Budget 2011: toutes sections, première version

2010/2001(BUD)

Le Parlement européen a adopté par 546 voix pour, 88 voix contre et 39 abstentions une résolution sur la position du Conseil sur le projet de budget général de l'Union européenne pour 2011 (toutes sections confondues). De manière générale, le Parlement propose une augmentation des engagements de 0,8% par rapport au budget 2010. Comprenant les pressions exercées sur les budgets des États membres vu la crise, le Parlement rompt avec la tradition qui veut que l’Assemblée propose un budget nettement plus élevé que celui de la Commission.

Les montants s’établissent dès lors comme suit : 130,56 milliards EUR en paiement et de 143,07 milliards en engagement (par rapport à la Commission qui prévoyait respectivement 130,14 milliards en paiement et 142,56 milliards en engagement). Le Parlement estime toutefois qu'une réduction arbitraire des crédits compromet la mise en œuvre des politiques de l'Union. C’est pourquoi, les réductions proposées par le Conseil sous forme de coupes budgétaires, sont rejetées.

En ce qui concerne la Section III du budget (Commission), les éléments clés et les priorités budgétaires 2011, peuvent se résumer comme suit :

Une nouvelle procédure et un engagement à haut niveau : le Parlement se dit fermement convaincu que la procédure budgétaire obéissant au nouveau Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) nécessite un engagement politique clair et de haut niveau de toutes les institutions concernées. Il souligne que la procédure de conciliation vise essentiellement à concilier les points de vue de toutes les branches de l’autorité budgétaire et que le projet commun sur le budget 2011 devra être approuvé par les deux branches de l’autorité budgétaire. Il considère notamment que la procédure écrite pour l’adoption de la position du Conseil est particulièrement inappropriée pour la procédure budgétaire, et que cette dernière est discutable en l’absence d’une approbation politique claire et publique du Conseil au niveau ministériel.

Une nécessaire « lisbonisation » du budget : plus globalement, la Plénière estime que, à la suite de l'entrée en vigueur du TFUE, qui a pour effet de renforcer les politiques européennes et de créer de nouveaux domaines de compétences -notamment la politique étrangère et de sécurité commune, la compétitivité et l'innovation, le domaine spatial, la politique énergétique, le tourisme, la lutte contre le changement climatique, les sports et la jeunesse, la politique sociale, la justice et les affaires intérieures– et qui implique une "lisbonisation" du budget, l'UE devrait être dotée des moyens financiers nécessaires pour atteindre ses objectifs et requiert dès lors que les deux branches de l'autorité budgétaire se montrent cohérentes par rapport au renforcement des capacités financières.

De nouvelles ressources propres : dans un amendement adopté en Plénière, le Parlement rappelle que dès 2007 (voir résolution sur l'avenir des ressources propres de l'UE), il avait déjà souligné combien le système actuel de ressources propres -dans lequel 70% des recettes proviennent directement des budgets nationaux- concourait à la perception que le budget européen constituait une charge supplémentaire pour les budgets nationaux. Il demande dès lors la fixation d’un calendrier clair et contraignant pour se mettre d'accord sur un nouveau système de ressources propres avant l'entrée en vigueur du prochain cadre financier pluriannuel (CFP) après 2013. Il se déclare également disposé à étudier tous les moyens possibles pour ce faire car pour le Parlement, le budget doit être vu non comme un fardeau additionnel aux budgets nationaux, mais plutôt comme une opportunité pour apporter de la valeur ajoutée aux initiatives et investissements nationaux.

Un budget trop étriqué pour répondre aux défis : la résolution souligne que, bien que le Traité ait modifié et augmenté les compétences transférées au niveau de l’Union, le budget européen se limite à un modeste 1% du PIB des États membres. Il s’oppose dès lors avec force aux coupes budgétaires opérées par le Conseil. Les institutions de l’UE sont appelées au contraire à définir un mécanisme pour évaluer « le coût de la non Europe », mécanisme qui mettrait en lumière les économies obtenues sur les budgets nationaux à partir de la mise en commun des ressources.

Des priorités budgétaires essentielles pour favoriser la reprise : le Parlement rappelle que la jeunesse, l’éducation et la mobilité -des politiques étroitement liées- sont des politiques déjà identifiées par le Parlement comme parmi les plus importantes pour 2011. Il réitère dès lors sa ferme conviction selon laquelle le financement des politiques de l’UE doit être dûment contrôlé de manière à faire en sorte que toute dépense soit liée à un objectif clair et identifiable. Il souligne également qu’une écrasante part du budget est consacrée à soutenir des investissements à long terme en vue de stimuler la croissance économique de l’UE.

Un budget sans marge de manœuvre : en ce qui concerne les marges émanant du cadre financier pluriannuel (CPF), le Parlement estime une fois de plus que ces dernières ne permettent pas d’avoir assez de marges de manœuvre, en particulier au niveau des rubriques 1A, 3B et 4, et réduisent la capacité de l’Union à réagir à des changements politiques inattendus ou à prévoir de nouveaux besoins, tout en maintenant les priorités de base. Il indique que les défis auxquels l’Union doit répondre nécessiteront des besoins bien plus importants que ce que prévoient les plafonds de l’actuel CPF. Il rappelle, dans ce contexte, qu’une révision substantielle du budget est absolument indispensable et que la révision immédiate des plafonds de l’actuel CPF s’impose de même que certaines dispositions de l’accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 sur la discipline budgétaire (AII). La Plénière indique également que le financement des priorités et des nouvelles politiques issues de la mise en œuvre du nouveau traité est rendue impossible par les limites des plafonds du cadre financier actuel. Pour faciliter la négociation budgétaire au sein du comité de conciliation, le Parlement souligne qu’il a proposé, au prix de lourds compromis, de financer ces priorités au sein des marges actuelles. Il indique néanmoins qu'il ne sera possible d'y parvenir qu'en réduisant les crédits d'autres lignes budgétaires bien précises et sélectionnées avec prudence.

Création d’un Fonds de garantie : la Plénière exige la création d'un Fonds de garantie lié au mécanisme européen de stabilisation financière dans le budget de l’UE. Ce Fonds devrait être activé par les deux branches de l'autorité budgétaire et les besoins financiers liés à sa création devraient être financés grâce à une révision ciblée de l'actuel CFP 2007-2013 ou de l'AII, afin d’associer le Parlement à la procédure.

Des crédits de paiements en souffrance : en ce qui concerne les crédits de paiements, le Parlement refuse de prendre un montant général tel que proposé dans la position du Conseil, comme objectif final à atteindre en diminuant ou en augmentant les dépenses de certaines lignes budgétaire et sans une évaluation préalable des besoins effectifs. Il met en évidence le fait que cette pratique risque de mettre à mal le taux d’exécution des crédits pour 2011, en ralentissant au passage le niveau de signature de certains nouveaux contrats, en particulier dans le dernier trimestre de l’année, voire de perturber le cycle pluriannuel des programmes de l’UE.

Plus concrètement, l’analyse linéaire du budget par rubriques s’établit comme suit (les montants indiqués sont tous des engagements) :

  • Sous-rubrique 1a (13,485 milliards EUR) : le Parlement réaffirme ses priorités pour 2011, que sont la jeunesse, l'éducation et la mobilité et indique que ces dernières nécessitent des montants conséquents. C’est pourquoi, il augmente les crédits affectés aux différents programmes liés à ces priorités de la manière suivante : programme d'apprentissage tout au long de la vie +18 millions EUR, programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité +10 millions EUR et programme « Énergie intelligente » +10 millions EUR également. Il renforce également les crédits destinés au service européen de l'emploi (ex. : action préparatoire "Ton premier job EURES") et compense ces augmentations en diminuant les crédits de la recherche sur la fusion de l'énergie du projet "ITER" (-47 millions EUR vu le retard pris dans sa mise en œuvre) ;
  • Sous-rubrique 1b (50,98 milliards EUR) : le Parlement déplore l'approche restrictive du Conseil en ce qui concerne les paiements, aboutissant à la réduction de 1,075 milliard EUR (dont 50% en raison de l'achèvement de la période de programmation 2006-2010) par rapport à la Commission. Or, les paiements sont déjà considérés par le Parlement comme sous-estimés. Le Parlement rétablit dès lors tous les paiements au niveau du projet de budget, tout en maintenant sa position initiale selon laquelle la Commission et le Conseil devraient présenter et adopter rapidement un budget rectificatif dans le cas où les crédits de paiement ne seraient pas suffisants. Á noter l’augmentation de 2,5 millions EUR du Parlement pour la stratégie Baltique à laquelle ce dernier est attaché ;
  • Rubrique 2 (59,875 milliards EUR) : sachant que la PAC a pour objectif premier de garantir la stabilité des marchés, la sécurité alimentaire, et l’assurance de revenus équitables pour les agriculteurs, le Parlement invite la Commission à prévoir, dans le budget 2011, une réserve tampon assurant les moyens nécessaires pour permettre un accès aisé au financement en cas de volatilité des marchés en 2011. Il souhaite également la création d'une nouvelle ligne budgétaire relative à un fonds laitier (+300 millions EUR) destiné à soutenir la modernisation, la diversification et la restructuration du secteur et à améliorer la position de négociation des éleveurs laitiers face à la vente au détail dans la chaîne alimentaire. Le Parlement renforce également les crédits destinés à la consommation de fruits et distribution de lait dans les écoles. Il augmente également les crédits du programme LIFE+ (+6,7 millions EUR) et le soutien à la gestion des ressources de la pêche (+2 millions EUR) ;
  • Sous-rubrique 3a (1,139 milliard EUR) : pour cette sous-rubrique, le Parlement met l’accent sur le financement d’actions visant à lutter contre la violence à l'encontre des femmes, y compris au moyen de l'avortement forcé, des mutilations génitales, de la stérilisation forcée ou de tout autre traitement cruel, inhumain ou dégradant. Cette partie du budget est renforcée de 2,35 millions EUR (programme Daphné). La prévention du terrorisme se voit en outre renforcée d’un million EUR supplémentaire. Vu le faible niveau d'informations sur les prochaines étapes du SIS II, le Parlement prévoit par contre de mettre les crédits en réserve dans l’attente d’informations ultérieures ;
  • Sous-rubrique 3b (683 millions EUR) : le Parlement réaffirme tout le prix qu’il accorde à cette sous-rubrique en ce qu’elle concerne directement les citoyens. Il renforce dès lors les crédits destinés au programme "Jeunesse en action" (+3 millions EUR), aux Jeux olympiques spéciaux mondiaux d'été (+4 millions EUR), aux relais d'information et à l'action préparatoire en cours dans le domaine du sport. La Plénière attend  également de la Commission une stratégie globale pour l'amélioration de la communication avec les citoyens européens ainsi que la création d'un espace public européen ;
  • Rubrique 4 (8,683 milliards EUR) : une fois encore, ce sont les marges limitées de cette importante rubrique budgétaire qui a attiré l’attention du Parlement qui souligne que l'Union ne peut affirmer son rôle sur la scène mondiale avec des marges si limitées et des compromis de dernière minute pour sauver la situation. Pour le Parlement, il est indispensable de procéder à une révision du CFP et de réexaminer le plafond de la rubrique 4 de manière à prendre en compte les besoins nouveaux. Dans ce contexte, la seule façon de garantir le financement des priorités tout en pratiquant des économies est de procéder à des réductions de crédits rigoureusement choisies dans un petit nombre de lignes budgétaires, en particulier en réduisant l'aide à la réhabilitation de l'Afghanistan ou en rétablissant les montants de 2010 pour la PESC. Le Parlement ne réduit en revanche pas le montant de l’aide européenne aux palestiniens transitant par l'UNRWA, même si le décalage existant entre le montant global de l'assistance financière fournie et l’influence réelle de l’Europe dans la région et dans le processus de paix pose problème. Contraire à toute forme de redéploiement des crédits alloués à plusieurs instruments et programmes de la politique extérieure au profit des mesures d'accompagnement dans le secteur de la banane, le Parlement s’insurge contre la pratique qui veut que l’on se serve de l'instrument de financement de la coopération au développement pour financer de nouveaux besoins dans le domaine de la rubrique 4. Il souhaite au contraire que de nouveaux moyens soient dégagés à cet effet. Le Parlement décide par ailleurs de : i) mettre en réserve une partie des crédits destinés à l'environnement et à la gestion durable des ressources naturelles, y compris l'énergie, dans l'attente d'une présentation par la Commission d'un document politiquement contraignant démontrant que ce programme (changement climatique dans les PVD) est véritablement un programme supplémentaire, et qu'il ne se fait pas au détriment des programmes de coopération existants, ii) lancer une procédure d'intégration, dans l'ensemble des postes du budget, en vue d'un soutien de l'Union au commerce équitable; iii) demander la création d’une ligne budgétaire "Coopération avec les États-Unis" ; iv) demander le renforcement de l’enveloppe destinée à soutenir la communauté chypriote turque. Concernant la mise en place du service européen pour l'action extérieure (SEAE), le Parlement demande que les missions relevant de la PESC et de la PSDC soient mieux identifiées afin de renforcer la transparence et de faciliter la définition des besoins budgétaires. Il décide, par conséquent, de scinder certaines lignes budgétaires afin de créer des lignes distinctes pour la Géorgie, la mission EULEX au Kosovo et la mission EUPOL en Afghanistan. Á titre indicatif, ces modifications budgétaires se marquent de la manière suivante, sur le plan financier : +100 millions EUR pour les palestiniens compensés par des coupes dans les mesures d'accompagnement de la banane (-18 millions EUR) et dans les activités de coopération autres que les aides publiques au développement (-23,5 millions EUR) et dans la politique étrangère et de sécurité commune (PESC -45,7 millions EUR). Á noter que dans un amendement adopté en Plénière, les députés se demandent pourquoi des indemnités continuent à être versées aux anciens commissaires alors qu'ils ont d'autres emplois. Ils demandent dès lors des explications à la Commission pour le 30 avril 2011 sur cette question ;
  • Rubrique 5 (8,223 milliards EUR) : le Parlement rejette totalement la position du Conseil qui consiste à réduire de plus de 115 millions EUR le budget de cette rubrique, car une approche aussi restrictive est susceptible de compromettre la mise en œuvre des politiques de l'Union. Il rétablit dès lors les montants supprimés par le Conseil tout en plaçant une partie des montants dans une réserve (correspondant à l'adaptation salariale de 1,85% demandée par la Commission) dans l'attente de la décision de la Cour de justice sur cette question. Il rétablit également les chiffres du projet de budget pour toutes les autres réductions pratiquées par le Conseil concernant le budget des écoles européennes qu’il juge inacceptables. Il demande en outre au Conseil d'adopter au plus vite la lettre rectificative n° 1/2011 afin que le SEAE puisse commencer à fonctionner dès que possible en 2011. Dans l’attente d’informations pertinentes sur les missions de ce service que la Haute représentante devra présenter au Parlement, ce dernier  met les montants concernés en réserve.

En ce qui concerne les autres sections du budget, le Parlement rétablit une partie des montants supprimés par le Conseil dans le budget des institutions lorsque les demandes de chacune d'elles sont considérées comme pleinement justifiées.

Pour ce qui est du budget spécifique du Parlement européen, ce dernier indique que son budget se montera en 2011 à un peu plus de 1,7 milliard EUR, soit 20,21% des dépenses de la rubrique 5 (dépenses administratives) du CFP. Il respecte donc ses résolutions antérieures en veillant à ce que ce chiffre s'établisse autour de la barre des 20%. Ce montant tient également compte de l'élargissement considérable des compétences découlant du traité de Lisbonne et des besoins en personnel et autres qui en résultent tout en respectant la rigueur budgétaire (ce budget a été réduit de près de 25 millions EUR par rapport aux propositions budgétaires initiales du Bureau du PE). Plus globalement, le Parlement rappelle sa position de principe selon laquelle la réalisation d'économies, lorsqu'elles sont possibles, et la poursuite de la réorganisation et du redéploiement des moyens existants sont des éléments fondamentaux de sa politique budgétaire, en particulier en période de crise.