Emploi saisonnier: conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers

2010/0210(COD)

OBJECTIF: établir les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi saisonnier.

ACTE PROPOSÉ : Directive du Parlement européen et du Conseil

CONTEXTE : les économies de l'UE sont confrontées à un besoin structurel de main-d'œuvre saisonnière que les travailleurs des États membres devraient être de moins en moins en mesure de satisfaire. Le besoin structurel de travailleurs peu qualifiés devrait continuer à augmenter et il devrait être de plus en plus difficile de couvrir ces besoins en recourant à des travailleurs ressortissants des États membres, principalement en raison du peu d'attrait que les emplois saisonniers présentent pour eux.

Il apparaît par ailleurs que certains travailleurs saisonniers originaires de pays tiers sont exploités et soumis à des conditions de travail ne répondant pas aux normes. Enfin, les secteurs de l'économie qui sont caractérisés par une forte présence de travailleurs saisonniers – notamment l'agriculture, l'horticulture et le tourisme – sont régulièrement cités comme étant les plus susceptibles d'employer des ressortissants de pays tiers en séjour illégal.

C’est la raison pour laquelle la Commission présente une proposition de directive qui s'inscrit dans le cadre des efforts déployés par l'UE pour élaborer une politique globale en matière de migrations. Elle fait suite à la communication de la Commission sur le «Programme d'action relatif à l'immigration légale» et au Pacte européen sur l'immigration et l'asile adopté par le Conseil européen en octobre 2008. La proposition s’insère enfin dans le programme de Stockholm adopté par le Conseil en décembre 2009.

ANALYSE D’IMPACT : les options suivantes ont été envisagées.

  • Option 1 : Statu quo : l'évolution en cours dans les États membres et au niveau de l'UE se poursuivrait dans le cadre juridique existant. Les employeurs seraient soumis à différentes obligations résultant de la directive 2009/52/CE sur les sanctions à l'encontre des employeurs. L'effet de cette option serait limité.
  • Option 2 - Directive relative aux conditions d'entrée et de séjour des travailleurs saisonniers et à leurs droits : des règles communes seraient établies, comprenant la définition du travail saisonnier, les critères d'admission, la durée maximale de séjour en tant que travailleur saisonnier, et des dispositions en matière d'égalité de traitement avec les travailleurs saisonniers ressortissants de l'UE. Cette option faciliterait l'établissement d'un cadre juridique commun applicable à tous les employeurs de l'UE et contribuerait à prévenir l'exploitation. Les travailleurs saisonniers resteraient toutefois confrontés à des procédures d'entrée divergentes et complexes.
  • Option 3 - Directive établissant des procédures d'admission communes : en complément de l'option 2, un permis unique de séjour et de travail destiné aux travailleurs saisonniers ressortissants de pays tiers serait émis dans le cadre d'une procédure unique. Des dispositions seraient prévues en vue de faciliter la réadmission d'un travailleur saisonnier les saisons suivantes. Les procédures d'embauche seraient plus efficaces et les employeurs de l'UE disposeraient d'une main-d'œuvre plus prévisible.
  • Option 4 - Directive instaurant des mesures visant à assurer un retour effectif : ces mesures comporteraient une limitation de la durée du séjour ainsi qu'une obligation explicite de retour à la fin de la période. Le dépassement par les travailleurs saisonniers de la durée de séjour autorisée serait empêché dans une certaine mesure. Les effets sur le fonctionnement du marché du travail de l'UE seraient négligeables. Les travailleurs saisonniers resteraient néanmoins confrontés à des procédures d'entrée divergentes et complexes.
  • Option 5 - Communication, coordination et coopération entre les États membres : aucune nouvelle législation ne serait introduite, mais des activités complémentaires et de soutien seraient organisées en vue de rapprocher les pratiques des États membres. Les effets seraient limités puisque les mesures ne seraient pas contraignantes.

L'option privilégiée est une combinaison des options 2, 3 et 4. Des critères d'admission communs, alliés à des procédures d'entrée simplifiées, et la perspective d'une réadmission la saison suivante (options 2 et 3) permettront une admission suffisamment souple pour fournir au marché du travail de l'UE les ressources nécessaires. Des éléments de l'option 4 devraient assurer le retour des travailleurs saisonniers dans leur pays et donc empêcher le dépassement des délais autorisés.

BASE JURIDIQUE : article 79, par. 2, points a) et b) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

CONTENU : la proposition prévoit une procédure d'admission accélérée pour les travailleurs saisonniers ressortissants de pays tiers, fondée sur une définition et des critères communs, notamment l'existence d'un contrat de travail ou d'une offre d'emploi ferme indiquant un salaire égal ou supérieur au niveau minimum. Les travailleurs saisonniers se verraient délivrer un permis de séjour leur permettant de travailler durant une période maximale par année civile.

Les principales dispositions du régime peuvent se résumer comme suit :

Chapitre I : Dispositions générales :

  • Objet : la proposition vise à instaurer une procédure spéciale pour l'entrée et le séjour des ressortissants de pays tiers qui demandent à séjourner dans l'UE afin d'y occuper un emploi saisonnier.
  • Champ d’application : les dispositions de la proposition s'appliquent uniquement aux ressortissants de pays tiers résidant en dehors du territoire des États membres. Aucune disposition ne concerne les demandes d'emploi saisonnier de travailleurs résidant dans un État membre. La proposition ne s'applique pas non plus aux ressortissants de pays tiers détachés par des entreprises établies dans un État membre dans le cadre d'une prestation de services conformément à la directive 96/71/CE.
  • Définition : la proposition définit la notion de « travail saisonnier » en la distinguant de celle de travail permanent et régulier, notamment en faisant appel à la notion de besoin accru de main-d'œuvre en raison d'un événement ou d'une succession d’événements, tels que la période de plantation ou de récolte en agriculture, ou la période des vacances … Les États membres peuvent déterminer les secteurs spécifiques de l'économie qui satisfont aux critères susmentionnés en matière de travail saisonnier.
  • Conditions plus favorables : la proposition permet aux États membres d'accorder des conditions plus favorables uniquement en ce qui concerne certaines dispositions spécifiques relatives aux garanties procédurales et au niveau des droits conférés aux travailleurs saisonniers, ainsi qu'en ce qui concerne les dispositions relatives à l'hébergement et au dépôt des plaintes.

Chapitre II: Conditions d'admission :

Critères d’admission : la proposition définit les critères auxquels un travailleur saisonnier ressortissant de pays tiers et son employeur doivent satisfaire. L'admission étant fonction de la demande, il est obligatoire de présenter un contrat de travail ou une offre d'emploi ferme. Le contrat de travail ou l'offre d'emploi ferme devra indiquer un niveau de rémunération afin que les autorités compétentes puissent déterminer si la rémunération proposée est comparable à celle qui est payée pour l'activité correspondante dans l'État membre concerné.

Le contrat de travail doit également préciser le nombre d'heures de travail hebdomadaire ou mensuel. Cette exigence vise à:

  • assurer que les employeurs fassent appel aux travailleurs saisonniers ressortissants de pays tiers uniquement en cas de besoin économique réel (capacités d'emploi suffisantes);
  • garantir un certain niveau fixe de rémunération aux travailleurs saisonniers et, le cas échéant, d'autres conditions de travail pertinentes telles que des assurances;
  • permettre un contrôle efficace par les autorités compétentes avant l'admission.

La demande doit également comporter la preuve que le travailleur saisonnier bénéficiera d'un hébergement approprié.

Motifs de refus : des dispositions énoncent les motifs de refus obligatoires et facultatifs, ainsi que les motifs de retrait et de non-renouvellement, en particulier le non-respect des critères d'admission, l'existence de quotas et la possibilité pour les États membres de procéder à un examen du marché de l'emploi. Le principe de la préférence communautaire est rappelé (notamment vis-à-vis des ressortissants des États membres ayant adhérés en 2004 et 2007).

Chapitre III: Procédure et calendrier

  • Accès à l’information : les États membres devront veiller à ce que les travailleurs saisonniers potentiels, ressortissants de pays tiers, et leurs employeurs aient accès aux informations pertinentes sur les conditions d'entrée et de séjour, y compris les droits conférés aux travailleurs saisonniers et aux informations sur tous les justificatifs nécessaires à la demande.
  • Autorité compétente pour la délivrance des permis : les États membres devront désigner une autorité compétente chargée de recevoir les demandes et de délivrer les permis.
  • Procédure unique : la demande d'autorisation de séjour et de travail en tant que saisonnier doit être introduite dans le cadre d'une procédure de demande unique. Les États membres devront préciser si les demandes doivent être introduites par le ressortissant de pays tiers ou son employeur.
  • Permis de travail saisonnier : les ressortissants de pays tiers pour lesquels une décision positive a été prise doivent recevoir un permis de travail de travailleur saisonnier. Ce permis doit porter la mention «travailleur saisonnier» et doit permettre tant le séjour que l'exercice du travail saisonnier spécifique autorisé, sans qu'un permis supplémentaire, notamment un permis de travail, ne soit nécessaire. En conséquence, pour les séjours d'une durée inférieure à 3 mois, les États membres sont tenus de délivrer un visa qui donne également au travailleur saisonnier le droit d'exercer l'activité professionnelle pour laquelle il a été admis.
  • Durée du séjour : la durée maximale de séjour est fixée à six mois par année civile. Cette limitation stricte de la durée de séjour devrait contribuer à garantir que les travailleurs ressortissants de pays tiers admis sont effectivement affectés à un travail qui est véritablement saisonnier, et non à un travail régulier. Une disposition prévoit expressément que, pendant la durée maximale de séjour, une prolongation du contrat ou un changement d'employeur dans le cadre d'un travail saisonnier est possible.
  • Permis pluri-saisonniers : des dispositions sont prévues pour promouvoir la migration circulaire des travailleurs saisonniers (à savoir leur déplacement entre un pays tiers et l'UE en vue de séjourner et travailler temporairement dans cette dernière). Ce type de migration est susceptible de bénéficier au pays d'origine, à l'État membre d'accueil et au travailleur saisonnier lui même. À cette fin, les États membres ont la possibilité de soit délivrer des permis pluri-saisonniers, soit appliquer une procédure simplifiée. Les permis pluri-saisonniers couvrent jusqu'à trois saisons et conviennent donc aux secteurs dans lesquels les besoins du marché du travail restent stables pendant un certain temps.
  • Sanctions : un ressortissant de pays tiers qui n'a pas respecté les obligations liées à un précédent séjour en tant que travailleur saisonnier doit être exclu de l'admission en tant que travailleur saisonnier pendant une ou plusieurs années. Un employeur qui n'a pas rempli les obligations résultant du contrat de travail doit être soumis à des sanctions et se voir refuser la possibilité d'engager des travailleurs saisonniers pendant au moins un an.
  • Procédure accélérée et garanties procédurales : une procédure accélérée (30 jours) est prévue pour l'examen des demandes. Les garanties procédurales incluent la possibilité de recours juridique à l'encontre d'une décision rejetant une demande, ainsi que l'obligation, pour les autorités, de fournir les motifs d'une telle décision.
  • Hébergement : les États membres doivent exiger des employeurs de travailleurs saisonniers qu'ils prouvent que le travailleur saisonnier disposera d'un hébergement lui assurant des conditions de vie décentes. Ceci couvre les cas dans lesquels l'employeur est tenu de fournir l'hébergement et les cas dans lesquels l'hébergement doit être fourni par un tiers.

Chapitre IV: Droits :

  • Droits attachés au permis de travail saisonnier : le permis de travail saisonnier donne à son titulaire le droit d'entrer et de séjourner sur le territoire de l'État membre qui l'a délivré, et d'y exercer l'activité professionnelle autorisée par le permis. La proposition définit les conditions de travail, notamment en matière de salaire, de licenciement, de santé et de sécurité au travail, applicables aux travailleurs saisonniers afin de garantir une sécurité juridique ;
  • Égalité de traitement : la proposition de directive accorde des droits aux travailleurs saisonniers ressortissants de pays tiers en déterminant des domaines dans lesquels l’égalité de traitement avec les travailleurs nationaux doit être garantie sous la forme d’une exigence minimale, sans préjudice du droit des États membres d’adopter ou de conserver des dispositions plus favorables (en conséquence, l'égalité de traitement s'applique en matière de liberté d'association et d’adhésion à une organisation de représentation des travailleurs). L'égalité de traitement s'applique également en matière de sécurité sociale et recouvre les prestations visées au règlement (CE) n° 883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (y compris droits à pension).
  • Plaintes : afin de garantir l'application effective de la directive, des dispositifs permettant le dépôt de plaintes doivent être mis en place. Ces dispositifs doivent être accessibles non seulement aux travailleurs saisonniers ressortissants de pays tiers mais aussi à des tiers désignés.

Chapitre V : Statistiques et obligations de rapport : un chapitre de la proposition fixe les obligations des États membres en ce qui concerne le partage des données statistiques pertinentes et des informations recueillies dans le cadre de la transposition de la directive. Il définit également les obligations de rapport de la Commission.

INCIDENCE BUDGÉTAIRE : la proposition n'a pas d'incidence sur le budget de l'UE.