Produits dérivés de gré à gré, contreparties centrales et référentiels centraux (EMIR, règlement sur l'infrastructure du marché européen)

2010/0250(COD)

OBJECTIF : instaurer des règles uniformes en vue d’accroître la sécurité et l’efficacité du marché des dérivés de gré à gré.

ACTE PROPOSÉ : Règlement du Parlement européen et du Conseil.

CONTEXTE : la Commission a proposé, dans sa communication du 4 mars 2009 intitulée «L’Europe, moteur de la relance», de renforcer la réglementation de l’Union en matière de services financiers. Elle a précisé dans sa communication du 3 juillet 2009 le rôle joué par les produits dérivés dans la crise financière, et esquissé dans sa communication du 20 octobre 2009 les mesures qu’elle entendait prendre pour réduire les risques inhérents à ces produits.

Lors du sommet de Pittsburgh du 26 septembre 2009, les dirigeants du G20 ont convenu que tous les contrats dérivés de gré à gré normalisés devraient être soumis à une obligation de compensation par une contrepartie centrale, au plus tard avant la fin 2012, et que les contrats dérivés de gré à gré devraient être déclarés à des référentiels centraux. En juin 2010 à Toronto, les dirigeants du G20 ont réaffirmé leur détermination et se sont également engagés à accélérer la mise en œuvre de mesures fortes pour améliorer la transparence et la surveillance réglementaire des produits dérivés de gré à gré d’une façon cohérente et non discriminatoire à l’échelle internationale.

La présente initiative s’inscrit dès lors dans un effort international plus large, visant à renforcer la stabilité du système financier en général et du marché des dérivés de gré à gré en particulier. Étant donné la nature mondialisée de ce marché, une approche coordonnée à l’échelle internationale revêt une importance cruciale.

Avec cette proposition de règlement, la Commission tient son engagement d’agir rapidement et avec détermination. La proposition tient compte du soutien fort marqué par le Parlement européen dans sa résolution du 15 juin 2010 intitulée «Marchés de produits dérivés: actions politiques futures», ainsi que des nombreuses mesures qu’il y suggère. Elle est également cohérente avec la législation sur les dérivés de gré à gré récemment adoptée par les États-Unis (le «Frank-Dodd Act»).

ANALYSE D’IMPACT : l’analyse d’impact conclut que les avantages nets seront optimaux si l’on adopte des mesures:

  • rendant obligatoire la compensation par une contrepartie centrale pour certains dérivés de gré à gré qui rempliraient certains critères d’éligibilité prédéfinis;
  • fixant des objectifs spécifiques pour la normalisation juridique et des procédures;
  • fixant des objectifs spécifiques pour la compensation bilatérale de transactions sur dérivés de gré à gré;
  • imposant aux participants au marché de communiquer toute information nécessaire sur leur portefeuille de dérivés de gré à gré à un référentiel central ou, en cas d’impossibilité, directement aux instances de régulation; et
  • imposant la publication de données agrégées sur les positions détenues.

BASE JURIDIQUE : article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).  Pour déterminer quels dérivés peuvent relever de l’obligation de compensation par une contrepartie centrale, une action uniforme à l’échelle de l’UE est nécessaire.

CONTENU : doté d’un vaste champ d’application, le règlement proposé prévoit des exigences uniformes à appliquer aux contreparties financières, aux contreparties non financières (à partir de certains seuils) et à toutes les catégories de contrats dérivés de gré à gré. Ses dispositions prudentielles concernent, d’une part, les contreparties centrales en conséquence de l’obligation prévue en matière de compensation centrale et, d’autre part, les référentiels centraux en conséquence de l’obligation prévue en matière de déclaration.

Les exigences qu’il est prévu d’appliquer aux contreparties centrales en termes d’agrément et de surveillance seront applicables indépendamment du type d’instrument financier qu’elles compensent – produit dérivé négocié de gré à gré ou autre. Des exemptions sont expressément prévues pour les membres du Système européen des banques centrales, pour les organismes publics qui gèrent ou qui interviennent dans la gestion de la dette publique et pour les banques multilatérales de développement.

Les principaux éléments de la proposition sont les suivants :

Compensation, déclaration et atténuation des risques des dérivés de gré à gré : les contrats «normalisés» seront les contrats remplissant les conditions nécessaires (ou «éligibles») pour être compensés par une contrepartie centrale. À cet effet, le règlement instaure une procédure tenant dûment compte des facteurs de risque liés à l’obligation de compensation.

Afin de garantir parallèlement que le plus grand nombre possible de contrats dérivés de gré à gré sera compensé de manière centralisée, le règlement prévoit deux approches pour déterminer quels contrats doivent être concernés:

  • une approche ascendante («bottom-up»): une contrepartie centrale décide de compenser certains contrats et y est autorisée par son autorité compétente, qui est tenue d’en informer l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF). L’AEMF a alors le pouvoir de décider si l’obligation de compensation centrale doit s’appliquer à tous ces contrats dans l’Union européenne. L’AEMF doit fonder sa décision sur certains critères objectifs;
  • une approche descendante («top-down»): l’AEMF décide, en collaboration avec le Comité européen du risque systémique (CERS), quels contrats devraient potentiellement être soumis à l’obligation de compensation centrale. Cette approche est importante pour identifier et prendre en considération les contrats négociés sur le marché qui ne font pas encore l’objet d’une compensation par une contrepartie centrale.

Les contreparties soumises à l’obligation de compensation centrale ne peuvent purement et simplement s’y soustraire en décidant de ne pas participer à une contrepartie centrale. Si elles ne remplissent pas les conditions de participation ou ne sont pas intéressées par la possibilité de devenir membre compensateur, ces contreparties doivent néanmoins conclure les accords nécessaires avec des membres compensateurs pour pouvoir accéder à la contrepartie centrale comme client.

En outre, les contreparties centrales ne devraient pas être autorisées à n’accepter que les transactions conclues sur des lieux d’exécution avec lesquels elles ont un lien privilégié ou qui font partie du même groupe qu’elles.

Quant aux entreprises non financières, elles ne seront, en principe, pas soumises aux dispositions du règlement, à moins que leurs positions sur dérivés de gré à gré n’atteignent un certain seuil et ne soient en conséquence considérées comme ayant une importance systémique. 

Le règlement proposé prévoit une procédure pour identifier les entreprises non financières détenant des positions sur dérivés de gré à gré systémiquement importantes et les soumet à certaines obligations précisées dans ses dispositions. Cette procédure est basée sur la définition de deux seuils: a) un seuil d’information; b) un seuil de compensation. Ces seuils seront précisés par la Commission, sur la base de projets de normes réglementaires proposés par l’AEMF en consultation avec le Comité européen du risque systémique (CERS) et d’autres autorités compétentes.

Par ailleurs, dès lors que tous les dérivés de gré à gré ne seront pas considérés comme éligibles à une compensation centrale, il reste nécessaire d’améliorer la sécurité et les dispositifs en place pour les contrats qui continueront à être gérés sur une base dite «bilatérale». Le règlement prescrit en conséquence l’utilisation de moyens électroniques, l’application de procédures de gestion des risques prévoyant l’échange de garanties effectué de manière rapide, exacte et avec une ségrégation appropriée, ainsi que la détention d’un capital approprié et proportionné.

Enfin, les contreparties financières et les contreparties non financières qui dépassent le seuil de compensation devront notifier les détails de tout contrat dérivé qu’ils ont conclu et toute modification de celui-ci (novation et fin du contrat comprises) à un référentiel central enregistré. Dans le cas exceptionnel où un référentiel central ne serait pas en mesure d’enregistrer les détails d’un contrat de produit dérivé de gré à gré particulier, le règlement prévoit que ces informations doivent être communiquées directement à l’autorité compétente concernée. La Commission devra être habilitée à arrêter les modalités, le type, le format et la fréquence des rapports à fournir pour les différentes catégories de dérivés, sur la base de projets de normes techniques à élaborer par l’AEMF.

Exigences applicables aux contreparties centrales : étant donné que les contreparties centrales devront assumer des risques supplémentaires, le règlement prévoit qu’elles devront se soumettre, pour des raisons de sécurité, à des règles de conduite rigoureuses et à des exigences harmonisées sur les plans organisationnel et prudentiel (règles de gouvernance interne, audits, exigences de capital accrues, etc.).

Tout d’abord, il est nécessaire que toute contrepartie centrale dispose d’un solide dispositif de gouvernance, lui permettant de gérer adéquatement tout conflit d’intérêts potentiel entre ses propriétaires, sa direction, les membres compensateurs et les participants indirects. Les administrateurs indépendants jouent ici un rôle particulièrement important.

En deuxième lieu, pour être autorisée à exercer son activité, une contrepartie centrale devra justifier d’un quantum minimum de capital. Le règlement imposera aux contreparties centrales de disposer d’un fonds de défaillance mutualisé auquel leurs membres devront contribuer.

Enregistrement et surveillance des référentiels centraux : le règlement prévoit l’obligation de déclarer les opérations sur dérivés de gré à gré, afin de renforcer la transparence du marché. Les informations concernées seront à déclarer à des référentiels centraux. Étant donné le rôle central que joueront ainsi les référentiels centraux comme collecteurs d’informations réglementaires, le règlement charge l’AEMF de leur enregistrement (y compris l’annulation de cet enregistrement) et de leur surveillance.

Exigences applicables aux référentiels centraux : le règlement proposé contient aussi des dispositions imposant aux référentiels centraux de se conformer à un certain nombre de normes. Celles-ci visent à garantir la fiabilité, la sécurité et la protection des informations conservées par les référentiels centraux à des fins réglementaires. En particulier, les référentiels centraux seront soumis à des exigences organisationnelles et opérationnelles et ils devront assurer une sauvegarde et une transparence appropriée des données.

INCIDENCE BUDGÉTAIRE : la proposition n’a pas d’incidence sur le budget de l’Union.