Résolution sur la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil - Un espace de liberté, de sécurité et de justice au service des citoyens - programme de Stockholm

2009/2534(RSP)

Suite au débat qui a eu lieu le 24 novembre 2009 sur le programme pluriannuel 2010-2014 concernant l'Espace de liberté, de sécurité et de justice (ou programme de Stockholm), le Parlement européen a adopté par 487 voix pour, 122 voix contre et 49 abstentions, une résolution sur le même thème préparée par ses commissions des affaires juridiques, des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures et des affaires constitutionnelles. La résolution vie pour l’essentiel à définir les priorités du Parlement sur le programme de Stockholm qui prévoit l’ensemble des mesures dans le domaine de l'Espace de liberté, de sécurité et de justice pour la période 2010-2014.

Perspectives de l'ELSJ dans le cadre du traité de Lisbonne et principaux aspects du programme de Stockholm : globalement, le Parlement relève que le programme de Stockholm est susceptible d'être adopté et mis en œuvre dans le nouveau cadre juridique défini par le traité de Lisbonne, ce qui implique entre autre l’application de la procédure de codécision en tant que procédure législative ordinaire dans les domaines de l'ELSJ et donc un contrôle parlementaire plus récurrent sur les différents aspects et mesures relevant de la politique européenne en matière de justice et d'affaires intérieures.

Les députés estiment toutefois que ce programme devrait:

  • aborder les problèmes de migration sous l’angle de la solidarité;
  • trouver un meilleur équilibre entre la sécurité des citoyens (par exemple, la protection des frontières extérieures, les poursuites contre la criminalité transfrontalière) et la protection de leurs droits individuels;
  • assurer aux citoyens un accès équitable à la justice;
  • régler les problèmes pratiques que rencontrent les citoyens à l'intérieur de l'Union dans les affaires relevant de différents ordres juridiques.

Pour le Parlement, l'un des objectifs prioritaires qui doit être visé est de permettre aux citoyens de jouir d'un niveau de protection équivalent de leurs droits fondamentaux où qu'ils se trouvent dans l’Union et que nul ne soit désavantagé dans l'exercice de ses libertés fondamentales.

Soulignant la nécessité de mettre en place un processus décisionnel plus transparent, les députés annoncent leur intention de créer un forum parlementaire ouvert aux députés du Parlement européen et des parlements nationaux afin de permettre la tenue d'un débat sur les diverses questions touchant au programme. Ils demandent également la mise en place d'un dispositif concret de suivi et d'évaluation de la qualité, de l'efficacité et de l'équité des instruments juridiques existants.

Sur un plan plus concret, les députés se prononcent comme suit sur le programme lui-même :

Une Europe des droits : entre autres choses, les députés demandent que soit présentée une proposition claire et exhaustive sur les droits à garantir aux accusés pour veiller à ce qu'ils puissent avoir un procès équitable. Ils demandent également une révision approfondie et impartiale de la nécessité, de la proportionnalité et de l'efficacité des mesures existantes dans le domaine de la liberté et de la justice, y compris leur impact sur la protection et sur la promotion des valeurs et des principes de l'Union, et des droits fondamentaux. Une étude d’impact de toute proposition législative en termes de respect des droits fondamentaux et des valeurs de l'Union est également réclamée.

Lutter contre la discrimination: soulignant l'intolérance croissante au sein de l'Union, le Parlement demande la pleine application de la décision-cadre 2008/913/JAI du Conseil sur la lutte contre le racisme et la xénophobie au moyen du droit pénal. Des mesures vigoureuses en faveur des Roms sont également réclamées, de même que des mesures pour mieux faire connaître la législation anti-discrimination de l’Union. Plus généralement, les députés soulignent la nécessité de lutter contre l'exclusion sociale qui engendre à son tour la discrimination. Ils jugent également indispensable que l'Union présente une directive et un plan d'action européen sur la violence contre les femmes.

Renforcer les droits attachés à la citoyenneté de l'Union : se réjouissant de l'introduction d'une « initiative citoyenne » dans le traité de Lisbonne, le Parlement propose de mettre en chantier une nouvelle proposition de réforme fondamentale de la loi régissant les élections au Parlement européen avec pour objectif d’encourager les citoyens européens à participer aux élections européennes sur leur lieu de résidence. Les députés insistent également sur la nécessité pour les États membres de mettre pleinement en œuvre les droits attachés à la citoyenneté de l'Union, comme le droit à circuler librement dans l’Union. La résolution demande ainsi aux États membres d'assurer la liberté de circulation pour tous les citoyens de l'UE et membres de leur famille, y compris les conjoints et partenaires ayant contracté un partenariat enregistré (du type PACS), en évitant toute forme de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Par ailleurs, les députés estiment que le programme de Stockholm devrait inclure une section spécifique portant sur la participation des femmes aux campagnes électorales et à la vie politique, en général.

Migration : les députés insistent sur la nécessité de poursuivre le développement de programmes de protection régionale, ambitieux et correctement financés. Mais cette politique doit également s’accompagner de politiques communautaires d'intégration, dans le plein respect des droits fondamentaux. Pour le Parlement, les politiques d'immigration et d'asile devraient répondre aux besoins des groupes les plus vulnérables, tels que les réfugiés, les demandeurs d'asile, en particulier mineurs ou mineurs non accompagnés. Le Parlement réclame en particulier une politique d'immigration plus forte et étroitement liée à la politique de l'emploi. Les députés soulignent en outre l'importance d'accorder aux migrants l'accès à la justice, au logement, à l'éducation et aux soins de santé. Ils condamnent les expulsions collectives vers les pays où les droits de l'homme ne sont pas respectés. Ils appellent en outre à l'élaboration de propositions législatives protégeant les migrants de procédures d'asile abusives.

Asile : une fois encore, les députés demandent la poursuite du développement du régime d'asile européen commun ainsi que le respect par les États membres du statut des réfugiés. Rappelant que le droit d'asile doit être garanti à toutes les personnes fuyant des zones de conflits et de violence, les députés plaident pour une politique de l’asile fondée sur la solidarité entre États membres et avec les demandeurs d'asile. Ils demandent dès lors une évaluation des capacités des États membres à accueillir les demandeurs d'asile, une meilleure coopération avec les pays voisins de l'UE, ainsi qu'un système de solidarité « obligatoire et irrévocable » entre États membres. Favorables à la poursuite des mesures visant à assurer le retour volontaire des migrants en séjour illégal, les députés demandent également l'adoption de mesures visant à aplanir les obstacles à l'exercice du droit de regroupement familial pour les ressortissants de pays tiers en séjour régulier.

Frontières et visas : dans ce domaine, les députés demandent l'adoption d'un plan d'ensemble exposant les grands objectifs et l'architecture générale de la stratégie de l'Union pour la gestion intégrée des frontières. De la même manière, ils réclament une politique des visas cohérente fondée sur le principe de réciprocité des visas avec les pays tiers et qui assure l'égalité de traitement de tous les citoyens de l'Union à l’égard des pays tiers. En ce qui concerne FRONTEX, les députés demandent un contrôle parlementaire plus efficace de l’agence et de ses activités ainsi qu’un renforcement de ses ressources. Ils souhaitent également la mise en œuvre rapide et effective du SIS II et du VIS, pierres angulaires d’un meilleur contrôle des frontières extérieures et de la sécurité dans l’Union.

Protection des enfants : constatant le renforcement du cadre juridique pour la protection de l’enfance grâce au nouveau traité, les députés demandent à ce que l'Union lutte avec davantage de force contre toutes les atteintes commises à l'égard des enfants, telles que les violences, la discrimination, l'exclusion sociale, le racisme, le travail, la prostitution et la traite des enfants. Ils estiment qu’il est également urgent de traiter la question de la protection des enfants non accompagnés ou séparés. Des mesures sont donc réclamées pour mettre en place un plan d'action de l'Union relatif aux mineurs non accompagnés originaires d'un pays tiers.

Protection et sécurité des données : soulignant la nécessité de systématiser la protection des données à caractère personnel et de la vie privée à la lumière des technologies en développement, le Parlement demande le renforcement de toutes les mesures destinées à protéger la sécurité des données des individus. Pour les députés, toute nouvelle initiative touchant à la manipulation des données doit intégrer une analyse d'impact sur les effets pour la sécurité des données. Ils soulignent notamment la nécessité de limiter plus strictement les échanges d'informations États membres ou l'utilisation de registres européens communs qui risquent de constituer une menace pour l'intégrité personnelle des individus.

Une justice civile et commerciale au service des familles, des citoyens et des entreprises : les députés estiment qu’en matière de justice civile, les priorités doivent consister à satisfaire les besoins exprimés par les citoyens et les entreprises grâce à une simplification permanente des mécanismes judiciaires et à l'instauration de procédures plus simples, plus lisibles et plus accessibles afin d'assurer la protection des consommateurs. Ils demandent dès lors l'adoption de toute une série de mesures allant dans ce sens. D’autres propositions sont faites pour tirer pleinement profit du marché unique au moyen du droit européen des contrats, notamment en s’appuyant sur le projet de cadre commun de référence (PCCR) - instrument permettant aux entreprises et aux consommateurs de choisir librement le droit européen des contrats pour régir leur transaction.

Forger une culture judiciaire européenne : les députés plaident en faveur de la création d'une culture judiciaire européenne couvrant tous les aspects du droit. Ils invitent par conséquent la Commission à encourager la création par les universités, les autres établissements d'enseignement supérieur spécialisés et les organisations professionnelles compétentes d'un système commun de points ou de crédits de formation à l'intention des juges et des autres praticiens de la justice. De même, les députés insistent sur la mise en place d’un dispositif E-Justice (justice en ligne à l'échelle communautaire) afin de faciliter l'accès des citoyens et des entreprises à la justice.

Priorités en matière de justice pénale : les députés font l’inventaire des mesures qu’ils souhaitent voir se développer en vue de la construction d'un espace de justice pénale fondé sur le respect des droits fondamentaux, le principe de reconnaissance mutuelle et la cohérence des systèmes nationaux de droit pénal. Parmi le catalogue de mesures envisagées, le Parlement suggère : i) un instrument juridique relatif aux garanties procédurales dans les procédures pénales, ii) un encadrement juridique garantissant le respect du principe ne bis in idem et facilitant le transfert des procédures pénales d'un État membre à l'autre, iii) un cadre juridique complet conférant aux victimes d'infractions pénales, une indemnisation satisfaisante, iv) un cadre juridique commun fournissant aux témoins la protection la plus large possible, v) des normes minimales quant aux conditions d'incarcération et de détention, ainsi qu'un socle commun de droits pour les détenus dans l'ensemble de l'Union (les députés demandent notamment l'affectation de crédits de l'UE à la construction de nouvelles structures de détention dans les États membres qui connaissent une surpopulation carcérale), vi) l'adoption d'un instrument législatif européen permettant la confiscation des profits et des biens des organisations criminelles internationales et leur réutilisation à des fins sociales, vii) un instrument juridique relatif à l'obtention et à la recevabilité des preuves en matière pénale, viii) des mesures pour fournir une assistance juridique au moyen de dotations budgétaires, ix) des mesures à l'appui de la lutte contre la violence, en particulier les actes de violence commis à l'encontre des femmes et des enfants.

Une stratégie cohérente à plusieurs volets en matière de sécurité: globalement, les députés déplorent l'absence d'un plan directeur global fixant les objectifs généraux et l'architecture de la stratégie de l'Union en matière de sécurité et de gestion des frontières. Face à ce manque de vision, les députés appellent la Commission et les États membres à assure un juste équilibre entre la sécurité et la liberté des citoyens et le respect des droits fondamentaux. Les députés s'engagent, au sein du nouveau cadre institutionnel défini par le traité de Lisbonne, à œuvrer pour une plus grande liberté des citoyens de l'Union tout en les protégeant de manière appropriée. Le Parlement plaide dès lors pour le développement d’une politique commune en matière de lutte contre le terrorisme, de criminalité organisée, d'immigration clandestine, de traite des êtres humains et d'exploitation sexuelle mais en même temps pour une juste indemnisation des victimes. De même, les députés en appellent à une stratégie efficace de lutte contre la corruption. Relevant la multiplication des cas d'usurpation d'identité, les députés demandent également l'élaboration, à l'échelle de l'Union, d'une stratégie complète de lutte contre la cybercriminalité définie en collaboration avec les fournisseurs d'accès Internet et les associations d'usagers. Ils demandent notamment la création d'un guichet européen d'assistance aux victimes d'une usurpation d'identité ainsi que l’instauration dune cour de justice spécialisée en matière de cybercriminalité.

Pour ce qui est de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, les députés réclament de nouveaux progrès en passant par l'association plus systématique d'Europol et d'Eurojust aux enquêtes. Ils invitent les États membres à encourager la coopération policière en se fondant sur la connaissance et la confiance mutuelles, en promouvant la formation commune et en créant des équipes mixtes de coopération policière, et en adoptant un programme d'échange d'étudiants en collaboration avec le Collège européen de police. Les députés souhaitent également que la Commission engage des discussions et des consultations préliminaires sur tous les aspects liés à la création d'un Parquet européen chargé de combattre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union.

Pour ce qui est de la sécurité des citoyens, les députés demandent la mise en place d’une stratégie européenne générale, s’appuyant sur les plans de sécurité des États membres et sur une évaluation objective de l'apport spécifique des agences, des réseaux et des échanges d'informations mis en place à l'échelon de l'Union.

Questions urgentes : la résolution se penche enfin sur un certain nombre de mesures qu’il convient de prendre de manière urgente. Parmi celles-ci, le Parlement demande la consolidation des quelque 1.200 mesures diverses adoptées au titre de l'ELSJ depuis 1993 en se fondant sur le nouveau cadre juridique qu'offre le traité de Lisbonne. Le Parlement estime que, dans les cas où une procédure législative a débuté sous les dispositions du traité de Nice prévoyant une simple consultation du Parlement, et que l'avis du Parlement a été rendu, la procédure législative devrait recommencer sous le traité de Lisbonne en première lecture afin de donner au Parlement l'occasion de s'exprimer pleinement.

Le Parlement demande également à être informé immédiatement des négociations, prévues ou en attente, d'accords internationaux en rapport avec l'ELSJ, en particulier des négociations qui s'appuient sur les articles 24 et 38 de l'actuel traité UE (ex. : avec les États-Unis). Enfin, le Parlement invite la Commission à simplifier les programmes financiers instaurés afin de contribuer à la création de l'ELSJ et à les rendre plus accessibles. Il demande notamment que le programme de Stockholm fasse l'objet d'un examen et d'une évaluation à mi-parcours d'ici au début de l'année 2012.