l'actuelle période d'engagement au titre du protocole de Kyoto (2008-2012). Il note qu'une grande quantité d'UQA inutilisées pourrait s'accumuler durant l'actuelle période d'engagement au titre du protocole de Kyoto en raison d'émissions inférieures à la quantité attribuée. Le surplus d'UQA pourrait affecter l'intégrité environnementale de tout accord conclu à Copenhague si la question n'est pas traitée correctement. L'UE poursuivra sa réflexion sur les solutions possibles compte tenu de discussions avec d'autres Parties.
4) STRATÉGIES DE DÉVELOPPEMENT SOBRE EN CARBONE ET MESURES D'ATTÉNUATION AU NIVEAU NATIONAL : le Conseil précise que tous les pays, à l'exception des PMA, devraient s'engager, en accord avec le principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives, à élaborer des stratégies/plans de développement sobre en carbone qui soient ambitieux, crédibles et gérés par les pays eux-mêmes. La Communauté européenne et ses États membres élaboreront ces stratégies et plans en s'appuyant sur le paquet législatif sur l'énergie et le changement climatique.
Les stratégies/plans devraient inclure des mesures d'atténuation appropriées au niveau national fournissant les informations nécessaires pour identifier les besoins de ces pays en termes d'aide financière et technologique et de renforcement des capacités. Elles devraient permettre d'analyser de manière indépendante la pertinence du niveau mondial d'ambition desdites mesures.
Les capacités dans les pays en développement doivent également être renforcées afin d'aider ceux-ci à élaborer les stratégies/plans de développement sobre en carbone et à établir les inventaires nationaux.
5) MARCHÉ DU CARBONE : rappelant l'importance capitale des marchés du carbone, le Conseil réaffirme que, pour encourager les investissements sobres en carbone et atteindre de manière rentable les objectifs d'atténuation fixés au niveau mondial, il est impératif de fixer un prix pour les émissions de gaz à effet de serre par le biais de systèmes de plafonnement et d'échange et d'autres mécanismes fondés sur le marché.
Le Conseil réitère son appel en faveur de la création, dès que possible et de préférence d'ici 2015 au plus tard, d'un marché du carbone qui associe tous les pays de l'OCDE, en reliant entre eux des systèmes de plafonnement et d'échange qui sont comparables en termes d'ambitions et compatibles au niveau de leur conception et en étendant ce marché aux pays en développement plus avancés d'ici 2020.
Selon le Conseil, les mécanismes liés aux projets que sont le mécanisme pour un développement propre (MDP) et la mise en œuvre conjointe (MOC), y compris les approches programmatiques, doivent continuer à jouer un rôle important, si l'on veut étendre les marchés du carbone et maintenir la confiance des investisseurs sur le marché du carbone.
Le Conseil rappelle sa proposition aux termes de laquelle les pays en développement plus avancés devraient, dans leurs stratégies/plans de développement sobre en carbone, fixer pour certains secteurs des seuils et des objectifs ambitieux soumis à des procédures de gouvernance internationale établies d'un commun accord, afin de pouvoir participer à des mécanismes sectoriels de crédit et d'échange, d'avoir accès à des sources de financement et de promouvoir la réduction d'émissions à grande échelle.
Il convient de prévoir dans un accord conclu à Copenhague une transition sans heurts vers de tels mécanismes afin d'établir une situation claire pour les investisseurs et d'assurer la stabilité du marché.
6) FINANCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE, GOUVERNANCE ET EXÉCUTION : si un accord intervient à Copenhague, il sera nécessaire d'augmenter de façon progressive mais significative les flux financiers tant publics que privés à destination des pays en développement. Le Conseil insiste dès lors sur le fait qu'il est essentiel de prévoir un soutien financier suffisant, prévisible et disponible en temps utile pour la mise en œuvre de tout accord et rappelle que l'UE est prête à assumer sa part, dans le cadre d'un accord global et mondial qui suppose des contributions appropriées et suffisantes des Parties.
Le Conseil soutient la mise en place d'un forum ou d'une instance de haut niveau chargé, entre autres, de fournir une vue d'ensemble consolidée des sources internationales de financement des investissements en rapport avec le climat dans les pays en développement. Il propose aussi qu'un mécanisme de coordination soit établi, afin d'assurer la transparence des efforts d'atténuation et du soutien qui y est apporté.
Le Conseil reconnaît en outre qu’il est impératif de concevoir un système institutionnel plus efficace qui soit acceptable pour tous : il propose de prendre comme base les expériences et les principes de la coopération au développement et que l'on mette à profit les institutions et les canaux qui existent déjà tant dans le cadre de la CCNUCC qu'en dehors, en les réformant si nécessaire. La structure de gouvernance globale devrait être décentralisée, transparente et déterminée par les pays, pouvoir faire l'objet d'un contrôle efficace et répondre aux normes d'efficacité de l'aide.
7) TECHNOLOGIE : le Conseil réaffirme l'importance que le développement, le déploiement et la diffusion, y compris le transfert, de technologies sûres et durables revêtent pour l'atténuation et l'adaptation. Il propose que les pays en développement procèdent à des évaluations nationales de leurs besoins et des obstacles auxquels ils se heurtent, et qu'ils utilisent ces évaluations pour opérer des choix stratégiques dans leurs stratégies de développement sobre en carbone. Ces stratégies devraient définir les moyens nécessaires à la mise en œuvre des actions et des cadres permettant de renforcer le développement et le déploiement des technologies.
Le Conseil juge essentiel d'élaborer et de mettre en œuvre des cadres stratégiques nationaux de façon à créer un environnement propice à la réorientation et à l'augmentation des investissements privés. Il insiste sur l'importance de mettre en place dans tous les pays, qu'ils soient développés ou en développement, des mesures incitatives et des mécanismes visant à faire participer le secteur privé à la coopération technologique.
En outre, le Conseil souligne l'importance de renforcer bien au-delà de son niveau actuel la RD&D publique et privée liée à l'énergie, l'objectif étant que, à l'échelle mondiale, elle ait au moins doublé d'ici 2012 et quadruplé d'ici 2020 par rapport à son niveau actuel et qu'une nette réorientation soit opérée vers des technologies à faibles émissions de gaz à effet de serre qui soient sûres et durables.
Le Conseil soutient la mise en œuvre de nouvelles initiatives de coopération internationale en matière de démonstration et de déploiement concernant l'efficacité énergétique, les technologies sûres et durables et les sources d'énergie renouvelables dans le cadre de tout accord conclu à Copenhague ou en dehors d'un tel accord. Il reconnaît le rôle important que jouent les partenariats public-privé. La Commission est invitée à poursuivre la coopération, en collaboration avec les États membres, les intervenants et les institutions financières, en vue de développer des technologies d'atténuation du changement climatiques respectueuses de l'environnement et de trouver les moyens de financer la démonstration.
Enfin, le Conseil estime que le sommet de Copenhague qui se tiendra en décembre 2009 devrait déboucher sur un accord juridiquement contraignant à partir du 1er janvier 2013, qui s'appuie sur le protocole de Kyoto et en intègre tous les éléments essentiels.