Établissements financiers: exigences de fonds propres pour le portefeuille de négociation et pour les retitrisations; surveillance prudentielle des rémunérations

2009/0099(COD)

Le Parlement européen a adopté par 625 voix pour, 28 voix contre et 37 abstentions, une résolution législative sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE en ce qui concerne les exigences de fonds propres pour le portefeuille de négociation et pour les retitrisations, et la surveillance prudentielle des politiques de rémunération.

Le Parlement a arrêté sa position en première lecture suivant la procédure législative ordinaire (l’ex-procédure de codécision). Les amendements adoptés en plénière sont le résultat d’un compromis négocié entre le Parlement européen et le Conseil. Ils modifient la proposition de la Commission comme suit :

Principes pour une politique de rémunération saine : le texte amendé souligne que la nouvelle obligation relative aux politiques et aux pratiques de rémunération doit être mise en œuvre d'une manière cohérente et qu'elle doit couvrir tous les aspects de la rémunération, y compris les salaires, les prestations de pension discrétionnaires et toutes autres prestations similaires. Dans ce contexte, on entend par « prestations de pension discrétionnaires » des paiements discrétionnaires octroyés par un établissement de crédit à un employé, à titre individuel, qui sont versés en lien avec la retraite ou dans l'attente de celle-ci et peuvent être assimilés à une rémunération variable.

Il s’agit de définir des principes clairs pour une rémunération saine afin que la structure de rémunération n'encourage pas les prises de risques excessives par les individus ou n'engendre pas des risques moraux et soit compatible avec la propension au risque, les valeurs et les intérêts à long terme de l'établissement. Ces principes sont les suivants :

  • la politique de rémunération doit être conforme à la stratégie économique, aux objectifs, aux valeurs et aux intérêts à long terme de l'établissement de crédit et doit comprendre des mesures visant à éviter les conflits d'intérêts ;
  • lorsque la rémunération varie en fonction des performances, l'évaluation des performances doit s'inscrire dans un cadre pluriannuel afin de garantir que le processus d'évaluation porte bien sur les performances à long terme et que le paiement effectif des composantes de la rémunération qui dépendent des performances s'échelonne sur une période tenant compte de la durée du cycle économique sous-jacent de l'établissement de crédit et de ses risques économiques. Le volume total des rémunérations variables ne doit pas limiter  la capacité de l'établissement de crédit à renforcer son assise financière ;
  • afin de minimiser les incitations à la prise de risques excessifs, la rémunération variable doit représenter un pourcentage équilibré de la rémunération totale. Il est essentiel que le salaire fixe d'un employé représente une part suffisamment importante de sa rémunération totale pour qu'une liberté complète puisse être exercée en matière de politique de rémunération variable, et notamment la possibilité de ne verser aucune rémunération variable. Une rémunération variable garantie n'étant pas compatible avec une bonne gestion des risques ou le principe de la rémunération en fonction des résultats, il y a lieu de l'interdire d'une manière générale ;
  • le paiement d'une part appréciable, égale à au moins 40% de la composante variable de la rémunération doit être reporté pendant une durée qui n'est pas inférieure à trois à cinq ans et cette part doit tenir compte correctement de la nature de l'entreprise, de ses risques et des activités du salarié en question. La rémunération due en vertu d'accords de report ne doit pas être acquise plus vite qu'au prorata. Si la composante variable de la rémunération représente un montant particulièrement élevé, le paiement d'au moins 60% de ce montant doit être reporté;  la durée du report doit être établie en fonction du cycle économique, de la nature des activités, des risques associés à celles-ci et des activités du salarié en question ;
  • une part importante, égale à 50% au moins de toute rémunération variable, doit être composée d'un équilibre entre: i) des actions ou participations équivalentes au capital, en fonction de la structure juridique de l'établissement de crédit concerné ou, si l'établissement de crédit n'est pas coté en bourse, des instruments liés aux actions, ou des instruments non numéraires équivalents, et ii) s'il y a lieu, d'autres instruments qui reflètent convenablement la qualité de crédit de l'établissement de crédit en exploitation continue ;
  • dans le cas d'établissements de crédit qui bénéficient de l'intervention exceptionnelle des pouvoirs publics: i) la rémunération variable doit être strictement limitée à un pourcentage des revenus nets lorsqu'elle n'est pas compatible avec le maintien d'une assise financière saine et une sortie en temps voulu du programme d'aide gouvernementale ; ii) les autorités compétentes concernées doivent exiger des établissements de crédit qu'ils restructurent les rémunérations d'une manière qui soit conforme à une gestion saine des risques et à une croissance à long terme, en fixant des limites à la rémunération des dirigeants ; iii) aucune rémunération variable ne devrait être versée aux dirigeants de cet établissement, sauf si cela est justifié.

Ces principes doivent être appliqués par les établissements de crédit aux niveaux du groupe, de l'entreprise mère et des filiales, y compris celles qui se trouvent établies dans des centres financiers extraterritoriaux.

Réexamen : au plus tard en avril 2013, la Commission devra réexaminer et présenter un rapport sur les dispositions relatives à la rémunération en se focalisant en particulier sur  leur efficacité, leur mise en œuvre et leur application, en prenant en considération l'évolution de la situation internationale, notamment toute nouvelle proposition du Conseil de stabilité financière et la mise en œuvre des principes dans d'autres juridictions, y compris le lien entre la mise en place de rémunérations variables et les prises de risques excessives.

Ce réexamen devra identifier toutes les lacunes découlant de l'application du principe de proportionnalité à ces dispositions. La Commission présentera ce rapport au Parlement européen et au Conseil, en l'assortissant de toute proposition appropriée.

Améliorer le gouvernement d'entreprise, la transparence et l'information : le texte souligne que des structures de bonne gouvernance, la transparence et la divulgation d'informations sont indispensables pour garantir des politiques de rémunération saines. Le compromis prévoit les mesures suivantes :

  • les établissements de crédit et les entreprises d'investissement qui sont importants en raison de leur taille, de leur organisation interne, ainsi que de la nature, de la portée et de la complexité de leurs activités, doivent être tenus de créer un comité de rémunération faisant partie intégrante de leur structure de gouvernance et de leur organisation. La rémunération des hauts responsables en charge des fonctions de gestion des risques et de conformité sera directement supervisée par le comité de rémunération;
  • afin d'assurer, vis-à-vis du marché, une transparence suffisante de leurs structures de rémunération et du risque qui y est associé, les établissements de crédit et les entreprises d'investissement doivent publier des informations détaillées sur leurs politiques de rémunération, sur leurs pratiques ainsi que, pour des raisons de confidentialité, sur les montants agrégés destinés à leurs employés dont les activités ont une incidence significative sur le profil de risque de l'établissement. Ces informations doivent être mises à la disposition de toutes les parties prenantes (actionnaires, employés et grand public).

Étalonnage à l'échelle nationale et européenne :  afin d'accroître davantage la transparence des pratiques de rémunération des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, les autorités compétentes des États membres devront collecter des informations sur les rémunérations pour classer les tendances en matière de rémunération en fonction des catégories d'informations quantitatives que ces établissements sont tenus de fournir en vertu de la présente directive. Les autorités compétentes devront communiquer ces informations au comité européen des contrôleurs bancaires (CECB) pour lui permettre d'effectuer des évaluations similaires au niveau de l'Union.

Les autorités compétentes de l'État membre d'origine devront recueillir des informations relatives au nombre de personnes par établissement de crédit se situant dans des tranches de rémunération de 1.000.000 EUR et plus, y compris le domaine d'activités concerné, ainsi que les principaux éléments du salaire, les primes, les indemnités à long terme et les cotisations de pension. Ces informations seront transmises au CECB et il publiera ces informations sur une base agrégée par État membre d'origine, sous une présentation commune. Le CECB pourra élaborer des lignes directrices pour faciliter la mise en œuvre et garantir la cohérence des informations collectées.

Mise en œuvre des accords de Bâle (exigences de fonds propres pour le portefeuille de négociation et la retitrisation) : le compromis introduit des amendements en précisant les points suivants :

1°) la présente directive prévoit des exceptions limitées pour certaines activités de négociation des corrélations, dans le cadre desquelles l'autorité de surveillance peut autoriser les banques à calculer une exigence globale de fonds propres pour risque soumise à des exigences minimales strictes. En pareil cas, la banque sera tenue de les soumettre à une exigence de fonds propres égale au plus élevé des deux montants suivants, soit l'exigence de fonds propres selon cette méthode développée de manière interne, soit 8% de l'exigence de fonds propres pour risque spécifique selon la méthode standardisée. Elle ne sera pas tenue de soumettre ces expositions à l'exigence de fonds propres pour les risques supplémentaires. Elle devra toutefois les incorporer dans les mesures de valeur en risque et de valeur en risque en situation de crise ;

2°) l'article 152 de la directive 2006/48/CE impose à certains établissements de crédit de prévoir, durant les trois périodes de douze mois entre le 31 décembre 2006 et le 31 décembre 2009, des fonds propres au moins égaux à certains montants minimaux spécifiés. Compte tenu de la situation régnant actuellement dans le secteur bancaire et de la prorogation des dispositions transitoires en matière de capital minimal adoptées par le comité de Bâle sur le contrôle bancaire, cette exigence doit être renouvelée pour une durée limitée jusqu'au 31 décembre 2011 ;

3°) afin de ne pas dissuader les établissements de crédit d'adopter l'approche fondée sur les notations internes ou l'approche par mesure avancée pour le calcul des exigences de fonds propres pendant la période transitoire en raison du coût déraisonnable et disproportionné de leur mise en œuvre, les établissements de crédit passant à ces méthodes de calcul depuis le 1er janvier 2010, après avoir précédemment calculé leurs exigences de fonds propres selon des méthodes moins sophistiquées pourront, sous réserve de l'accord des autorités de surveillance, être autorisées à faire usage de méthodes moins sophistiquées pour fonder leur calcul du plancher transitoire. Les autorités compétentes devront surveiller étroitement leurs marchés, garantir des conditions de concurrence égales au sein de tous leurs marchés et segments de marché et éviter les distorsions du marché intérieur.

Un contrôle parlementaire plus fort : le texte souligne que les mesures prévues par la directive constituent des étapes dans le processus de réforme en vue de faire face à la crise financière.

Dans le prolongement des conclusions du G20, du Conseil de stabilité financière et du comité de Bâle sur le contrôle bancaire, d'autres réformes peuvent s'imposer, y compris la nécessité de constituer des tampons de capitaux anticycliques, le « provisionnement dynamique », la logique qui est à la base du calcul des exigences de fonds propres prévu par la directive 2006/48/CE et des mesures supplémentaires concernant les exigences basées sur le risque pour les établissements de crédit, afin de contribuer à la limitation du développement de l'effet de levier dans le système bancaire. Pour garantir un contrôle démocratique approprié du processus, le Parlement européen et le Conseil devraient être impliqués efficacement et en temps utile.