Marchés dérivés: mesures pour l'avenir

2010/2008(INI)

Le Parlement européen a adopté une résolution sur les marchés de produits dérivés (actions politiques futures), en réponse à la communication sur le même sujet. 

Les députés se félicitent de l’initiative de la Commission visant à améliorer la réglementation relative aux produits dérivés et notamment aux produits dérivés OTC afin de réduire les conséquences des risques des marchés de produits dérivés OTC sur la stabilité de l’ensemble des marchés financiers. Ils soutiennent les demandes de normalisation juridique des contrats de produits dérivés, le recours à des référentiels centraux de données et au stockage central des données, l'utilisation et le renforcement de la compensation par des contreparties centrales et l’utilisation de systèmes de négociation organisés.

Accroître la transparence : le Parlement salue le changement de paradigme de la Commission européenne en vue d'un renforcement de la réglementation des marchés de produits dérivés OTC, abandonnant ainsi l'idée qui prévalait jusque là, selon laquelle les produits dérivés ne nécessitaient pas de réglementation plus poussée, principalement parce qu'ils sont réservés à des professionnels et des spécialistes, et demandant, de ce fait, que la législation future garantisse non seulement la transparence des marchés des produits dérivés, mais aussi une bonne régulation.

La résolution appelle à plus de transparence dans les transactions antérieures aux négociations pour tous les instruments qui remplissent les conditions pour une utilisation généralisée de systèmes de négociation organisés, et pour une transparence accrue après les négociations en consignant toutes les transactions dans les référentiels, au bénéfice des autorités de régulation et des investisseurs.

Renforcement de la compensation par des contreparties centrales (CCP) : les députés se rallient à la demande visant à l’introduction obligatoire d’une compensation par les CCP entre établissements financiers pour tous les produits dérivés éligibles afin d’assurer une meilleure évaluation du risque de crédit de la contrepartie, et soutiennent l’objectif de négocier le plus grand nombre possible de produits dérivés éligibles sur les marchés organisés. Ils invitent à fournir des incitations à la négociation de produits dérivés compensables dans les systèmes de négociation réglementés par la directive MiFID, c’est-à-dire sur les marchés réglementés et dans les systèmes de négociation multilatérale. Ils estiment que la liquidité doit être l’un des critères d’éligibilité pour la compensation.

Les députés demandent qu'à l'avenir les prix des produits dérivés tiennent davantage compte des risques et que les coûts de l'infrastructure future du marché soient supportés par les acteurs du marché et non par les contribuables. Ils sont d’avis que, pour se protéger contre des risques particuliers, des produits dérivés conçus individuellement sont nécessaires et rejettent dès lors une éventuelle obligation de normaliser l’ensemble des produits dérivés. La Commission est invitée à appliquer une approche différenciée aux différents types de produits dérivés disponibles, en tenant compte de leurs différents profils de risque.

La résolution invite la Commission à chercher des moyens de réduire considérablement le volume total de produits dérivés, pour que celui-ci soit proportionnel aux titres sous-jacents afin d’éviter une distorsion des signaux de prix et de réduire le risque pour l’intégrité du marché et diminuer le risque systémique.

La Commission est invitée à attribuer un rôle de premier plan à l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) en matière d’agrément des chambres de compensation de l’Union européenne, en confiant leur surveillance à cette même autorité.

Réduire le risque de contrepartie : le Parlement estime que le risque de crédit de la contrepartie peut être réduit grâce à la couverture et à l’adaptation des exigences de fonds propres ainsi que d'autres outils réglementaires. Ils soutient la proposition de la Commission consistant à imposer des exigences de fonds propres plus élevées pour les établissements financiers dans le cas de contrats de produits dérivés dont la compensation est bilatérale, qui ne sont pas éligibles pour une compensation centrale, basée sur une approche proportionnée au risque, et tenant compte des effets de la compensation, de la marge initiale, du rapprochement quotidien des portefeuilles, de l'évolution quotidienne et automatisée des garanties et autres techniques de gestion des risques de sûreté, ainsi que de la contrepartie bilatérale dans la réduction du risque de la contrepartie.

Les députés demandent que les CCP ne soient pas entièrement financés par les utilisateurs et que leurs systèmes de gestion des risques ne soient pas mis en concurrence ainsi que de prévoir des réglementations prudentielles pour les coûts de la compensation. Ils invitent la Commission à en tenir compte dans sa proposition législative et à fixer des règles de gouvernance et de propriété pour les chambres de compensation pour ce qui est notamment de l'indépendance des directeurs, de la qualité de membre et du contrôle étroit des autorités de régulation.

Les députés demandent également des règles relatives à la conduite des affaires et à l’accès régissant les CCP afin de garantir un accès non discriminatoire aux systèmes de négociation, et demandent que les problèmes à régler incluent notamment les pratiques discriminatoires en matière de fixation des prix.

Référentiels : le Parlement soutient l’introduction de référentiels pour toutes les positions de produits dérivés, avec idéalement une distinction par catégorie d’actifs, et soumis à la régulation et à la surveillance de l’AEMF. Il demande des règles de procédure contraignantes afin d’éviter les distorsions de concurrence et assurer une interprétation uniforme dans les États membres. La Commission devrait veiller à ce que les autorités de surveillance nationales aient accès en temps réel aux données granulaires des référentiels relatives aux acteurs du marché situés dans leur juridiction, aux données relatives au risque systémique potentiel pouvant apparaître dans leur juridiction ainsi qu'aux données agrégées de tous les référentiels, y compris celles des référentiels situés dans des pays tiers.

La Commission est invitée à : i) élaborer des normes en matière d’information pour tous les produits dérivés, conformes à celles établies au plan international, à en garantir le transfert vers les référentiels centraux, les CCP, les plateformes d’échanges et les établissements financiers ; ii) élaborer des mesures permettant aux autorités de régulation de fixer des limites de position afin de lutter contre les fluctuations de prix disproportionnées et les bulles spéculatives; iii) garantir que l’évaluation de tous les produits dérivés qui ne sont pas négociés sur des plateformes d’échanges soit réalisée de manière indépendante et transparente afin d’éviter tout conflit d’intérêt.

La résolution souligne la nécessité de clarifier, en coopération étroite avec les autorités de régulation nationales, tous les détails techniques, en particulier concernant les normes et la distinction entre les produits des marchés financiers et ceux ne relevant pas des marchés financiers.

Les députés soutiennent par ailleurs l’intention de la Commission d’établir des CCP en vertu de normes européennes agréées sous la surveillance de l’AEMF. Ils demandent que les acteurs décisifs du marché n'exercent pas un contrôle influent sur la gouvernance et la gestion des risques des CCP mais qu'ils siègent dans l'organe de gestion des risques. Ils insistent sur la nécessité de se doter de normes réglementaires pour garantir que les CCP résistent à une plus large gamme de risques, y compris aux échecs relatifs à des acteurs multiples, aux ventes soudaines de ressources financières et à une réduction rapide des liquidités du marché.

La résolution demande en outre des règles de conduite professionnelle claires et des normes contraignantes indispensables pour la création de CCP (participation des utilisateurs), les processus décisionnels et les systèmes de gestion des risques des CCP.

Contrats d’échange sur défaut : les députés notent que les récents évènements impliquant des contrats d'échange sur défaut souverains, utilisés par des spéculateurs financiers, ont conduit à des niveaux élevés injustifiés de plusieurs marges nationales. Ces évènements et pratiques ont mis en évidence le besoin d'une transparence accrue du marché et d'une réglementation européenne renforcée concernant la négociation des contrats d'échange sur défaut, en particulier des contrats relatifs à des dettes souveraines.

Le Parlement demande en priorité que les contrats d’échange sur défaut soient soumis à une compensation centrale indépendante et que le plus de produits dérivés possible fassent l’objet d’une compensation centrale par les CCP. Ils sont d’avis que certains types de produits dérivés impliquant des risques cumulés, le cas échéant, peuvent être autorisés seulement sous condition, voire interdits au cas par cas.

La Commission est invitée à : i) enquêter d’urgence sur les niveaux de concentration sur les marchés de produits dérivés OTC, et en particulier dans les contrats d’échange sur défaut, afin d’assurer qu’il n’y ait pas de risque de manipulation du marché ou de conflit d’intérêt; ii) présenter des propositions législatives appropriées visant à réglementer les transactions financières impliquant la vente à découvert de produits dérivés afin d’assurer la stabilité financière et la transparence des prix. Entre-temps, les députés préconisent de traiter les contrats d’échange sur défaut (CDS) via une CCP européenne afin d’atténuer les risques de la contrepartie, d’augmenter la transparence et de réduire les risques généraux. Ils demandent que la protection des CDS ne soit payable que sur production et sur preuve d'un risque obligataire sous-jacent et qu'elle soit limitée au montant de ce risque.

Les députés sont d’avis que tous les produits dérivés financiers qui concernent les finances publiques dans l’UE (y compris la dette souveraine des États membres et les bilans des administrations locales) doivent être normalisés et négociés sur des plateformes d’échanges ou sur d’autres plateformes de négociation réglementées afin de promouvoir auprès du public la transparence des marchés de produits dérivés. Ils demandent en outre l’interdiction des activités CDS qui ne reposent pas sur des crédits mais sont de pures activités spéculatives pouvant mener à une intensification des risques systémiques en raison de réelles pertes de crédit. La Commission est invitée à examiner les limites supérieures liées aux risques pour les produits dérivés, en particulier pour les CDS, et de les déterminer en collaboration avec les partenaires internationaux.

La résolution demande que la régulation annoncée des produits dérivés contienne des dispositions visant à mettre un terme aux activités purement spéculatives sur les matières premières et les produits agricoles et à imposer des limites de position strictes, eu égard notamment à leur impact éventuel sur les prix des produits alimentaires de base dans les pays en développement et sur les quotas d’émissions de gaz à effet de serre.

Les députés saluent enfin l'intention de la Commission de présenter dès la mi-2010 des propositions législatives relatives aux chambres de compensation et aux référentiels centraux et de présenter des propositions législatives sur les CDS.