Détachement intragroupe: conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers

2010/0209(COD)

OBJECTIF: établir les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers dans le cadre d'un détachement intragroupe.

ACTE PROPOSÉ : Directive du Parlement européen et du Conseil

CONTEXTE : ces dernières années, la mondialisation des entreprises, l'intensification des échanges commerciaux internationaux, la croissance et l'expansion des multinationales ont eu pour effet d'accroître l'importance des mouvements des personnels d'encadrement et technique des filiales des entreprises multinationales. Or, un certain nombre d'éléments limitent actuellement les possibilités offertes aux entreprises internationales de recourir à la mobilité intragroupe. De nombreuses multinationales souhaitant détacher du personnel se heurtent à une certaine rigidité et à des contraintes, dont notamment l'absence de régimes particuliers clairs dans la plupart des États membres de l'UE.

C’est la raison pour laquelle la Commission propose un projet de directive qui s'inscrit dans le cadre des efforts déployés par l'UE pour élaborer une politique globale en matière de migrations et destinée à faciliter la mobilité des personnels intragroupe. Elle fait suite à la communication de la Commission sur le «Programme d'action relatif à l'immigration légale» et au Pacte européen sur l'immigration et l'asile adopté par le Conseil en octobre 2008. La proposition s’insère enfin dans le programme de Stockholm adopté par le Conseil en décembre 2009.

ANALYSE D’IMPACT : les options suivantes ont été envisagées :

  • Option 1: Statu quo : les évolutions actuelles dans les États membres se poursuivraient dans le cadre juridique existant.
  • Option 2: directive relative aux conditions d'entrée et de séjour des personnes faisant l'objet d'un détachement intragroupe : la législation de l'UE fournirait une définition commune des personnes faisant l'objet d'un détachement intragroupe. Elle établirait des critères d'entrée harmonisés, un éventail commun de droits, une durée de séjour maximum et comporterait des dispositions relatives au respect de certains droits sociaux et économiques. Cependant, les règles procédurales et relatives aux droits familiaux varieraient d'un État membre à l'autre et la mobilité au sein de l'Union ne serait pas assurée.
  • Option 3: directive encadrant la mobilité dans l'UE des personnes faisant l'objet d'un détachement intragroupe : outre les points couverts par l'option 2, des dispositions seraient introduites afin de permettre aux personnes concernées de se déplacer dans l'Union et de travailler dans plusieurs établissements situés dans différents États membres. Le détachement rapide et simple de membres du personnel d'entreprises de pays tiers vers des entreprises de l'Union ne serait toutefois pas garanti et les questions liées à la famille ne seraient pas traitées.
  • Option 4: directive facilitant le regroupement familial et l'accès à l'emploi pour les conjoints : le regroupement familial ne serait pas subordonné à l'obtention d'un droit de résidence permanente et à la condition que la personne détachée ait séjourné dans le pays pendant une période minimum. Des titres de séjour seraient accordés plus rapidement aux membres de la famille et les entreprises pourraient être en mesure d'inciter plus facilement leur personnel à accepter un détachement intragroupe. Cependant, l'octroi du droit de travailler aux conjoints pourrait être en conflit avec l'application de la préférence communautaire.
  • Option 5: directive établissant des procédures d'admission communes : un document unique serait délivré permettant à son titulaire de travailler en tant que personne faisant l'objet d'un détachement intragroupe et de séjourner sur le territoire de l'État membre. Parallèlement, un délai maximal serait fixé pour le traitement des demandes (par exemple, un mois). Cette option faciliterait et accélérerait considérablement les détachements de personnel clé et réduirait le temps et les coûts nécessaires pour inciter le personnel à accepter un détachement intragroupe.
  • Option 6: communication, coordination et coopération entre États membres : cette option contribuerait à rapprocher les pratiques nationales en matière de détachements intragroupe. Toutefois, en l'absence de mesures obligatoires, l'impact en serait limité.

Une comparaison des différentes options conduit à privilégier une combinaison des options 2, 3, 4 et 5. Une définition harmonisée de la notion de «personne faisant l'objet d'un détachement intragroupe» et des conditions harmonisées d'entrée et de séjour, des dispositions garantissant certains droits sociaux et économiques (option 2), une mobilité au sein de l'UE (option 3), des droits familiaux renforcés (option 4) et des procédures accélérées (option 5) contribueraient à bâtir un régime spécifique pour les personnes concernées.

BASE JURIDIQUE : article 79, par. 2, points a) et b) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

CONTENU : la proposition instaure une procédure transparente et simplifiée pour l'admission des personnes faisant l'objet d'un détachement intragroupe, qui repose sur une définition commune et des critères harmonisés : la personne détachée devrait occuper un poste de cadre, d'expert ou de stagiaire diplômé ; elle devrait avoir travaillé dans le même groupe d'entreprises pendant au moins 12 mois, si l'État membre l'exige. Un titre de séjour spécifique (portant la mention «personne faisant l'objet d'un détachement intragroupe») serait délivré à cette catégorie de personnes, qui les autoriserait à effectuer leur mission dans diverses entités appartenant à la même entreprise transnationale, voire, sous certaines conditions, dans des entités situées dans d'autres États membres. Ce permis leur accorderait en outre des conditions favorables en vue d'un regroupement familial.

Les principales dispositions du régime peuvent se résumer comme suit :

Chapitre I : Dispositions générales :

Objet : la proposition de directive poursuit 2 objectifs majeurs :

  • établir une procédure spéciale régissant l'entrée et le séjour, ainsi que des normes concernant la délivrance, par les États membres, de titres de séjour aux ressortissants de pays tiers demandant à séjourner dans l'Union aux fins d'un détachement intragroupe ;
  • définir les droits des ressortissants de pays tiers qui séjournent légalement dans un État membre en vertu de la proposition, et déterminer les conditions dans lesquelles ils sont autorisés à séjourner dans d'autres États membres.

Définition : dans le contexte de la directive, le «détachement intragroupe» doit se comprendre comme l'affectation temporaire d'un ressortissant de pays tiers employé par une entreprise établie en dehors du territoire d'un État membre et à laquelle ce ressortissant est lié par un contrat de travail, dans une entité appartenant à ladite entreprise ou au même groupe d'entreprises établi sur ce territoire.

Champ d’application : la proposition de directive ne s'applique qu'aux ressortissants de pays tiers qui résident en dehors du territoire d'un État membre et qui demandent à être admis sur le territoire d'un État membre dans le cadre d'un détachement intragroupe. Pour éviter tout risque de chevauchement avec la directive 2005/71/CE relative aux chercheurs ressortissants de pays tiers, ces derniers sont expressément exclus du champ d'application de la directive. Celle-ci exclut également les personnes qui bénéficient d'un droit à la libre circulation équivalent à celui qui est accordé aux citoyens de l'Union ou qui sont employées par une entreprise établie dans un pays tiers ainsi que les ressortissants de pays tiers détachés par des entreprises établies dans un État membre dans le cadre d'une prestation de services conformément à la directive 96/71/CE.

Conditions plus favorables : des dispositions sont prévues afin de permettre aux États membres de conserver ou d'introduire des dispositions plus favorables aux ressortissants de pays tiers (notamment, à l’égard des membres de la famille).

Chapitre II: Conditions d'admission :

Critères d’admission : la directive fixe les conditions que les demandeurs doivent remplir. Celles-ci peuvent se résumer comme suit :

  • des pièces doivent être produites pour démontrer que le détachement intervient effectivement entre entités d'un même groupe d'entreprises ;
  • un document décrivant les tâches assignées et mentionnant la rémunération devra être fourni. Ce document devra prendre généralement la forme d'une lettre de mission. Il devra indiquer le ou les lieux de la mission et sa durée, et apporter la preuve que la personne détachée occupera un poste dans l'entité hôte en tant que cadre, expert ou stagiaire diplômé ;
  • les États membres pourront exiger que les personnes concernées possèdent une ancienneté de 12 mois acquise dans le groupe d'entreprises ;
  • le dispositif envisagé portant spécifiquement sur la migration temporaire, le demandeur devra apporter la preuve que le ressortissant de pays tiers pourra retourner dans une entité appartenant au même groupe et établie dans un pays tiers au terme de sa mission ;
  • le ressortissant de pays tiers devront remplir les obligations imposées par la législation nationale aux citoyens de l'Union pour l'exercice de la profession réglementée mentionnée dans la lettre de mission et, en qui concerne les professions non réglementées, produire des documents détaillant ses qualifications professionnelles (généralement, un C.V.). Pour ce qui concerne les stagiaires diplômés, le demandeur devra présenter des pièces justifiant l'obtention du diplôme de l'enseignement supérieur requis ;
  • les ressortissants de pays tiers qui demandent à être admis en tant que stagiaire diplômé devront produire des documents attestant qu'ils effectueront un véritable stage et ne seront pas employés comme travailleurs normaux. Des conventions de stage devront donc être conclues, comportant une description du programme de stage, sa durée et les conditions dans lesquelles le travail des stagiaires sera supervisé;
  • si le détachement concerne plusieurs lieux dans différents États membres, le demandeur devra en informer les autorités compétentes dont relèvent les entités hôtes secondaires pour faciliter les contrôles. Aucun examen du marché de l'emploi ne sera requis. Toutefois, le principe de la préférence communautaire devra s’appliquer, notamment à l’égard des nouveaux États membres.

Motifs de refus : des dispositions énoncent les motifs obligatoires et possibles de refus (ainsi que de retrait et de non-renouvellement), notamment le non-respect des critères, des sanctions prises contre l'employeur pour travail non déclaré ou emploi illégal, conformément à la directive 2009/52/CE relative aux sanctions, et l'existence de quotas. En cas d'inobservation des conditions fixées à la directive, les États membres devront prévoir des sanctions adéquates, comme des amendes, à infliger à l'entité hôte tenue pour responsable.

Chapitre III : Procédure et permis

  • Demande d’admission : les demandeurs qui satisfont aux critères d'admission recevront un titre de séjour particulier, autorisant le titulaire à travailler en tant que personne faisant l'objet d'un détachement intragroupe dans les conditions énoncées à la directive. Aucun permis de travail complémentaire ne pourra être exigé.
  • Autorité compétente pour la délivrance des permis : une autorité compétente chargée de réceptionner les demandes et de délivrer les permis devra être désignée par chaque État membre. Cette désignation ne devrait pas empêcher les États membres de nommer d'autres autorités (par exemple, les bureaux consulaires) auprès desquelles le ressortissant de pays tiers ou l'entité hôte pourra déposer sa demande et qui pourront délivrer le permis.
  • Durée du séjour : la durée de validité du titre de séjour sera limitée à 3 ans pour les cadres et les experts et à un an pour les stagiaires diplômés. Un bref délai (30 jours) est imparti pour le traitement des demandes, assorti de plusieurs garanties procédurales, dont la possibilité de former un recours contre une décision rejetant une demande et l'obligation faite aux autorités de motiver leurs décisions de refus. Des informations relatives aux conditions d'entrée, y compris les conditions de travail, devront être accessibles.
  • Procédure accélérée : une procédure accélérée pourra être mise en place pour les groupes d'entreprises qui ont été agréés à cet effet.

Chapitre IV : Droits

  • Droits conférés par le permis : les droits conférés aux personnes faisant l'objet d'un détachement intragroupe en matière de conditions de travail seront alignés sur les doits dont bénéficient déjà les travailleurs détachés. Des dispositions sont également prévues pour garantir l'égalité de traitement dans un certain nombre de domaines (reconnaissance des diplômes, certaines branches de la sécurité sociale,…).
  • Membres de la famille : des dérogations à la directive 2003/86/CE sur le regroupement familial ont été introduites pour prévoir un régime suffisamment attrayant pour les personnes faisant l'objet d'un détachement intragroupe tout en suivant une logique différente que celle du regroupement familial. Il prévoit en particulier un regroupement familial immédiat dans le premier État de résidence. Les éventuelles mesures nationales d'intégration ne devront être appliquées qu'une fois les membres de la famille arrivés sur le territoire de l'UE.

Chapitre V : Mobilité : des dispositions sont prévues pour prévoir la mobilité géographique des personnes faisant l'objet d'un détachement intragroupe. Elles leur permettront de travailler dans plusieurs entités d'un même groupe transnational situées dans différents États membres. En conséquence, un ressortissant de pays tiers qui a été admis en qualité de personne faisant l'objet d'un détachement intragroupe pourra être autorisé à effectuer une partie de sa mission dans un autre État membre. Le second État membre devra être informé des principales conditions de cette mobilité. Il pourra exiger un titre de séjour si la durée du travail excède 12 mois mais ne pourra pas imposer à la personne de quitter son territoire pour présenter les demandes concernées.

Chapitre VI : Statistiques et obligation de rapport : un chapitre de la proposition fixe les obligations des États membres en ce qui concerne le partage des données statistiques pertinentes et des informations recueillies dans le cadre de la transposition de la directive. Il prévoit la création de points de contact nationaux chargés d’assurer les échanges d’information prévus à la directive et définit les obligations de rapport qui incombent à la Commission.

INCIDENCE BUDGÉTAIRE : la proposition n'a pas d'incidence sur le budget de l'UE.