Résolution sur la stratégie de l'Union européenne dans la perspective de la Conférence de Copenhague sur le changement climatique (COP 15)

2009/2614(RSP)

Á la suite du débat qui a eu lieu en séance le 24 novembre 2009, le Parlement européen a adopté par 516 voix pour, 92 voix contre et 70 abstentions, une résolution déposée par la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire, sur la stratégie de l'Union européenne dans la perspective de la Conférence de Copenhague sur le changement climatique (COP 15).

La résolution souligne que, d'ici à la fin de cette année à Copenhague, les parties doivent parvenir à un accord juridiquement contraignant sur les objectifs et le financement des mesures d'atténuation des pays industrialisés et établir un processus formel pour aboutir, dans les premiers mois de 2010, à un accord global et juridiquement contraignant sur le climat, qui entrerait en vigueur le 1er janvier 2013. Elle souligne également que le maintien des engagements après l'expiration de la première période d'engagement du protocole de Kyoto requiert que les négociations sur un traité post-2012 aboutissent à Copenhague. Si l'action mondiale devait accuser d'autres retards, le changement climatique pourrait échapper au contrôle des générations futures, estiment les députés.

Le Parlement invite également l'Union à poursuivre l'élaboration d'une politique extérieure en matière de changement climatique, et à parler d'une même voix si elle veut continuer à jouer un rôle de premier plan dans les négociations dans le cadre de la COP 15.

 Les principaux points abordés dans la résolution sont les suivants :

Engagements de réduction :

  • l'accord de Copenhague devrait reposer sur le principe de la «responsabilité commune mais différenciée», les pays industrialisés devant donner l'exemple en réduisant leurs émissions;
  • l’accord doit  garantir des réductions collectives d'émissions de gaz à effet de serre dans les pays développés dans la partie supérieure d'une fourchette comprise entre 25 et 40% d'ici 2020 par rapport à 1990 ;
  • il importe de fixer, à l'intention de l'Union et des autres pays industrialisés, l'objectif à long terme d'une réduction d'au moins 80% d'ici 2050 par rapport aux niveaux de 1990. Étant donné leur poids économique, la Chine, l'Inde et le Brésil devraient toutefois s'engager à des objectifs similaires à ceux des pays industrialisés, à la différence des autres pays émergents;
  • conformément au plan d'action de Bali, les pays émergents devront adopter des mesures d'atténuation appropriées sur le plan national dans le contexte d'un développement durable, avec un soutien mesurable, notable et vérifiable des pays développés au renforcement des capacités et aux transferts technologiques, tout en respectant la protection des droits de propriété industriels et les besoins spécifiques des pays les moins avancés dans le cadre de ces transferts de technologie;
  • les pays en développement pris dans leur ensemble devraient limiter la croissance de leurs émissions de 15% à 30% en-deçà du niveau qui serait atteint dans le scénario du statu quo, afin de s'assurer que l'objectif de 2° C puisse être atteint;
  • l'accord devrait obliger les parties à des réductions contraignantes et prévoir un régime international de sanctions, qui reste à définir, en cas de non-respect de ces obligations; l'accord devrait faire l'objet de réexamens tous les cinq ans ;
  • l'Union devrait préciser les conditions dans lesquelles elle pourrait s'engager à réduire encore ses émissions, en tenant compte du fait que les recommandations scientifiques les plus récentes préconisent un engagement en faveur d'une réduction des émissions de l'ordre de 40%. L'Union devrait inviter les participants à la COP15 à définir une vision commune pour l'horizon 2050 et au-delà.

Financement :

  • selon les députés, un accord à Copenhague pourrait apporter l'incitation nécessaire à un «New Deal durable» qui permettrait de relancer la croissance économique et sociale durable, de promouvoir les technologies vertes durables, les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique, de réduire la consommation énergétique, et de garantir de nouveaux emplois ainsi que la cohésion sociale dans les pays développés aussi bien que dans les pays en développement ;
  • les pays développés se doivent d'apporter un soutien financier et technique suffisant, durable et prévisible aux pays en développement pour permettre à ceux-ci de s'engager en faveur de la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre, de s'adapter aux conséquences du changement climatique et de réduire les émissions provenant du déboisement et de la dégradation des forêts, tout en renforçant leurs capacités pour se conformer aux obligations découlant du futur accord international ;
  • les engagements à fournir l'aide financière requise de façon prévisible au titre de l'atténuation et de l'adaptation au changement climatique dans le cadre de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) doivent être nouveaux et venir s'ajouter à l'APD ; les ressources doivent être allouées sous la forme, non de prêts préférentiels, mais de subventions;
  • l'Union doit souscrire au moins à l'estimation de la Commission relative à un financement total de 5 milliards à 7 milliards EUR par an pour la période comprise entre 2010 et 2012;
  • la contribution collective de l'Union aux efforts d'atténuation et aux besoins d'adaptation des pays en développement ne devrait pas être inférieure à 30 milliards EUR par an d'ici 2020, sachant que ce chiffre peut augmenter en fonction des connaissances nouvelles sur la gravité du changement climatique et l'ampleur de ses coûts;
  • la communauté internationale doit accroître de façon significative son soutien financier aux efforts déployés par les pays en développement en explorant de nouveaux mécanismes financiers innovants (accord d'échanges dette-nature par exemple);
  • une partie substantielle des recettes générées par la mise aux enchères de certificats dans le cadre du système communautaire d'échange de quotas d'émissions (SCEQE), y inclus la mise aux enchères pour l'aviation et le transport maritime, devrait être allouée aux pays en développement pour leur permettre de remédier et s'adapter aux changements climatiques;
  • les pays développés devraient consacrer une part de leur PIB à la création d'un fonds de coopération destiné à mettre en place des technologies énergétiques respectueuses de l'environnement et indépendant des fonds d'aide au développement existants.

Coopération avec les pays en développement :

  • l'Union et ses États membres doivent renforcer leurs partenariats actuels en matière de climat avec les pays en développement qui en bénéficient et conclure de nouveaux partenariats lorsqu'il n'en existe pas actuellement, en consacrant des moyens financiers nettement accrus au développement et aux transferts technologiques, à la protection de la propriété intellectuelle et au renforcement de la capacité institutionnelle ;
  • la Commission et les États membres doivent : i) établir une corrélation plus étroite entre le changement climatique et les OMD ; ii) accroître de façon substantielle le budget alloué à l’alliance mondiale contre le changement climatique (AMCC). La Commission est invitée à veiller à ce que l'AMCC devienne un centre d'information et de conseil concernant les financements au titre de l'adaptation dans les pays en développement, en prévenant par là-même la mise en place de nouvelles initiatives communautaire bilatérales.

Énergie et efficacité énergétique :

  • il importe de renforcer d'urgence l'efficacité énergétique à l'échelle mondiale ainsi que la part des sources d'énergie renouvelable ;
  • le passage, à l'échelle internationale, à une économie à faible intensité de carbone conférera à l'énergie nucléaire un rôle important dans le bouquet énergétique à moyen terme. Les questions relatives à la sûreté et à la sécurité du cycle du combustible nucléaire doivent toutefois être abordées de façon adéquate à l'échelle internationale afin de garantir un niveau de sûreté aussi élevé que possible ;
  • les États membres sont invités à se montrer plus ambitieux quant au paquet « efficacité énergétique », en ce qui concerne notamment la refonte de la directive sur la performance énergétique des bâtiments, dont la discussion est en cours, afin de permettre la conclusion d'un accord dynamique et cohérent avec le Conseil.

Adaptation : soulignant la responsabilité historique des pays développés quant au caractère irréversible du changement climatique, le Parlement demande à l'Union et à ses États membres :

  • d'assister les pays en développement au chapitre du renforcement des capacités pour leur permettre de s'adapter au changement climatique, et de fournir un soutien technologique suffisant aux pays les plus affectés par un environnement en mutation;
  • d’intensifier leur action en vue de soutenir la mise en œuvre d'urgence d'actions d'adaptation à l'intérieur des frontières de l'Union, en vue d'économiser les ressources au nom d'une action internationale future.

Coopération technologique et recherche :

  • l'accord devrait prévoir des programmes d'action technologique qui permettront à des technologies-clés en matière d'adaptation et d'atténuation de fournir une assistance tout au long de la chaîne technologique et de fixer des objectifs axés, par exemple, sur un renforcement considérable des ressources financières allouées à la recherche, au développement et à la démonstration (RD&D) en matière d'atténuation et d'adaptation;
  • les pays développés doivent investir davantage dans la recherche sur des technologies novatrices et avancées en faveur de processus de production durables et efficaces du point de vue énergétique; il est essentiel d'améliorer le financement de la coopération internationale sur le changement climatique dans le cadre du 7ème programme-cadre de recherche.

Un marché du carbone mondial :

  • si les solutions fondées sur le marché, y compris le développement d'un marché mondial du carbone, à travers la mise en place d'un système de plafonnement et d'échange ou d'un régime d'imposition dans les pays développés, ne sauraient être une panacée pour les pays en développement dans un avenir proche, elles doivent rester l'objectif à long terme de toute négociation;
  • un marché du carbone mondial fonctionnel est indispensable à l'économie de l'Union. La résolution souligne la nécessité de conclure un accord international global pour l'après-2012 exigeant de la part des autres pays développés des efforts comparables afin d'écarter le risque de fuite de carbone ;
  • le mécanisme pour un développement propre (MDP) du protocole de Kyoto est un outil susceptible de permettre aux pays en développement de participer au marché du carbone et de les doter de technologies modernes et efficaces. Toutefois, le recours, par les nations développées, à des projets de compensation pour respecter leurs objectifs de réduction des émissions ne peut entrer en ligne de compte dans la responsabilité qui incombe aux pays en développement d'atténuer leurs émissions de gaz à effet de serre dans le cadre d'un accord international sur le changement climatique;
  • les futurs mécanismes de compensation doivent prévoir des normes strictes concernant la qualité des projets pour garantir que de tels projets répondent à des normes élevées, avec des réductions fiables, vérifiables et réelles des émissions, qui soutiendront également un développement durable dans ces pays. Le MDP et la MOC (mise en œuvre conjointe) doivent être réformés à la lumière de ces normes concernant la qualité des projets.

Changement d'affectation des sols, déforestation et dégradation des ressources naturelles :

  • l'Union et les États sont invités membres à reconnaître la nécessité de préserver les forêts et d'inclure cet aspect dans un accord international;
  • un soutien financier important, ainsi qu'une assistance technique et administrative doivent être fournis aux pays en développement pour qu'il soit mis un terme, d'ici 2020 au plus tard, à la déforestation tropicale brute. Le Parlement invite l'Union et ses États membres à assurer le financement d'actions rapides dans les pays en développement pour la période 2010-2012, et soutient la proposition de la Commission qui entend mettre en place un mécanisme mondial pour le carbone forestier (MMCF) dans le cadre de la CCNUCC, fondé sur un système de financement permanent ;
  • les États membres devraient confirmer leur engagement à mettre un terme à la déforestation et à la dégradation des forêts et des sols, ainsi qu'à la désertification au niveau mondial en affectant une partie significative des recettes des enchères issues du SCEQE à la réduction des émissions issues de la déforestation dans les pays en développement;
  • l'Union est invitée à promouvoir l'adoption de normes sociales et environnementales strictes pour la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD);
  • les dimensions concernant les pratiques adoptées en matière de gestion de l'eau, de préservation des écosystèmes, de production agricole, d'état des sols, de modification de l'utilisation du sol, de santé, de sécurité alimentaire et de risques de catastrophes, devraient figurer dans l'accord de Copenhague.

Aviation et transport maritime internationaux :

  • l'aviation et la navigation internationales devraient être intégrées dans un accord au titre de la CCNUCC, compte tenu de l'échec des pourparlers au sein de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) et de l'Organisation maritime internationale (OMI);
  • les députés souhaitent que les accords internationaux relatifs aux secteurs de l'aviation et de la navigation fixent les mêmes objectifs contraignants que ceux appliqués aux autres secteurs industriels; ils demandent également que, dans le contexte mondial, au moins 50% des quotas dans ce domaine soient mis aux enchères.

Le Parlement estime enfin que la délégation de l'Union joue un rôle important dans ces négociations sur les changements climatiques et juge, de ce fait, inacceptable que les députés au Parlement européen faisant partie de cette délégation n'aient pu participer aux réunions de coordination de l'Union lors de la précédente Conférence des Parties. Il espère que les participants du Parlement européen auront accès à de telles réunions à Copenhague, au moins à titre d'observateurs, avec ou sans droit de parole.