OBJECTIF: refondre la décision-cadre
2004/68/JAI relative à l’exploitation et aux abus sexuels concernant des
enfants et à la pédopornographie.
ACTE PROPOSÉ : Directive du Parlement
européen et du Conseil.
CONTEXTE : l’insuffisance des
mesures prises dans le cadre des mécanismes répressifs pour lutter contre l'exploitation
et les abus sexuels touchant les enfants, contribue à leur prévalence et le
caractère transnational de certaines formes d’infractions complique encore la
situation. Les victimes hésitent à porter plainte, les divergences entre les
législations et les procédures pénales au niveau national peuvent donner lieu
à des différences dans les enquêtes et les poursuites, et les personnes condamnées
peuvent rester dangereuses après avoir purgé leur peine. L’évolution des
technologies de l’information a renforcé ces problèmes en facilitant la
production et la diffusion d’images pédopornographiques, en permettant aux
auteurs d’agir dans l’anonymat et en répartissant la responsabilité entre les
juridictions. La facilité à voyager et les différences de revenus entre les
pays alimentent le tourisme sexuel impliquant des enfants, les pédophiles
allant ainsi souvent commettre des infractions à l’étranger en toute impunité.
Les législations nationales
abordent certains de ces problèmes à des degrés divers. Toutefois, elles
ne sont pas suffisamment solides ou cohérentes pour apporter une réponse
sociale énergique à ce phénomène alarmant. La récente convention du
Conseil de l'Europe STCE n° 201 sur la protection des enfants contre
l'exploitation et les abus sexuels («la
convention CdE») constitue sans doute la norme internationale la plus
élevée pour ce qui est de la protection des enfants contre l'exploitation et
les abus sexuels. Toutefois, les États membres n’ont pas encore tous adhéré à
cette convention.
À l’échelon de l’UE, la
décision-cadre 2004/68/JAI du Conseil introduit un rapprochement minimum
des législations des États membres en vue d’ériger en infraction pénale les
formes les plus graves d’abus et d’exploitation sexuels concernant des
enfants, d’étendre la compétence des juridictions nationales et de fournir un
minimum d’aide aux victimes. Bien que ses prescriptions aient généralement
été mises en œuvre, la décision-cadre présente un certain nombre de lacunes.
Elle ne prévoit le rapprochement des législations que pour un nombre limité
d’infractions, ne couvre pas les nouvelles formes d’abus et d’exploitation
utilisant les technologies de l’information, ne lève pas les obstacles qui empêchent
d’engager des poursuites à l’encontre des auteurs d’infractions en dehors du territoire
national, ne répond pas à tous les besoins spécifiques des enfants victimes
et ne prévoit aucune mesure adéquate pour prévenir les infractions. Il
convient dès lors de refondre ce texte afin de répondre à l’ensemble de ces
nouveaux défis.
Á noter que la présente
proposition s’inspire très largement de la
proposition de la Commission du 25/03/2009 visant à refondre la
décision-cadre de 2004, devenue caduque en raison de l’entrée en vigueur du
TFUE.
ANALYSE D’IMPACT : dans le
cadre de la proposition de décision-cadre de 2009 ci-avant évoquée, plusieurs
options politiques avaient été examinées en vue d'atteindre l'objectif
poursuivi :
- Option 1: aucune
action nouvelle de l'UE;
- Option 2: compléter
la législation existante par des mesures non législatives : la décision-cadre
2004/68/JAI ne serait pas modifiée. En lieu et place, des mesures non
législatives pourraient être mises en place au soutien de la mise en œuvre
coordonnée des législations nationales. Elles comprendraient l’échange
d’informations et d’expériences en matière de poursuites, de protection
ou de prévention, la sensibilisation, la coopération avec le secteur
privé et la promotion de l’autorégulation, ou encore la création de
mécanismes de collecte de données ;
- Option 3: nouvelle
législation en matière de poursuites, de protection des victimes et de prévention
des infractions : un nouvel acte législatif serait adopté, qui
intégrerait la décision-cadre existante, certaines dispositions de la
convention CdE et des éléments supplémentaires qui ne proviendraient d'aucune
de ces deux sources. Il couvrirait les poursuites engagées à l’encontre
des auteurs, la protection des victimes et la prévention du
phénomène ;
- Option 4: nouvelle
législation globale: les dispositions existantes de la
décision-cadre 2004/68/JAI seraient complétées par une action au niveau
de l’UE visant à modifier le droit pénal matériel et les règles de
procédure, à protéger les victimes et à prévenir les infractions comme
dans l'option 3, ainsi que par les mesures non législatives décrites à
l'option 2 afin d’améliorer la mise en œuvre des législations
nationales.
Au regard de l’analyse de l’impact
socio-économique et de l’impact sur les droits fondamentaux, les options 3 et
4 présentent la meilleure approche des problèmes et permettent d’atteindre
les objectifs de la proposition. L’option privilégiée serait l'option 4,
suivie de l'option 3.
BASE JURIDIQUE : article 82,
par. 2, et article 83, par.1 du TFUE. Les objectifs de la proposition ne
peuvent être atteints de façon satisfaisante par les États membres, l’objectif
qui consiste à assurer une protection efficace des enfants ne pouvant pas
être atteint de manière satisfaisante par les États membres, que ce soit au
niveau central, au niveau régional ou au niveau local.
CONTENU :la proposition abrogera et intégrera la décision-cadre
2004/68/JAI, en incluant les nouveaux éléments suivants:
- droit pénal matériel :
les formes graves d’exploitation et d’abus sexuels concernant des
enfants qui ne sont pas actuellement couvertes par la législation
européenne seraient érigées en infractions pénales. Elles comprennent
notamment : l’organisation de voyages à but sexuel -mais pas
exclusivement- dans le contexte du tourisme sexuel impliquant des
enfants. La définition de la pédopornographie serait modifiée pour la
rapprocher de celle que donnent la convention CdE et le protocole
facultatif des Nations unies sur le même thème. Une attention
particulière serait accordée aux infractions commises à l’encontre
d’enfants particulièrement vulnérables, tels que les enfants non
accompagnés. Les sanctions pénales sont durcies de manière à ce qu'elles
soient proportionnées, effectives et dissuasives. La détermination du
degré de gravité et l'infliction de sanctions proportionnées s'appuieraient
sur divers critères susceptibles de s'appliquer à des types
d'infractions très différents, tels que la gravité du préjudice subi par
la victime, le degré de culpabilité de l'auteur de l'infraction et le
niveau de risque qu'il représente pour la société. En règle générale, les
activités impliquant un contact sexuel sont plus graves que celles qui
n'en font pas intervenir; les infractions commises à des fins
d'exploitation sont plus graves que les autres; l'usage de la
contrainte, de la force ou de menaces est plus grave qu'un abus de
pouvoir ou qu'un abus de la situation de vulnérabilité de la victime,
qui constituent tous deux une circonstance aggravante par rapport à une
situation où la victime est consentante. La prostitution, qui consiste
en des activités sexuelles rémunérées, est plus grave que des spectacles
pornographiques, qui peuvent, ou non, inclure de telles activités;
recruter un enfant pour qu'il se livre à la prostitution ou à des
activités similaires est plus grave que seulement l'y inciter, car il
s'agit de rechercher activement des enfants comme s'ils étaient des
biens de consommation. Pour ce qui est de la pédopornographie, la
production, qui implique généralement le recrutement d'un enfant et
un contact sexuel avec lui, est plus grave que d'autres infractions
telles que la distribution ou l'offre de pédopornographie, qui sont
quant à elles plus graves que la possession de pédopornographie ou le
fait d'y accéder. L'application de ces différents critères permet ainsi
de définir 5 catégories d'infractions en fonction de leur gravité
et, partant, différents niveaux de sanction pour les infractions de base
;
- nouvelles infractions
pénales dans l’environnement des technologies de l’information :
de nouvelles formes d’exploitation et d’abus sexuels facilitées par
l’utilisation des technologies de l’information seraient érigées en
infractions pénales. Seraient notamment concernés les spectacles
pornographiques en ligne ou le fait d’accéder en connaissance de
cause à du matériel pédopornographique, pour couvrir les cas où la consultation
de matériel pédopornographique sur des sites web sans téléchargement ou
stockage d’images n’est pas assimilable à la «possession» de matériel
pédopornographique ou au «fait de se procurer» ce matériel. En outre, la
sollicitation d’enfants à des fins sexuelles («grooming») est
intégrée en tant que nouvelle infraction en suivant de près le libellé
convenu dans la convention CdE ;
- enquêtes pénales et
engagement de poursuites pénales : certaines dispositions sont
introduites pour faciliter les enquêtes et l’engagement de poursuites ;
- poursuites à l’encontre
des auteurs d’infractions commises à l’étranger : les règles de
compétence seraient modifiées pour veiller à ce que les délinquants
pédophiles et les exploiteurs d’enfants originaires de l’Union
européenne, à la fois ressortissants et résidents habituels, fassent
l’objet de poursuites même s’ils ont commis leurs crimes en dehors de
l’Union européenne, dans le cadre du «tourisme sexuel» ;
- protection des victimes :
de nouvelles dispositions sont prévues pour veiller à ce que les
victimes aient facilement accès à des voies de recours et qu’elles ne
souffrent pas de leur participation à la procédure pénale. Elles
couvriront l'assistance et l'aide aux victimes, ainsi que la protection
des victimes dans le cadre des enquêtes et des poursuites pénales en
particulier ;
- prévention des infractions :
des modifications seraient apportées pour contribuer à la prévention des
infractions liées à l’exploitation et aux abus sexuels concernant des
enfants, au moyen de plusieurs actions axées sur les ex-délinquants et
visant à prévenir la récidive, et pour limiter l’accès à la
pédopornographie sur internet. La restriction de cet accès a pour
but de réduire la diffusion de la pédopornographie en rendant plus difficile
l’utilisation du web accessible au public. Cette action ne se substitue
pas aux mesures visant à retirer le contenu à la source ou à poursuivre
les auteurs d’infractions ;
- dispositions allant
au-delà de la Convention du Conseil de l’Europe : la proposition
représenterait une valeur ajoutée par rapport à la norme de protection
fixée par la convention CdE à plusieurs égards, notamment : i) la
mise en œuvre sur tout le territoire de l'UE de mesures visant à
interdire aux auteurs d’infractions d’exercer des activités impliquant
des contacts avec des enfants, ii) le blocage de l’accès à la
pédopornographie sur internet, iii) la criminalisation du fait de
contraindre un enfant à se livrer à des activités sexuelles avec un
tiers et des abus sexuels commis sur des enfants en ligne, iv) une
clause de non poursuite pour les enfants victimes. Elle va également
au-delà des obligations imposées par la convention CdE en ce qui
concerne le niveau des sanctions, l’accès à une aide juridique
gratuite pour les enfants victimes et la répression des activités
encourageant les abus et le tourisme sexuel impliquant des enfants. En
outre, l’intégration dans le droit communautaire de dispositions de la CdE permettra d’accélérer l’adoption de mesures nationales par rapport aux procédures
nationales de ratification et d’assurer un contrôle plus efficace de la
mise en œuvre.
Dispositions territoriales :
les États membres seront destinataires de la proposition. L’application de la
future directive au Royaume-Uni, à l’Irlande et au Danemark sera décidée
conformément aux dispositions des protocoles (n° 21 et 22) annexés au traité
sur le fonctionnement de l’Union européenne.
INCIDENCE BUDGÉTAIRE : la
proposition n’a pas d’incidence sur le budget de l’Union.