Aspects institutionnels de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales

2009/2241(INI)

Le Parlement européen a adopté une résolution sur les aspects institutionnels de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CEDH).

La résolution rappelle qu'en adhérant à la CEDH, l'Union sera intégrée à son système de protection des droits fondamentaux et disposera, en plus de la protection interne de ces droits par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, d'une instance de protection externe d'ordre international. Elle précise à cet égard, les principaux arguments qui plaident en faveur d'une adhésion de l'Union à la CEDH.

Ces arguments peuvent se résumer comme suit:

  • l’adhésion constitue un progrès dans le processus d’intégration européenne et implique une avancée sur la voie de l’Union européenne,
  • alors que l'Union voit son système de protection des droits fondamentaux complété et renforcé par l'intégration de la Charte des droits fondamentaux dans son droit primaire, son adhésion à la CEDH sera un signal fort de la cohérence entre l'Union et les pays appartenant au Conseil de l'Europe et son régime paneuropéen en matière de droits de l'Homme ; cette adhésion renforcera également la crédibilité de l'Union vis-à-vis des pays tiers,
  • l'adhésion à la CEDH assurera aux citoyens, vis-à-vis de l'action de l'Union, une protection analogue à celle dont ils bénéficient déjà vis-à-vis de tous les États membres. Cela est d'autant plus pertinent que les États membres ont transféré à l'Union des compétences importantes,
  • l’harmonisation législative et jurisprudentielle en matière de droits de l’Homme entre les ordres juridiques de l’Union et de la CEDH contribuera au développement harmonieux des deux cours européennes en matière de droits de l'Homme, et créera un système intégral au sein duquel les deux cours travailleront à l’unisson,
  • l’adhésion compensera dans une certaine mesure le fait que la portée de la Cour de justice de l'UE est quelque peu limitée dans les domaines de la politique étrangère et de sécurité, de la police et de la politique de sécurité, en apportant un contrôle juridictionnel externe utile de toutes les activités de l’UE,
  • l'adhésion ne mettra nullement en question le principe de l'autonomie du droit de l'Union car la Cour de justice de l'UE restera le juge suprême unique pour les questions touchant au droit de l'Union et à la validité de ses actes, la Cour européenne des droits de l'Homme ne pouvant être considérée que comme une instance exerçant un contrôle externe sur le respect, par l'Union, des obligations de droit international découlant de son adhésion à la CEDH (le rapport entre les deux juridictions européennes ne serait pas hiérarchique mais de spécialisation). La Cour de justice de l'UE aura ainsi un statut analogue à celui qu'ont actuellement les cours suprêmes des États membres par rapport à la CEDH.

Sachant que l’adhésion de l’UE à la CEDH constitue l’adhésion d’une partie autre qu’un État à un instrument juridique créé pour des États, le Parlement estime que l’adhésion devrait avoir lieu sans altérer les caractéristiques de la CEDH et les modifications apportées à son système juridictionnel devraient être minimales. L’accord d’adhésion de l’Union à la CEDH devrait garantir que l’adhésion n’affectera pas la situation interne particulière des États membres à l’égard de la CEDH et de ses protocoles en général, ainsi qu’à l’égard d’éventuelles dérogations et réserves faites par des États membres en particulier. Le Parlement constate que le système de la CEDH s'est vu complété par une série de protocoles additionnels concernant la protection de droits ne faisant pas l'objet de la CEDH et recommande que la Commission soit mandatée de négocier également une adhésion à l'ensemble des protocoles concernant des droits qui correspondent à la Charte des droits fondamentaux, et ceci indépendamment de leur ratification par les États membres de l’Union.

Le Parlement souligne parallèlement que l'adhésion à la CEDH ne fait pas de l'Union un membre du Conseil de l'Europe mais qu'une certaine participation de l'Union aux instances de la CEDH sera nécessaire pour assurer une bonne intégration de l'Union dans le système de la CEDH. L'Union devrait ainsi y disposer de certains droits, notamment: i) le droit de présenter une liste de trois candidats pour la fonction de juge, en associant le Parlement européen à l’établissement de la liste comme l’y consent l’article 255 du TFUE concernant les candidats à l’exercice des fonctions de juge à la Cour de justice; ii) le droit de participer à travers la Commission européenne, avec droit de vote au nom de l’UE, aux réunions du Comité des ministres lorsqu’il exerce ses fonctions d’organe de contrôle de l’exécution des arrêts de la CEDH ; iii) le droit, pour le Parlement européen, de désigner/d'envoyer un certain nombre de représentants à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe lorsqu'elle élit des juges à la CEDH.

Intérêt majeur de l’adhésion de l’UE à la CEDH: le Parlement estime que la principale valeur ajoutée de l’adhésion de l’UE à la CEDH réside dans le recours individuel contre les actes de mise en œuvre du droit de l’Union par ses institutions ou par les États membres. Par conséquent, toute requête d'une personne physique ou morale visant un acte ou un manquement d'une institution ou d'un organisme de l'Union devra être dirigée exclusivement contre celle-ci et de même, toute requête ayant comme objet une mesure de mise en œuvre du droit de l'Union par un État membre devra être dirigée exclusivement contre ce dernier. Plus globalement, le Parlement considère qu’à la suite de cette adhésion, la CEDH constituera le niveau de protection minimal des droits de l’Homme et des libertés fondamentales en Europe et qu’elle sera d’effet impératif notamment dans les cas où la protection accordée par l’UE est inférieure à celle prévue par la CEDH.

Extraterritoriale de la CEDH  : le Parlement considère que, dans la mesure où la Cour européenne des droits de l'Homme a reconnu l’applicabilité extraterritoriale de la CEDH, l’Union devra s’efforcer de respecter pleinement cette obligation dans ses relations et activités extérieures. Il souligne à cet égard que la compétence de la Cour européenne des droits de l'Homme ne doit pas se limiter aux citoyens européens ni au territoire géographique de l'Union (par exemple dans le cas des missions ou des délégations).  Il rappelle en outre que la promotion du respect des droits de l’Homme constitue une base commune pour ses relations avec les pays tiers et que, par conséquent, cette adhésion renforcera la confiance des citoyens dans l’Union et la crédibilité de celle-ci dans le dialogue sur les droits de l’Homme avec les pays tiers.

Éviter la formalisation des relations : le Parlement estime qu’il ne faut pas formaliser les relations entre la Cour de justice de l'Union et la Cour européenne des droits de l'Homme en introduisant une procédure préjudicielle devant celle-ci ou en créant un organisme ou "panel" qui trancherait lorsque l'un des deux tribunaux envisage d'adopter une interprétation de la CEDH différente de l'interprétation adoptée par l'autre. Plus prosaïquement, le Parlement propose que les deux institutions renforcent leur dialogue.

Un mécanisme supplémentaire de défense : le Parlement observe que l’adhésion de l’Union à la CEDH apportera un mécanisme supplémentaire d’application des droits de l'Homme, à savoir la possibilité de porter plainte auprès de la Cour européenne des droits de l'Homme en ce qui concerne une action ou un défaut d’action, de la part d’une institution de l’UE ou d’un État membre dans le cadre de la mise en œuvre du droit européen, relevant également des compétences de la CEDH. Cette adhésion ne modifiera toutefois pas l’actuel système juridictionnel de la Cour de justice de l’Union européenne ni celui de la Cour européenne des droits de l'Homme, en vertu de laquelle il convient d’épuiser tous les recours juridictionnels internes comme condition de recevabilité d’une requête.

Charge de travail : conscient du fait que l’adhésion ne résoudra pas les problèmes extrêmement graves auxquels le système de la CEDH se voit confronté, à savoir, d’une part, la charge excessive de travail due à une augmentation exponentielle des requêtes individuelles et, d’autre part, la réforme de la structure et du fonctionnement de la Cour pour y faire face, le Parlement estime que, dans l’intérêt des justiciables, il conviendra de privilégier les modalités d’adhésion qui auront le moins d’impact sur la charge de travail de la CEDH. Le Parlement rappelle qu’il est essentiel de maintenir l’indépendance de la Cour européenne des droits de l'Homme en termes de personnel et de politique budgétaire. Il insiste également pour que les requêtes et les recours soient traités dans un laps de temps raisonnable.

Procédure d’adhésion : le Parlement attire l'attention sur le fait que le traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE) prévoit des conditions exigeantes d’adhésion, le Conseil devant adopter la décision portant conclusion de l'accord à l'unanimité, après approbation du Parlement européen, et cet accord n'entrant en vigueur qu'après son approbation par les États membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.

Renforcement de la coopération : cette adhésion nécessitera également une coopération accrue entre les tribunaux nationaux, la Cour de justice de l'UE et la CEDH dans le cadre de la protection des droits fondamentaux. La coopération entre les institutions de l’Union et les organes spécialisés du Conseil de l’Europe devrait également être renforcée afin de contribuer à une plus grande cohérence et complémentarité dans la sphère des droits de l’Homme au niveau paneuropéen.

Sensibilisation : le Parlement suggère qu'afin de sensibiliser les citoyens à la valeur ajoutée de l'adhésion, le Conseil de l'Europe et l'UE élaborent des lignes directrices comportant des explications claires de toutes les implications et de toutes les incidences de cette adhésion. Pour leurs parts, la Commission et les États membres devraient informer les citoyens de l'Union des implications de cette adhésion pour eux et la façon d’utiliser les nouveaux mécanismes mis à leur disposition.

Implication du Parlement : le Parlement souligne enfin que, dans la mesure où l’adhésion à la CEDH ne concerne pas uniquement les institutions européennes mais également les citoyens de l’Union, le Parlement européen devrait être consulté et impliqué tout au long du processus de négociation, et associé et informé immédiatement et complètement, à toutes les étapes des négociations.