Agences de notation de crédit: surveillance
OBJECTIF : améliorer la surveillance des agences de notation de crédit à l’échelon de l’UE.
ACTE PROPOSÉ : Règlement du Parlement européen et du Conseil.
CONTEXTE : la crise financière a mis en lumière de graves lacunes dans la surveillance financière, à la fois dans des cas particuliers et en ce qui concerne le système financier dans son ensemble. S’appuyant sur les conclusions du groupe d’experts de haut niveau présidé par M. Jacques de Larosière, la Commission européenne a piloté une révision radicale de la surveillance financière en Europe, avec pour objectif de mettre en place un système européen de surveillance plus efficace, plus intégré et plus durable.
Le groupe Larosière a présenté son rapport le 25 février 2009 et ses recommandations ont été avalisées par la Commission dans sa communication au Conseil européen de printemps de mars 2009. Les éléments clés de la réforme proposée par la Commission sont les suivants:
- mettre en place un système européen de surveillance financière (SESF) composé d’un réseau d’autorités nationales de surveillance financière travaillant de manière coordonnée avec de nouvelles autorités européennes de surveillance; ces dernières résulteront de la transformation des comités de surveillance européens existants en une Autorité bancaire européenne (ABE), une Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP) et une Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), et
- créer un Comité européen du risque systémique (CERS) qui surveillera et analysera les risques que les évolutions macroéconomiques et du système financier dans son ensemble font peser sur la stabilité du système financier.
Dans sa communication du 27 mai 2009 sur la surveillance financière européenne, la Commission a proposé de confier à une autorité de surveillance européenne la responsabilité d’autoriser et de surveiller certaines entités d’envergure paneuropéenne, telles que les agences de notation de crédit. Ces responsabilités seraient définies dans le règlement du Parlement européen et du Conseil sur les agences de notation de crédit (Règlement ANC).
Lors de sa réunion de juin 2009, le Conseil européen a avalisé la suggestion de la Commission, en indiquant clairement que l’AEMF devrait également disposer de pouvoirs de surveillance à l’égard des agences de notation de crédit. Le Parlement européen et le Conseil ont demandé que la Commission présente, avant le 1er juillet 2010, un rapport et toute proposition législative nécessaire pour remédier aux carences relevées en ce qui concerne les modalités de la coordination et de la coopération en matière de surveillance.
ANALYSE D’IMPACT : la Commission a analysé différentes options :
Option 1: statu quo : conserver les éléments essentiels du système de surveillance actuel convenus dans le cadre de la négociation concernant le règlement sur les agences de notation en vigueur.
Option 2: structure collégiale et AEMF : le règlement sur l'AEMF serait adopté tel qu'il a été proposé par la Commission le 23 septembre 2009, et le cadre de surveillance tel que prévu par le règlement sur les agences de notation en vigueur serait conservé.
Option 3: l'AEMF surveille directement les groupes d'agences de notation et toutes les agences de notation basés dans l'UE : il s’agit de modifier le règlement sur les agences de notation afin d’y introduire une surveillance centralisée des agences de notation de crédit actives dans l’UE.
- Option 3a: la surveillance de l'AEMF ne couvrirait que les agences de notation ou groupes d'agences de notation officiellement présents dans plusieurs États membres ;
- Option 3b: faire de l'AEMF la seule autorité de surveillance pour toutes les agences de notation basées dans l'UE.
La Commission européenne estime qu'il est approprié de présenter une proposition modifiant le règlement sur les agences de notation.
BASE JURIDIQUE : article 114 du TFUE. Une action communautaire est susceptible de remédier aux lacunes que la crise a mises au jour et de mettre en place un système répondant à l’objectif d’un marché unique stable pour les services financiers à l’échelle de l’UE – en accordant à l’AEMF les pouvoirs nécessaires pour enregistrer et surveiller les agences de notation de crédit.
CONTENU : la présente proposition vise à modifier le règlement (CE) n° 1060/2009 sur les agences de notation de crédit afin d’y introduire une surveillance centralisée des agences de notation de crédit actives dans l’UE. La nouvelle AEMF se verrait confier la compétence générale pour les questions relatives à l’enregistrement et la surveillance continue des agences de notation de crédit enregistrées ainsi que pour celles concernant les notations publiées par les agences de notation établies dans les pays tiers et qui opèrent dans l’UE en vertu des régimes de certification ou d’aval.
Cette proposition ne modifie en rien le règlement sur les agences de notation de crédit en ce qui concerne les conditions de fond que les ANC doivent remplir pour être enregistrées et continuer de remplir en permanence par la suite. De même, les conditions dans lesquelles des notations émises par des agences de notation de crédit établies dans des pays tiers peuvent être utilisées dans l’Union (via les mécanismes d’aval et de certification, tels que prévus par le règlement ANC) resteront telles que prévues dans le règlement ANC actuel et ne font pas l’objet des modifications proposées.
Les principales modifications proposées sont les suivantes :
Objet, champ d’application et définitions : pour harmoniser le règlement avec la nouvelle proposition de directive sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs, les fonds d’investissement alternatifs ont été ajoutés, afin qu’ils soient traités de la même manière que les autres établissements financiers de l’UE pour ce qui est de l’utilisation des notations de crédit. Cela implique que si des fonds d’investissement alternatifs font usage de notations de crédit à des fins réglementaires, il faut que ces notations de crédit aient été émises par une agence de notation de crédit enregistrée ou certifiée en vertu du présent règlement.
Émission des notations de crédit : afin d’éviter la survenance d’éventuels conflits d’intérêts pour les ANC du fait de l’application du modèle «émetteur payeur», d’accroître la transparence et de renforcer la concurrence entre les ANC, les émetteurs d’instruments financiers structurés ou les tiers liés devraient être tenus d’ouvrir l’accès des informations qu’ils ont transmises à l’ANC qu’ils ont engagée pour noter des instruments financiers structurés aux ANC concurrentes.
À condition de satisfaire à certaines conditions d’organisation et de confidentialité, les ANC concurrentes devraient pouvoir, sur demande, obtenir de la part de l’entité notée ou d’un tiers lié l’accès aux informations qui ont été transmises à des ANC engagées pour noter des instruments financiers structurés. Les ANC concurrentes qui se voient offrir l’accès à ces informations ne devraient pas les utiliser à d’autres fins que la notation, et devraient être obligées de fournir un nombre minimal de notations de leur propre initiative, afin de garantir que la demande d’accès à ces informations ne poursuit pas d’autre but.
Contrairement aux autres exigences de fond du règlement ANC qui s’adressent aux agences de notation de crédit et à leur personnel, cette règle impose des obligations de divulgation d’informations aux émetteurs d’instruments financiers structurés. Toutes les agences de crédit enregistrées auront la possibilité d’accéder aux informations dont elles ont besoin pour émettre des notations non sollicitées sur des instruments financiers structurés. Il en résultera une concurrence accrue sur le marché de la notation et une augmentation du nombre de notations par instrument, de sorte que les utilisateurs de notations pourront ne plus se contenter d’une seule notation pour un instrument donné.
Procédure d’enregistrement: du fait de la création d’une nouvelle autorité unique chargée de la surveillance des agences de notation de crédit, il est proposé d’abroger les dispositions existantes qui envisagent un type collégial de coordination de la surveillance et la prise de décision finale officielle par une autorité compétente de l’État membre d’origine. La création de l’AEMF améliorera et rationalisera la procédure d’enregistrement, en la simplifiant (grâce à l’élimination des procédures de consultation superflues entre les autorités participant au collège et avec le CERVM), ce qui permettra de raccourcir les délais aux différentes étapes de la procédure d’enregistrement.
Surveillance exercée par l’AEMF : pour faciliter l’application courante du règlement, il est proposé d’habiliter l’AEMF à proposer des projets de normes techniques soumis à l’approbation de la Commission et portant sur: i) la procédure d’enregistrement, y compris les informations mentionnées à l’annexe II; ii) les informations que l’agence de notation de crédit doit fournir pour la demande de certification et l’évaluation de son importance systémique par rapport à la stabilité financière ou à l’intégrité des marchés financiers; iii) la présentation, y compris la structure, le format, la méthode et la période de notification, des informations que les agences de notation de crédit sont tenues de publier.
L’AEMF doit être habilitée à demander toutes les informations nécessaires aux ANC et aux autres personnes associées aux activités de notation de crédit. Elle pourra ouvrir des enquêtes sur les infractions potentielles au règlement et, dans ce cadre, doit être en mesure d’exercer des pouvoirs de surveillance impliquant notamment d’examiner des dossiers et d’autres documents pertinents, d’en faire des copies ou d’en prélever des extraits, d’exiger des explications orales, d’entendre une personne, d’exiger la communication d’enregistrements téléphoniques et de données échangées.
L’AEMF doit également pouvoir procéder à des inspections sur place. Les droits de la défense des parties concernées doivent être pleinement respectés dans le déroulement de la procédure. L’AEMF doit notamment donner aux personnes concernées la possibilité d’être entendues sur les questions au sujet desquels elle formule des griefs.
Coopération entre l’AEMF et les autorités compétentes : les autorités compétentes doivent conserver leurs responsabilités de surveillance en ce qui concerne l’utilisation des notations de crédit par les entités surveillées (telles que les établissements de crédit ou les entreprises d’assurances), qui emploient ces notations à des fins réglementaires. Les autorités nationales de surveillance doivent également contribuer à l’activité de surveillance de l’AEMF en assurant l’échange d’informations et la coopération nécessaires, qui peuvent être exigés pour l’exercice des pouvoirs de surveillance et de contrôle d’application de l’AEMF.
Lorsque cela est nécessaire ou indiqué pour des raisons d’efficacité, l’AEMF doit pouvoir solliciter l’assistance d’une autorité de surveillance compétente à l’échelon national. Lorsque l’AEMF procède à des enquêtes et à des inspections sur place, les autorités compétentes devraient lui prêter assistance.
L’AEMF peut aussi déléguer des tâches de surveillance spécifiques aux autorités nationales compétentes. Les tâches susceptibles d’être déléguées comprennent l’exécution de devoirs d’enquête spécifiques et d’inspections sur place, l’évaluation d’une demande d’enregistrement, mais aussi des tâches liées à la surveillance courante. La délégation de tâches n’aura pas d’incidence sur la responsabilité de l’AEMF, qui pourra donner des instructions à l’autorité à laquelle elle a délégué une tâche.
Sanctions, procédure de comité et rapports : l’AEMF pourrait proposer à la Commission d’imposer des astreintes. Cette mesure coercitive devrait contribuer: i) à ce qu’il soit mis fin à une infraction, ii) à ce que les informations complètes et correctes que l’AEMF a demandées soient fournies, iii) à ce que des agences de notation de crédit et d’autres personnes se soumettent à une enquête. L’AEMF pourrait aussi proposer des amendes à adopter par la Commission lorsque, intentionnellement ou par négligence, certaines dispositions du règlement sur les agences de notation de crédit ont été enfreintes. Des critères détaillés pour la fixation du montant des amendes, ainsi que les modalités des procédures en matière d’amendes, seront fixés dans un acte délégué.
Outre la proposition de sanctions, l’AEMF sera aussi habilitée à adopter des mesures de surveillance dans les cas où une agence de notation de crédit a commis une infraction au règlement. Ces mesures comprennent l’interdiction temporaire de l’émission de notations de crédit et la suspension de l’utilisation des notations concernées jusqu’à ce qu’il soit mis fin à l’infraction. En dernier ressort, l’AEMF serait habilitée à retirer l’enregistrement d’une agence de notation de crédit.
L’AEMF aurait en outre le pouvoir d’exiger des agences de notation de crédit qu’elles mettent fin à une infraction et d’émettre une communication au public. Ces mesures s’appliqueraient dans les cas qui ne justifient pas l’adoption d’une sanction ou d’une mesure de surveillance plus sévère, en tenant compte du principe de proportionnalité.
Les procédures de comité ont été harmonisées avec le traité de Lisbonne.
Dispositions transitoires et finales : lorsque l’AEMF aura été mise en place et sera opérationnelle, les autorités compétentes des États membres devront abandonner les compétences et fonctions relatives à la surveillance et au contrôle d’application dans le domaine des agences de notation de crédit qui leur avaient été conférées par le règlement sur les agences de notation de crédit.
INCIDENCE BUDGÉTAIRE : une synthèse des incidences budgétaires des propositions instituant l’AEMF a été présentée en septembre 2009 dans le rapport d’analyse d’impact et les fiches financières législatives accompagnant ces propositions législatives (voir la fiche financière législative jointe à la proposition relative à la création de l’Autorité européenne des marchés financiers).
Les incidences spécifiques pour l’AEMF pour ce qui est de la surveillance et du contrôle directs des agences de notation de crédit sont décrites dans la fiche financière législative qui accompagne la présente proposition. Ces incidences pour la période 2011-2013 sont les suivantes :
- Crédits d’exploitation : 1,001 millions EUR (2011).
- Ressources humaines et autres dépenses administratives : 1,464 millions EUR.
- Total des crédits : 2,465 millions EUR.
La proposition prévoit un cofinancement estimé à 1,501 millions EUR en 2011 (60% des besoins totaux par les États membres, via les autorités nationales - mécanisme de financement standard de l’AEMF tel que proposé).