Le Parlement européen a adopté par 513 voix pour, 92 voix contre et 3 abstentions, une résolution législative sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et modifiant les directives 2004/39/CE et 2009/.../CE.
Le Parlement a arrêté sa position en première lecture suivant la procédure législative ordinaire (l’ex-procédure de codécision). Les amendements adoptés en plénière sont le résultat d’un compromis négocié entre le Parlement européen et le Conseil. Ils modifient la proposition de la Commission comme suit :
Champ d’application: la directive fixe les règles en ce qui concerne l'agrément, les activités et la transparence des gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs qui gèrent et/ou commercialisent ces fonds dans l'Union.
Sous réserve de certaines dérogations et restrictions, la directive s'applique i) à tous les gestionnaires établis dans l'Union qui gèrent des fonds alternatifs de l'Union ou des fonds alternatifs de pays tiers, que ces fonds soient commercialisés dans l'Union ou pas, et ii) aux gestionnaires établis dans un pays tiers qui gèrent des fonds alternatifs de l'Union, que ces fonds soient commercialisés dans l'Union européenne ou non et iii) aux gestionnaires établis dans un pays tiers, qui gèrent des fonds alternatifs de l'Union ou de pays tiers dans l'Union européenne.
La directive ne s'appliquera pas : i) aux holdings telles qu'elles sont définies dans la directive, ii) à la gestion des fonds de retraite, iii) aux systèmes d'intéressement ou aux plans d'épargne des salariés, iv) aux institutions supranationales, aux banques centrales nationales ou aux gouvernements nationaux, régionaux et locaux, ni aux organes ou institutions qui gèrent des fonds au bénéfice de la sécurité sociale et des régimes de retraite, v) aux véhicules de titrisation spécifique ; vi) aux contrats d'assurance et aux entreprises communes.
Dérogations : la directive offre un régime allégé pour les gestionnaires dès lors que le total des fonds alternatifs gérés est inférieur à 100 millions EUR ou dès lors que le total des fonds alternatifs gérés est inférieur à 500 millions EUR et qu'il s'agit de fonds alternatifs ne recourant pas au levier et ne comportant pas de droits de remboursement aux investisseurs pendant une période de 5 ans. Les gestionnaires ne devront alors pas faire l'objet d'un agrément complet mais bien d'un enregistrement dans leur État membre d'origine et devront, entre autres exigences, fournir à leurs autorités compétentes des informations utiles concernant les principaux instruments qu'ils négocient et les principales expositions et les concentrations les plus importantes des fonds alternatifs qu'ils gèrent.
Détermination du gestionnaire : les États membres devront veiller à ce que chaque fonds alternatif dont la gestion relève du champ d'application de la directive ait un seul et unique gestionnaire qui est chargé de veiller au respect des exigences qu'elle énonce. Si un gestionnaire ne veille pas au respect des exigences applicables pour lesquelles la responsabilité incombe au fonds alternatif ou à une autre entité pour son compte, les autorités compétentes devront exiger du gestionnaire qu'il prenne les mesures nécessaires pour remédier à la situation.
Si, en dépit de ces mesures, les exigences ne sont toujours pas respectées, et dès lors qu'il s'agit d'un gestionnaire établi dans l'Union ou d'un gestionnaire établi dans un pays tiers agréé pour gérer un fonds alternatif de l'Union, le gestionnaire devra démissionner de sa fonction pour ce fonds alternatif et, s'il ne démissionne pas, les autorités compétentes de son État membre d'origine devront le lui imposer. Dans ce cas, le fonds alternatif ne pourra plus être commercialisé dans l'Union européenne. S'il s'agit d'un gestionnaire agréé établi dans un pays tiers qui commercialise un fonds alternatif de pays tiers, ce fonds ne pourra plus être commercialisé dans l'Union européenne.
Agrément du gestionnaire : les États membres devront veiller à ce qu'aucun gestionnaire ne gère un ou plusieurs fonds alternatifs sans avoir été agréé conformément à la directive. Un gestionnaire agréé devra se conformer en permanence aux conditions d'agrément prévues par la directive.
Les États membres doivent exiger qu'un gestionnaire demandant à être agréé fournisse des informations sur les personnes qui dirigent de fait les activités du gestionnaire ainsi que des informations sur les politiques et les pratiques de rémunération aux autorités compétentes de son État membre d'origine.
Les gestionnaires demandant à être agréé devront également fournir, entre autres, des informations sur les stratégies d'investissement, y compris les types de fonds sous-jacents si le fonds alternatif est un fonds de fonds, la politique du gestionnaire en ce qui concerne l'utilisation du levier, et sur les profils de risque et autres caractéristiques des fonds alternatifs qu'il gère ou prévoit de gérer, y compris des informations sur les États membres ou sur les pays tiers dans lesquels ils sont ou devraient être établis.
L'AEMF devra tenir un registre public centralisé indiquant chaque gestionnaire agréé au titre de la directive, une liste des fonds alternatifs gérés et/ou commercialisés dans l'Union européenne par ce gestionnaire et l'autorité dont relève chaque gestionnaire.
Capital initial et fonds propres : les États membres doivent exiger qu'un gestionnaire qui est un fonds alternatif géré en interne dispose d'un capital initial d'au moins 300.000 EUR. Un gestionnaire nommé gestionnaire externe d'un fonds alternatif ou de plusieurs devra disposer d'un capital initial d'au moins 125.000 EUR.
Lorsque la valeur des portefeuilles des fonds alternatifs gérés par le gestionnaire excède 250 millions EUR, le gestionnaire devra fournir un montant supplémentaire de fonds propres. Pour couvrir tous les risques en matière de responsabilité professionnelle, tant les fonds gérés en interne que les gestionnaires externes doivent: i) soit disposer de fonds propres supplémentaires d'un montant suffisant pour couvrir l'engagement de leur responsabilité pour négligence professionnelle; soit ii) être couverts par une assurance de responsabilité civile professionnelle, adaptée aux risques couverts.
Rémunération : la directive impose aux gestionnaires l'obligation expresse de mettre en place et d'entretenir, pour les catégories du personnel dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque des fonds alternatifs qu'ils gèrent, des politiques et des pratiques de rémunération compatibles avec une gestion des risques saine et efficace. Ces catégories de personnel devront au moins comporter les cadres supérieurs, les preneurs de risques et les employés exerçant une fonction de contrôle, ainsi que tout employé qui, au vu de ses revenus globaux, se situe dans la même tranche de rémunération que les membres du cadre supérieur et les preneurs de risques.
Les autorités compétentes de l'État membre d'origine du gestionnaire, compte tenu aussi de la nature du fonds géré par le gestionnaire, devront également exiger que celui-ci ait une bonne organisation administrative et comptable, des dispositifs de contrôle et de sécurité dans le domaine informatique, ainsi que des mécanismes de contrôle interne adéquats.
Evaluation : la directive exige que dans tous les cas, les gestionnaires adoptent des procédures d'évaluation qui permettent d'évaluer correctement les actifs des fonds alternatifs. Le processus d'évaluation des actifs et de calcul de la valeur nette des actifs doit être indépendant des fonctions de gestion de portefeuille du gestionnaire. Sous réserve de certaines conditions, le gestionnaire pourra nommer un évaluateur extérieur pour exécuter la fonction d'évaluation.
Responsabilité du dépositaire : la responsabilité du dépositaire a été renforcée par rapport aux positions initiales du Conseil et de la Commission. Le dépositaire devra agir de manière honnête, loyale, professionnelle et indépendante et dans l'intérêt du fonds alternatif ou, le cas échéant, des investisseurs de ce fonds.
Le dépositaire devra avoir son siège statutaire ou une succursale dans le même pays que le fonds alternatif. Pour les fonds alternatifs de pays tiers, le dépositaire ne pourra être établi dans ce pays tiers que si certaines conditions supplémentaires sont remplies.
La garde d'actifs pourra être déléguée à une tierce partie, qui pourra à son tour déléguer cette fonction. Cependant, la délégation, comme la sous-délégation, devra être justifiée de façon objective et respecter des exigences strictes.
Le dépositaire sera responsable des pertes subies par le gestionnaire, le fonds alternatif et les investisseurs. Lorsque le dépositaire assure la garde d'actifs et que ces actifs sont perdus, le dépositaire sera responsable à moins qu'il ne puisse prouver que la perte est liée à un événement extérieur échappant à son contrôle et dont les conséquences auraient été inévitables en dépit de tous les efforts raisonnablement déployés pour le contrer.
Lorsque le dépositaire délègue ses tâches de garde et que les instruments financiers conservés par une tierce partie sont perdus, le dépositaire sera également responsable. Cependant, il pourra se décharger de sa responsabilité s'il peut prouver qu'il a dûment rempli ses devoirs de diligence et à condition : i) que le dépositaire soit explicitement autorisé à se décharger de sa responsabilité, conformément à un contrat écrit entre le dépositaire et le fonds alternatif, et ii) que la tierce partie puisse effectivement être tenue responsable de la perte sur la base d'un contrat conclu entre le dépositaire et la tierce partie.
Utilisation des informations par les autorités compétentes, coopération prudentielle et limites du niveau de levier : en vue d’assurer une évaluation correcte des risques induits par l'utilisation de levier par un gestionnaire à l'égard du fonds alternatif qu'il gère, la directive exige que le gestionnaire apporte la preuve que les limites du niveau de levier pour chaque fonds alternatif qu'il gère sont raisonnables et qu'il démontre comment il respecte toujours ces limites.
Démembrement des actifs : comme souhaité par le Parlement, la directive comprend maintenant un certain nombre de dispositions pour combattre le démembrement des actifs. Le texte prévoit que lorsqu'il gère un fonds alternatif en position d'exercer un contrôle sur une société non cotée ou un émetteur, le gestionnaire, avant la fin de la période prenant fin 24 mois après l'acquisition du contrôle sur la société par le fonds alternatif, ne sera pas autorisé à faciliter, à soutenir ou à ordonner la distribution, la réduction de capital, le rachat de parts et/ou l'acquisition d'actions propres par la société conformément aux dispositions de la directive.
Le Parlement a également obtenu d’imposer des exigences d'information et de publicité importantes aux investisseurs de capital-investissement, particulièrement concernant les informations à fournir aux actionnaires, aux employés et à leurs représentants sur la stratégie prévue pour la société.
Commercialisation des fonds : la directive définit les conditions dans lesquelles un gestionnaire établi dans l'Union européenne peut commercialiser des unités ou des parts d'un fonds alternatif auprès d'investisseurs professionnels dans l'Union européenne. Cette commercialisation par les gestionnaires établis dans l'Union ne sera autorisée que dans la mesure où le gestionnaire respecte les dispositions de la directive et où elle est effectuée avec un passeport.
Règles spécifiques concernant les pays tiers :
- Après l'entrée en vigueur d'un acte délégué adopté par la Commission qui, en principe, entrera en vigueur 2 ans après la date de transposition de la directive, les gestionnaires agréés établis dans l'Union qui envisagent de commercialiser des fonds alternatifs de pays tiers auprès d'investisseurs professionnels dans leur État membre d'origine et/ou dans d'autres États membres seront autorisés à le faire avec un passeport pour autant qu'ils respectent toutes les dispositions de la directive. Ce droit sera soumis à des procédures de notification et au respect de conditions liées au pays du fonds alternatif de pays tiers.
- Au cours d'une période transitoire qui, en principe, sera déclarée close par un acte délégué 3 ans après l'entrée en vigueur de l'acte délégué rendant applicable le passeport européen, les gestionnaires établis dans l'Union, qui envisagent de commercialiser des fonds alternatifs de pays tiers sur le territoire de certains États membres de l'Union européenne, sans passeport, pourront également être autorisés à le faire par les États membres concernés mais uniquement dans la mesure où ils respectent toutes les dispositions de la directive à l'exception des exigences applicables au dépositaire. Ces gestionnaires devront toutefois veiller à ce qu'une ou plusieurs entités soient désignées pour exercer les fonctions de dépositaire. De plus, des mécanismes de coopération destinés au suivi du risque systémique et conformes aux normes internationales devront être mis en place entre les autorités compétentes de l'État membre d'origine du gestionnaire et les autorités compétentes du pays tiers du fonds alternatif afin d'assurer un échange d'informations efficace. Enfin, le pays tiers dans lequel est établi le fonds alternatif ne pourra pas figurer sur la liste des Pays et Territoires Non Coopératifs du Groupe d'action financière internationale pour la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
- Après l'entrée en vigueur d'un acte délégué adopté par la Commission en la matière qui, en principe, entrera en vigueur 2 ans après la date de transposition définitive de la directive, un principe fondamental de la directive sera qu'un gestionnaire établi dans un pays tiers devrait bénéficier des droits conférés par la directive (comme la commercialisation de parts et d'unités de fonds alternatifs dans l'ensemble de l'Union européenne avec un passeport), mais uniquement lorsqu'il est soumis aux obligations de la directive.
Par conséquent, lorsqu'un gestionnaire établi dans un pays tiers envisage de gérer un fonds alternatif de l'Union et/ou de commercialiser un fonds alternatif sur le territoire de l'Union européenne avec un passeport, il sera également tenu de respecter toutes les dispositions de la directive, de sorte qu'il sera soumis aux mêmes obligations que les gestionnaires établis dans l'Union.
Pouvoirs et compétences de l'AEMF : l'AEMF devra définir et réexaminer régulièrement les orientations à l'intention des autorités compétentes des États membres concernant l'exercice de leurs pouvoirs en matière d'autorisation et les obligations d'information imposées aux autorités compétentes par la directive. Elle disposera également des pouvoirs nécessaires pour accomplir les tâches qui lui ont été confiées par la directive. L'obligation de secret professionnel s'appliquera à toutes les personnes qui travaillent ou ont travaillé pour l'AEMF et pour les autorités compétentes ou pour toute autre personne à laquelle l'AEMF a délégué des tâches.
L'AEMF élaborera un rapport annuel sur l'application de mesures administratives et la prise de sanctions en cas de violation des dispositions adoptés dans le cadre de la mise en œuvre de la présente directive dans les différents États membres. Les autorités compétentes devront fournir à l'AEMF les informations nécessaires à cet effet.
Réexamen : 4 ans après la date limite de transposition de la directive, la Commission réexaminera l'application et le champ d'application de la directive et évaluera si l'approche européenne harmonisée a entraîné, ou non, des perturbations majeures du marché et si oui, ou non, elle fonctionne avec efficacité à la lumière des principes du marché intérieur et de l'égalité des règles du jeu.