Politique industrielle à l'ère de la mondialisation

2010/2095(INI)

La commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie a adopté un rapport d’initiative de Bernd LANGE (S&D, DE) sur une politique industrielle à l'ère de la mondialisation.

Le rapport note que la désindustrialisation de l'Europe est une réalité qui met en danger sa position technologique et économique étant donné le renforcement de la mondialisation et la concurrence intense des pays en développement rapide. Pour surmonter les effets de la crise et faire face à ces défis, l'Union a besoin d'une politique industrielle qui allie compétitivité, durabilité et travail décent et soit parallèlement à même de relancer l'économie, de stimuler l'emploi, de diminuer la dégradation de l'environnement et d'améliorer la qualité de la vie.

1) Nouvelle approche en matière de politique industrielle durable : les députés se félicitent que la Commission reconnaisse, au travers de la stratégie Europe 2020 et de la communication sur une politique industrielle intégrée de l'UE, l'importance d'une base industrielle, notamment manufacturière, prospère pour une croissance durable et pour l'emploi en Europe et qu'elle s'engage en faveur d'une politique industrielle intégrée fondée sur le principe d'une économie sociale de marché.

Au regard des défis qui se posent au niveau mondial, les députés jugent capital que l'efficacité énergétique et l'efficacité des ressources soient au cœur du renouveau industriel européen. La Commission et les États membres sont invités à élaborer une stratégie industrielle européenne ambitieuse, écologiquement efficace et verte de manière à rétablir la capacité productive dans l'ensemble de l'Union et à créer des emplois hautement qualifiés et bien rémunérés au sein de l'Union.

Le rapport souligne que la clef de la réussite d'une nouvelle politique industrielle durable est une approche intégrée et transsectorielle s'appuyant sur des initiatives sectorielles et horizontales, fondées sur des analyses économiques objectives, relatives à des thèmes communs ayant un impact fort sur un certain nombre de secteurs et donnant des résultats tangibles aux entreprises et aux consommateurs, aux niveaux européen, national, régional et local.

2) Financement : les députés exigent un financement ambitieux de la politique industrielle et des infrastructures  (notamment des infrastructures de recherche, de l'énergie, des télécommunications et des transports). Ils jugent indispensable le lancement d'obligations européennes - Eurobonds ou Project bonds - pour permettre à l'Union de financer l'innovation, les infrastructures et la réindustrialisation.

3) Créer une chaîne de l'innovation : le rapport souligne que l'innovation est le principal moteur de la politique industrielle et que toute initiative en faveur de l'innovation doit reposer sur une définition générale de l'innovation comprenant notamment les produits et les systèmes de production, les services, la formation, les processus, l'organisation, la qualité, la gestion, la transmission et la protection. Elle doit en particulier porter sur la conception, la fabrication et la composition des produits et services, ainsi que sur l'ensemble de la chaîne de processus et sur la valeur ajoutée, par des aides à l'innovation jusque dans les phases de pré-commercialisation du produit.

Les députés demandent en priorité une augmentation importante des dépenses de recherche pour la prochaine période de financement qui débutera en 2013 (8e PCRD) (objectif de l'Union: 3% du PIB en recherche et développement, 1% du PIB en termes de financements publics) et suggèrent que l'accent soit mis sur les nouvelles technologies fondamentales génériques. Le secteur privé doit lui aussi augmenter sa participation au financement de la recherche et du développement : la Commission est invitée à étudier ce qui fait obstacle à ce que les entreprises européennes investissent les mêmes montants que leurs homologues internationaux (ex : les États-Unis), et à prendre les mesures qui s'imposent.

Le rapport demande que soit étudiée la mise en œuvre de nouveaux mécanismes permettant de pallier le manque de financement des entreprises européennes et en particulier des PME. Ces mécanismes devront, entre autres, être constitués des outils suivants: i) un Fonds européen pour le financement de l'innovation (FEFI), dont le rôle serait d'investir dans les phases d'amorçage et de développement, par l'instrument du capital-risque ; ii) un Fonds européen pour les brevets, facilitant les transferts de technologie entre les centres de recherche et les entreprises, en particulier les PME innovantes.

Les députés invitent la Commission à créer un environnement propice aux entreprises en phase de start-up et demandent que l'Union apporte des réponses à la fragmentation du marché européen du capital-risque en proposant un régime communautaire garantissant la constitution de fonds paneuropéens.

4) Renforcer l’utilisation efficace des ressources : les députés sont convaincus qu'une utilisation des ressources nettement plus efficace en ce qui concerne les matières premières et auxiliaires et les réserves renforcera la position concurrentielle de l'industrie européenne. Ils invitent la Commission à proposer, sur la base de sa communication relative à la stratégie en matière de ressources, une politique ambitieuse de l'Union en matière d'utilisation efficace des ressources en tant que priorité, au travers d'un plan d'action ou, le cas échéant, d'une directive sur l'utilisation efficace des ressources.

La Commission est invitée à proposer, au cours du premier semestre 2011, une stratégie ambitieuse et globale pour les matières premières qui devrait notamment prévoir: i) des études d'impact périodiques et des prévisions concernant la demande de matières premières et de leurs conséquences pour l'économie de l'UE et les entreprises : ii) une surveillance des prévisions de production des pays tiers ainsi que des conditions de fonctionnement des marchés mondiaux des matières premières.

La commission parlementaire estime qu'une politique industrielle doit avant tout réorienter l'action menée dans le domaine de l'énergie en faveur d'une politique fondée sur la demande, l'autonomie des consommateurs et le découplage de la croissance économique et de l'utilisation d'énergie. La politique industrielle devrait contribuer à créer des conditions de marché favorisant les économies d'énergie importantes ainsi que les investissements en matière d'efficacité énergétique, l'exploitation d'un large éventail de sources d'énergie renouvelables ainsi que de technologies capitales sous l'angle de la mobilité du stockage.

Les secteurs des transports et de la construction, en particulier, doivent mener une politique d'économie d'énergie active et pratiquer la diversification au profit de sources d'énergie durables, non polluantes et sûres. La Commission est invitée à veiller à l'instauration, vers la mi-2011 au plus tard, de conditions-cadres pour le développement de véhicules électriques.

Le rapport rappelle le potentiel considérable en matière de création d'emplois et les avantages en termes de réduction des coûts qui sont liés aux améliorations de l'efficacité énergétique. L'adoption de mesures garantissant l'amélioration de l'efficacité énergétique devrait dès lors sous-tendre les initiatives dans tous les secteurs industriels. Les députés insistent également pour que tous les efforts soient déployés pour combler les lacunes en matière de compétences à tous les niveaux, afin de promouvoir la qualification de la main-d'œuvre et de revaloriser l'industrie auprès des jeunes diplômés.

5) Une concurrence équitable : les députés veulent mettre les instruments du marché intérieur au service de la politique industrielle européenne afin de favoriser l'émergence de grands champions européens constituant des références mondiales dans leurs secteurs d'activité comme Galileo ou SESAR. Ils demandent que l'Union n'impose pas à ses entreprises de contraintes trop asymétriques par rapport à celles supportées dans les pays tiers.

Le rapport souligne la nécessité que l'Union garantisse à ses entreprises l'ouverture réciproque des marchés publics dans le cadre de la négociation des accords bilatéraux et multilatéraux avec les pays tiers tout en rendant plus efficace l'usage des instruments de défense commerciale par les PME pour lutter contre les pratiques de dumping monétaire, social, écologique, le piratage, la contrefaçon et la copie illégale.

Les députés demandent que l'Union impose l'indication du pays d'origine de certains produits importés de pays tiers, et soulignent la nécessité d’une réglementation européenne du marquage d'origine (made in).

6) Une culture industrielle durable : les parlementaires soulignent l’importance de créer les conditions pour que les entreprises demeurent en Europe et pour améliorer encore la compétitivité du continent dans le monde. Á cet égard, il convient de maintenir et de renforcer la position de l'Europe sur la scène industrielle mondiale, notamment au vu des nouvelles perspectives ouvertes par les engagements pris par l'Union en matière d'investissements, par exemple dans les domaines des changements climatiques et de l'énergie.

Les députés demandent également d’intensifier en vue de parvenir à l'élaboration rapide d'un brevet communautaire unique garantissant une protection juridique peu coûteuse, efficace et de grande qualité ainsi qu'un système européen harmonisé de règlement des litiges en matière de brevets.

Rappelant que l'achèvement du marché intérieur est essentiel à la compétitivité et à la croissance de l'industrie européenne, le rapport souligne que les industries européennes nécessitent un cadre adéquat pour créer et développer des produits et des services au niveau européen. Il encourage les États membres à jouer un rôle plus actif dans la gestion du marché unique, en améliorant la coopération entre les autorités nationales et en renforçant la transposition, l'application et le respect des règles régissant le marché unique sur le terrain.

Les députés soulignent la nécessité de prendre en compte les spécificités des PME et des entreprises artisanales dans le système européen de normalisation, notamment en termes de réduction du coût d'accès aux normes, de diffusion des normes et de soutien financier. Ils recommandent également d'investir dans les ressources humaines du secteur industriel européen, en privilégiant notamment le dialogue social sectoriel pour gérer les changements structurels entraînés par la mondialisation.

7) Secteurs industriels : les députés demandent que les recommandations des approches sectorielles existantes (task forces, groupes de haut niveau, plateformes technologiques et d'innovation telles que Cars 21) soient mises en œuvre en tenant compte des besoins des secteurs, approfondies de manière comparable par la Commission en collaboration avec toutes les parties prenantes, et que de nouvelles initiatives sectorielles soient lancées dans d'autres secteurs appropriés. Les approches sectorielles devraient être examinées du point de vue de leur durabilité eu égard aux objectifs de l'Union en matière de climat et d'énergie et aux objectifs ambitieux en matière d'efficacité des ressources,

En outre, les députés soutiennent la stratégie de la Commission pour améliorer la compétitivité du secteur touristique par des mesures relatives à la qualité, à la durabilité et au renforcement de l'image de l'Europe comme destination touristique.

8) Régions : rappelant que les structures régionales contribuent pour beaucoup au renforcement de l'industrie européenne, les députés estiment que les pôles de compétitivité et les réseaux d'innovation (entreprises, universités, centres de recherche, services technologiques, établissements d'enseignement, etc.) jouent un rôle décisif dans les décisions d'investissement. Ainsi, les pôles de compétitivité européens et les nouveaux partenariats de l'innovation qui doivent être lancés en 2011 dans le cadre de l'initiative « Union pour l'innovation », en particulier dans le domaine des technologies clés génériques, méritent d’être davantage soutenus. Cela permettrait de promouvoir de façon coordonnée le transfert de connaissances et de technologies et la recherche, d'améliorer la formation et les infrastructures, ce qui devrait également constituer une priorité du Fonds européen de développement régional.