Agriculture de l'UE et changement climatique

2009/2157(INI)

Le Parlement européen a adopté une résolution sur l’agriculture et le changement climatique.

La résolution note que l’agriculture participe au dérèglement climatique en tant qu'elle constitue une des principales sources de deux importants GES (protoxyde d'azote et méthane), qui sont issus de différents processus biologiques liés à la production agricole, tout en étant très exposée aux effets néfastes de ce dérèglement. Le changement climatique a déjà des conséquences négatives sur l'agriculture dans l'Union européenne (baisse des ressources en eau, sécheresses plus fréquentes, forte augmentation de la pluviométrie hivernale, inondations au nord, tempêtes, érosion et glissements de terrain, etc.) et l'accélération prévue de ces phénomènes pourrait avoir de graves répercussions économiques, sociales et environnementales pour les secteurs agricole, forestier et touristique.

Contribution de l'agriculture de l'Union aux efforts d'atténuation du réchauffement : le Parlement affirme que les activités agricoles et forestières dans l'Union européenne peuvent contribuer à la réalisation des objectifs d'atténuation du changement climatique fixés par l'Union, en apportant des solutions et une aide à la réduction des émissions de GES, en encourageant le stockage du carbone dans les sols, en développant la production d'énergies renouvelables durables et en maximisant la fonction de photosynthèse. Les députés estiment que l'agriculture biologique, le pâturage extensif et les pratiques de production intégrée constituent quelques-unes des solutions de remplacement pour une production agricole plus écologique. Ils jugent essentiel, dans l'éventualité d'une participation plus active de l'agriculture au processus mondial de limitation du changement climatique, de ne pas fragiliser la position concurrentielle de l'industrie agroalimentaire de l'Union européenne sur le marché mondial.

Le Parlement demande que la future PAC encourage - par des actions d'information et de formation et par des mesures incitatives - des pratiques contribuant à améliorer l'efficacité et le potentiel d'atténuation des émissions de GES de l'agriculture ainsi que la séquestration de carbone, telles que :

  • les techniques combinant un travail adapté et simplifié du sol assurant une couverture végétale (labour réduit ou non-labour, maintien des résidus de récolte sur les champs, par exemple) et permettant des intercultures et une rotation des cultures, ce qui maximise la photosynthèse et favorise l'enrichissement des sols en matières organiques, comme l'a démontré le projet SoCo lancé à l'initiative du Parlement européen;
  • la préservation et le développement du boisement, ainsi que le reboisement, le développement de l'agroforesterie, de haies, de zones boisées sur les parcelles, des systèmes herbagers de pâturages permanents ou temporaires;
  • l'introduction de systèmes de gestion permettant d'accroître la durée de stockage du carbone capté dans les forêts existantes;
  • une meilleure gestion des sols et des minéraux, et la protection adéquate des terres riches en carbone, comme les tourbières et les zones humides (culture de plantes adaptées comme les roseaux en alternative au drainage);
  • la modernisation des exploitations agricoles (isolation des bâtiments, équipements économes en énergie, utilisation d'énergies renouvelables) et de chaînes de production à meilleur rendement;
  • les techniques modernes d'épandage/de valorisation du lisier, de conservation et d'alimentation des animaux, qui réduisent considérablement les émissions de méthane;
  • la valorisation énergétique de la biomasse intégrée à la production alimentaire;
  • la plantation d'arbres et de cultures herbacées produisant de l'énergie sur des terrains inondables, dans des zones humides, sur des terrains sablonneux et dans des zones moins propices à l'agriculture.

Les députés préconisent la mise en place d'une politique forestière européenne commune, ce secteur étant celui qui contribue le plus à la captation du carbone. Il recommande également : i) le renforcement des politiques pour la montagne ; ii) l'établissement de stratégies tendant à prévenir et à atténuer les incidences négatives sur l'agriculture dans l'Union européenne ; iii)  le renforcement des recherches sur l'alimentation du bétail et la sélection génétique des animaux d'élevage ; v) l’adoption de mesures  en vue d'accélérer et d'intensifier la recherche sur la sélection végétale ; iv) des efforts de recherche pour exploiter et valoriser la biomasse qui se trouve sur les exploitations agricoles, le biogaz issu de l'élevage et les autres agrocarburants durables, à condition qu'ils ne remettent pas en cause la sécurité alimentaire.

La résolution attire l'attention sur le fait que l'utilisation de la biomasse pour le chauffage permet de réduire considérablement les conséquences négatives du changement climatique. La Commission et les États membres sont invités à octroyer des aides au développement rural aux établissements publics ruraux qui passeront à des systèmes de chauffage basés sur la bioénergie.

Le Parlement souligne que la position de l'Union en tant que premier importateur de produits agricoles se traduit par un coût carbone supérieur à celui que génèrent les exploitations européennes, du fait de critères environnementaux souvent moins exigeants dans les pays tiers, associés aux émissions provenant du transport sur de longues distances et de la déforestation.

Les députés sont d'avis qu'il est nécessaire d'informer les consommateurs, par le biais d'une stratégie de communication ciblée, sur les avantages d'un régime alimentaire sain et équilibré, composé de produits régionaux et de saison de qualité, issus d'une agriculture durable et efficace, dont l'empreinte carbone pourrait être différenciée de celle des produits importés. Ils préconisent à cet égard un étiquetage facultatif « origine UE » pour les produits provenant en totalité de l'Union européenne. Ils insistent en outre  pour que des mécanismes de contrôle efficaces des importations de pays tiers soient mis en œuvre et plaident pour une réciprocité pleine et entière entre les exigences que les producteurs européens doivent respecter en matière de lutte contre le changement climatique et les conditions requises pour les importations de pays tiers.

Mesures d'adaptation de l'agriculture européenne aux conséquences du réchauffement : les députés estiment que l'Union devra développer une stratégie cohérente d'adaptation de l'agriculture aux deux différents types de perturbations climatiques à venir: d'une part, le réchauffement climatique moyen ; d'autre part, la plus forte variabilité des conditions climatiques, se traduisant par la multiplication d'épisodes extrêmes. La PAC devrait dès lors être centrée sur une gestion plus durable et plus efficace des ressources, notamment : i) la gestion optimale des ressources en eau ; ii) le choix de variétés, notamment sélectionnées pour leur robustesse face aux incidents extrêmes ; iii) la protection des sols contre l'érosion hydraulique et aérienne ; iv) les mesures de surveillance et de contrôle des maladies et les insectes.

Implications pour le modèle agricole européen : le Parlement est d'avis qu'il convient de rappeler les « nouveaux défis » évoqués dans le bilan de santé de la PAC, notamment le changement climatique, la gestion de l'eau, les énergies renouvelables et la biodiversité, et d'y ajouter le respect et l'amélioration de la qualité du sol et de ses fonctions.

Les députés notent que le système actuel d'écoconditionnalité, destiné à garantir le respect par les exploitations agricoles de normes très élevées en termes de bien-être animal, de santé animale et de protection environnementale, est complexe pour les agriculteurs et ne constitue peut-être pas, dans sa forme actuelle, le meilleur moyen d'atteindre les objectifs souhaités. Ils demandent, dans le contexte de la prochaine réforme de la PAC, que l'accent soit mis davantage sur des modèles de production plus durables et plus efficaces, tout en gardant à l'esprit que ces mesures nécessitent un financement public afin de permettre aux agriculteurs de couvrir les coûts supplémentaires générés par la fourniture de «biens publics» bénéficiant à l'ensemble de la société (tels que l'entretien des espaces ruraux, la sauvegarde de la biodiversité, le captage du dioxyde de carbone et la sécurité alimentaire).

Pour permettre à l'agriculture européenne de contribuer à l'avenir à la sécurité alimentaire et à la protection du climat, le Parlement suggère de maintenir une PAC ambitieuse intégrant, en particulier, le régime des paiements directs financés par le budget communautaire et des paiements simples et plus équitables dans l'ensemble de l'Union. La Commission est invitée à promouvoir un modèle d'agriculture plus durable et efficace, dans l'esprit de tous les objectifs de la PAC, axé sur une production alimentaire suffisante, sûre et plus respectueuse de l'équilibre écologique. Ce modèle doit se fonder sur un système juste et légitime de soutien aux exploitants et doit également mettre en valeur le rôle de la profession d'agriculteur.