OBJECTIF : mettre en place un système global d'obtention de preuves dans les affaires revêtant une dimension transfrontière, reposant sur un instrument unique dénommé « décision d'enquête européenne ».
ACTE PROPOSÉ : Initiative de la Belgique, de la Bulgarie, de l’Estonie, de l’Espagne, de l'Autriche, de la Slovénie et de la Suède en vue d'une directive du Parlement européen et du Conseil.
CONTEXTE : la décision-cadre 2003/577/JAI du Conseil relative à l'exécution dans l'Union européenne des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve a répondu à la nécessité d'une reconnaissance mutuelle immédiate des décisions visant à empêcher toute opération de destruction, de transformation, de déplacement, de transfert ou d'aliénation d'éléments de preuve. Cependant, étant donné que cet instrument est limité à la phase de gel, la décision de gel doit être accompagnée d'une demande séparée de transfert des éléments de preuve vers l'État d'émission conformément aux règles applicables à l'entraide judiciaire en matière pénale. Il en résulte une procédure en deux étapes qui nuit à son efficacité. En outre, ce régime coexiste avec les instruments traditionnels de coopération et est donc rarement utilisé en pratique par les autorités compétentes.
La décision-cadre 2008/978/JAI du Conseil relative au mandat européen d'obtention de preuves a été adoptée pour appliquer le principe de reconnaissance mutuelle à cet égard. Toutefois, le mandat européen d'obtention de preuves n'est applicable qu'aux éléments de preuve qui existent déjà et couvre, par conséquent, un spectre limité de la coopération judiciaire en matière pénale relative aux éléments de preuve. Depuis l'adoption des décisions-cadres 2003/577/JAI et 2008/978/JAI, il est devenu manifeste que le cadre existant pour l'obtention de preuves est trop fragmenté et trop complexe. Une nouvelle approche est donc nécessaire.
Dans le programme de Stockholm, adopté le 11 décembre 2009, le Conseil européen a appelé de ses vœux un système global destiné à remplacer tous les instruments qui existent actuellement dans ce domaine, y compris la décision-cadre relative au mandat européen d'obtention de preuves, qui couvrirait, dans toute la mesure du possible, tous les types d'éléments de preuve, prévoirait des délais de mise en œuvre et limiterait autant que possible les motifs de refus. Cette nouvelle approche repose sur un instrument unique dénommé « décision d'enquête européenne ».
ANALYSE D’IMPACT : aucune analyse d’impact n’a été réalisée.
BASE JURIDIQUE : article 82, paragraphe 1, point a) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).
CONTENU : la directive proposée définit la décision d'enquête européenne comme une décision judiciaire émise par une autorité compétente d'un État membre (État d'émission) afin de faire exécuter une ou plusieurs mesures d'enquête spécifiques dans un autre État membre (État d'exécution) en vue de recueillir des preuves dans le cadre des procédures visées à la directive. Les États membres devront exécuter toute décision d'enquête européenne, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la directive.
Champ d'application de la décision d'enquête européenne : la décision d'enquête européenne a une portée horizontale et devrait couvrir toute mesure d'enquête, exception faite des mesures telles que : a) la création d'une équipe commune d'enquête et l'obtention de preuves dans le cadre d'une telle équipe ; b) l'interception de télécommunications et leur transmission immédiate ; c) l'interception de télécommunications dans la mesure où elle se rapporte à certaines situations.
La directive ne s'applique pas aux observations transfrontalières visées à l'article 40 de la Convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin
Transmission : la décision d'enquête européenne devra être transmise par l'autorité d'émission à l'autorité d'exécution, par tout moyen permettant de laisser une trace écrite et dans des conditions permettant à l'État d'exécution d'en établir l'authenticité. Chaque État membre pourra désigner une ou plusieurs autorités centrales pour assister les autorités judiciaires compétentes. Si l'autorité d'émission le souhaite, la transmission peut être effectuée par le biais du système de télécommunication sécurisé du Réseau judiciaire européen.
Reconnaissance et exécution : l'autorité d'exécution doit reconnaître toute décision d'enquête européenne sans qu'aucune autre formalité ne soit requise, et prendre sans délai les mesures nécessaires pour qu'elle soit exécutée de la même manière et suivant les mêmes modalités que si la mesure d'enquête concernée avait été ordonnée par une autorité de l'État d'exécution, à moins que cette autorité ne décide de se prévaloir de l'un des motifs de non-reconnaissance ou de non-exécution ou de l'un des motifs de report prévus à la directive.
Recours à un type différent de mesure d'enquête : l'autorité d'exécution devrait pouvoir décider de recourir à une mesure d'enquête autre que celle prévue dans la décision d'enquête européenne, soit parce que la mesure demandée n'existe pas ou ne peut pas être utilisée en vertu de son droit national, soit parce que cet autre type de mesure permettra d'obtenir le même résultat que la mesure prévue dans la décision d'enquête européenne par des moyens moins coercitifs. Elle devra alors en informer l'autorité d'émission, qui pourra décider de retirer la décision d'enquête européenne.
Motifs de refus et de report : pour garantir l'efficacité de la coopération judiciaire en matière pénale, la proposition limite la faculté de refuser de reconnaître ou d'exécuter la décision d'enquête européenne, ainsi que les motifs justifiant le report d'exécution.
Délais : la décision relative à la reconnaissance ou à l'exécution doit être prise dès que possible et au plus tard 30 jours après la réception de la décision d'enquête européenne par l'autorité d'exécution compétente. L’autorité d'exécution doit réaliser la mesure d'enquête sans tarder et dans les 90 jours suivant la décision. Lorsque, dans un cas donné, il n'est pas possible à l'autorité d'exécution de respecter le délai fixé, elle doit informer sans tarder l'autorité compétente de l'État d'émission par tout moyen, en indiquant les raisons du retard et une estimation du temps qu'il faudra pour y remédier. Dans ce cas, le délai peut être prorogé de 30 jours maximum.
Règles additionnelles : la décision d'enquête européenne prévoit un régime unique pour l'obtention de preuves. La proposition définit toutefois des règles additionnelles pour certains types de mesures d'enquête, qui devraient être précisées dans la décision d'enquête européenne, telles que le transfèrement temporaire de personnes détenues, l'audition par vidéoconférence ou téléconférence, l'obtention d'informations relatives aux comptes bancaires ou aux transactions bancaires ou les livraisons surveillées.
Les mesures d'enquête impliquant l'obtention de preuves en temps réel, de manière continue et au cours d'une période déterminée sont couvertes par la décision d'enquête européenne, mais il est prévu pour celles-ci d'accorder une certaine souplesse à l'autorité d'exécution, compte tenu des différences qui existent entre les législations nationales des États membres.
Droits fondamentaux : la directive proposée respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par l'article 6 du traité sur l'Union européenne et par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, notamment son chapitre VI.
Rien dans la présente directive ne peut être interprété comme une interdiction de refuser l'exécution d'une décision d'enquête européenne lorsqu'il y a des raisons de croire, sur la base d'éléments objectifs, que ladite décision a été émise dans le but de poursuivre ou de punir une personne en raison de son sexe, de son origine raciale ou ethnique, de sa religion, de son orientation sexuelle, de sa nationalité, de sa langue ou de ses opinions politiques ou qu'il peut être porté atteinte à la situation de cette personne pour l'une de ces raisons.
Á noter que le Royaume-Uni et de l'Irlande ont notifié leur souhait de participer à l'adoption de la directive. Le Danemark ne participe pas à l'adoption de la présente directive et n'est pas lié par celle-ci ni soumis à son application.
INCIDENCE BUDGÉTAIRE : la proposition n’a aucune incidence sur le budget de l’Union européenne.