En adoptant le rapport d’initiative de Ramón JÁUREGUI ATONDO (S&D, ES) sur les aspects institutionnels de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, la commission des affaires constitutionnelles souligne les principaux arguments qui plaident en faveur d'une adhésion de l'Union à la CEDH. Ces arguments peuvent se résumer comme suit:
Sachant que l’adhésion de l’UE à la CEDH constitue l’adhésion d’une partie autre qu’un État à un instrument juridique créé pour des États, les députés estiment que l’adhésion devrait avoir lieu sans altérer les caractéristiques de la CEDH et les modifications apportées à son système juridictionnel devraient être minimales. Ils soulignent en outre que l'adhésion à la CEDH ne fait pas de l'Union un membre du Conseil de l'Europe mais qu'une certaine participation de l'Union aux instances de la CEDH sera nécessaire pour assurer une bonne intégration de l'Union dans le système de la CEDH. L'Union devrait ainsi y disposer de certains droits, notamment: i) le droit de présenter une liste de trois candidats pour la fonction de juge, en associant le Parlement européen à l’établissement de la liste comme l’y consent l’article 255 du TFUE ; ii) le droit de participer à travers la Commission européenne, avec droit de vote au nom de l’UE, aux réunions du Comité des ministres lorsqu’il exerce ses fonctions d’organe de contrôle de l’exécution des arrêts de la CEDH ; iii) le droit, pour le Parlement européen, de désigner/d'envoyer un certain nombre de représentants à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe lorsqu'elle élit des juges à la CEDH.
Intérêt majeur de l’adhésion de l’UE à la CEDH: les députés estiment que la principale valeur ajoutée de l’adhésion de l’UE à la CEDH réside dans le recours individuel contre les actes de mise en œuvre du droit de l’Union par ses institutions ou par les États membres. Par conséquent, toute requête d'une personne physique ou morale visant un acte ou un manquement d'une institution ou d'un organisme de l'Union devra être dirigée exclusivement contre celle-ci et de même, toute requête ayant comme objet une mesure de mise en œuvre du droit de l'Union par un État membre devra être dirigée exclusivement contre ce dernier. Plus globalement, les députés considèrent qu’à la suite de cette adhésion, la CEDH constituera le niveau de protection minimal des droits de l’Homme et des libertés fondamentales en Europe et qu’elle sera d’effet impératif notamment dans les cas où la protection accordée par l’UE est inférieure à celle prévue par la CEDH.
Ils estiment par ailleurs qu’il ne faut pas formaliser les relations entre la Cour de justice de l'Union et la Cour européenne des droits de l'Homme en introduisant une procédure préjudicielle devant celle-ci ou en créant un organisme ou "panel" qui trancherait lorsque l'un des deux tribunaux envisage d'adopter une interprétation de la CEDH différente de l'interprétation adoptée par l'autre.
Les députés soulignent également que cette adhésion contribuera également à la mise en place d'un système intérieur cohérent des droits de l'Homme au sein de l'Union et renforcera la crédibilité de l'UE aux yeux de ses citoyens dans le domaine de la protection des droits de l'Homme.
Un mécanisme supplémentaire de défense : les députés observent que l’adhésion de l’Union à la CEDH apportera un mécanisme supplémentaire d’application des droits de l'Homme, à savoir la possibilité de porter plainte auprès de la Cour européenne des droits de l'Homme en ce qui concerne une action ou un défaut d’action, de la part d’une institution de l’UE ou d’un État membre dans le cadre de la mise en œuvre du droit européen, relevant également des compétences de la CEDH. Cette adhésion ne modifiera toutefois pas l’actuel système juridictionnel de la Cour de justice de l’Union européenne ni celui de la Cour européenne des droits de l'Homme, en vertu de laquelle il convient d’épuiser tous les recours juridictionnels internes comme condition de recevabilité d’une requête.
Charge de travail : conscients du fait que l’adhésion ne résoudra pas les problèmes extrêmement graves auxquels le système de la CEDH se voit confronté, à savoir, d’une part, la charge excessive de travail due à une augmentation exponentielle des requêtes individuelles et, d’autre part, la réforme de la structure et du fonctionnement de la Cour pour y faire face, les députés estiment que, dans l’intérêt des justiciables, il conviendra de privilégier les modalités d’adhésion qui auront le moins d’impact sur la charge de travail de la CEDH. Les députés rappellent qu’il est essentiel de maintenir l’indépendance de la Cour européenne des droits de l'Homme en termes de personnel et de politique budgétaire.
Procédure d’adhésion : les députés attirent l'attention sur le fait que le traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE) prévoit des conditions exigeantes d’adhésion, le Conseil devant adopter la décision portant conclusion de l'accord à l'unanimité, après approbation du Parlement européen, et cet accord n'entrant en vigueur qu'après son approbation par les États membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.
Renforcement de la coopération : cette adhésion nécessitera également une coopération accrue entre les tribunaux nationaux, la Cour de justice de l'UE et la CEDH dans le cadre de la protection des droits fondamentaux. La coopération entre les institutions de l’Union et les organes spécialisés du Conseil de l’Europe devrait également être renforcée.
Sensibilisation : les députés suggèrent qu'afin de sensibiliser les citoyens à la valeur ajoutée de l'adhésion, le Conseil de l'Europe et l'UE élaborent des lignes directrices comportant des explications claires de toutes les implications et de toutes les incidences de cette adhésion. Pour leurs parts, la Commission et les États membres devraient informer les citoyens de l'Union des implications de cette adhésion pour eux et de la façon d’utiliser les nouveaux mécanismes mis à leur disposition.
Implication du Parlement : les députés soulignent enfin que, dans la mesure où l’adhésion à la CEDH ne concerne pas uniquement les institutions européennes mais également les citoyens de l’Union, le Parlement européen devrait être consulté et impliqué tout au long du processus de négociation, et associé et informé immédiatement et complètement, à toutes les étapes des négociations.