Règlement (CE) n° 1905/2006 portant établissement d'un instrument de financement de la coopération au développement: leçons apprises et perspectives pour l'avenir

2009/2149(INI)

La commission du développement a adopté à l’unanimité le rapport d’initiative de Gay Mitchell sur les enseignements et perspectives d’avenir du règlement (CE) n° 1905/2006 portant établissement d’un instrument de financement de la coopération au développement (ICD).

Enseignements : les députés saluent tout d’abord la volonté de la Commission d’honorer son engagement à nouer un dialogue régulier avec le Parlement concernant la mise en œuvre de l’ICD et reconnaissent les efforts accomplis. Tout en se félicitant du contrôle démocratique exercé dans ce contexte, les députés regrettent que la Commission n’ait pas suffisamment pris en considération plusieurs préoccupations du Parlement, en particulier en ce qui concerne le manque d’insistance sur la pauvreté et les OMD (Objectifs du Millénaire pour le Développement) dans la mise en œuvre de cet instrument. Ils regrettent également qu'alors que le "consensus européen pour le développement" de 2005 avait largement insisté sur cette question, l'ICD ait peu mis en pratique la question de l'appropriation et de la participation des parlements nationaux à l'élaboration des documents de stratégie par pays.

Les députés déplore également que :

  • la Commission n'ait pas mis en œuvre de façon adéquate les dispositions du règlement (CE) n° 1905/2006 sur la participation des acteurs non étatiques et des autorités locales à la mise en œuvre des actions ;
  • qu'en réponse à ses résolutions, par lesquelles il mettait en évidence le non respect de l'exigence établie à l'article 2, paragraphe 4, du règlement de satisfaire aux critères d'éligibilité à l'APD, la Commission n'ait modifié ou retiré que trois des onze mesures de mise en œuvre concernées ;
  • le comité créé conformément à l'article 35 de l'ICD n'ait pas réagi aux résolutions du Parlement signalant que la Commission avait dépassé ses compétences d'exécution (les  considérables travaux de contrôle parlementaire effectués par le Parlement n'ont trouvé aucun écho chez les représentants des États membres au sein du comité de l'ICD, c’est pourquoi, les députés invitent les États membres à s'assurer, en étroite collaboration avec le Parlement, que les mesures proposées par la Commission respectent pleinement les prescriptions de l'ICD).

Les députés demandent en outre à la Commission d’indiquer, par ordre de priorité et selon leur poids respectif, les critères qu’elle a utilisés pour l’affectation de fonds entre les pays et les régions de l’ICD et les différents secteurs d’activité, dans chaque programme géographique et thématique. Ils estiment au passage que de nombreux documents stratégiques ne prévoient pas suffisamment de ressources pour l'objectif général de l'ICD, à savoir l'élimination de la pauvreté dans le cadre du développement durable, et que bon nombre de ces documents n'indiquent pas clairement dans quelle mesure les actions proposées contribueront à la réalisation des OMD.

Perspectives d’avenir: principes : les députés insistent sur le fait que l’Union doit maintenir un instrument de financement distinct pour la coopération au développement, ciblant spécifiquement les pays en développement. Ils demandent en particulier que l’enveloppe financière annuelle attribuée à l’aide au développement dans le prochain cadre financier soit augmentée en termes réels pour atteindre l’objectif collectif de 0,7% du RNB consacré à l’APD d’ici à 2015.

Les députés réclament par ailleurs un quota plus strict d’APD pour les programmes thématiques par rapport à l’ICD actuel, notamment en ce qui concerne les programmes thématiques sur "l'immigration et l'asile". Pour les députés, la poursuite des OMD doit rester l’objectif premier de l’instrument pour la période allant jusqu’à 2015 en cohérence avec les objectifs convenus au niveau international et les indices de développement qui seront adoptés par les Nations unies pour l’après-2015.

Les députés soulignent également la nécessité d’une coopération ne relevant pas de l’APD avec de nombreux pays en développement pour la fourniture de biens publics mondiaux (les fonds pour ce genre de soutien devraient être acheminés par le recours à un ou plusieurs instruments séparés, de manière à garantir la transparence).

Pour ce qui est du financement du changement climatique, ce dernier ne devrait pas saper ni menacer la lutte contre la pauvreté et le progrès continu vers les OMD. Ainsi, les rares fonds de l’APD disponibles pour la réduction de la pauvreté ne devraient pas être détournés en faveur d’objectifs non liés au développement dans les pays concernés. De la même manière, la Commission devrait s'assurer qu'aucun projet de développement financé par l'Union ne vienne freiner les efforts de lutte contre le changement climatique déployés à l'échelle mondiale.

En cette période de fortes restrictions des dépenses publiques, les députés insistent pour que la Commission s'assure que tous les fonds publics destinés à soutenir les investissements dans le secteur privé dans les pays du Sud ne soient pas détournés par les secteurs qui sont déjà sous-financés (comme c'est, par exemple, le cas des programmes concernant les acteurs non étatiques et les autorités locales), et à ce que ce soutien permette de développer efficacement le secteur privé national ainsi que les petites et moyennes entreprises des pays à faibles revenus.

Les députés insistent également sur les points suivants : i) une approche différenciée vis-à-vis des différents groupes de pays en développement (l’aide financière traditionnelle devient ainsi moins pertinente pour les pays émergents) ; ii) une aide accrue aux pays en développement et aux pays émergents en matière de réformes fiscales ; iii) une coordination plus étroite entre la Commission et les États membres, de manière à soutenir des documents stratégiques européens conjoints ; iv) le renforcement du soutien aux groupes vulnérables (les femmes, les personnes handicapées, les jeunes et les chômeurs ainsi que les populations autochtones) ; v) le renforcement de l'implication des autorités locales dans les politiques de développement.

Ils demandent en outre que le futur instrument de coopération au développement continue de couvrir tous les pays en développement des régions géographiques auxquelles il s'applique, conformément à la liste des pays en développement du CAD de l’OCDE et qu’il soit plus flexible en terme d’intervention en vue de mieux répondre aux changements de besoins et de priorités notamment dans des situations sensibles.

Perspectives d’avenir: programmes géographiques et thématiques : une fois encore, les députés demandent que 20% des dépenses au titre des programmes géographiques soient affectées aux services sociaux de base. Par ailleurs, ils insistent sur des critères d’éligibilité stricts pour l’aide budgétaire, en particulier : i) pas de recours à l’aide budgétaire dans des pays où la transparence des dépenses publiques ne peut être assurée, ii) cette aide devrait s’accompagner d’actions destinées à renforcer les capacités de contrôle parlementaire et d’audit du pays bénéficiaire, iii) renforcer le rôle de la société civile dans le développement, notamment en tant que "sentinelle" par rapport au gouvernement, en ce qu'elle permet de contrôler ce dernier et de le contraindre à rendre des comptes. Dans ce contexte, les députés appellent la Commission à fournir un bilan global chiffré de l’aide budgétaire générale, sectorielle, par projet ou sous toute autre forme accordée à la gouvernance locale.

Pour ce qui est des priorités à venir, les députés soulignent la nécessité de maintenir les programmes thématiques de l’ICD qui ont démontré leur pertinence, mais plaident pour un recentrage de l’aide vers de nouveaux défis tels que la crise économique et financière mondiale, la crise alimentaire mondiale, le changement climatique et les besoins propres aux États fragiles et aux États en transition. La migration est également un domaine pour lequel il est clairement nécessaire d'accorder la priorité. Les fonds de développement relatifs à la migration ne doivent toutefois pas être utilisés pour améliorer la gestion des frontières et pour combattre l'immigration illégale mais pour favoriser les migrations Sud-Sud. Les députés soulignent également le maintien d’actions dans le domaine de l'enseignement élémentaire et l'alphabétisation. Le nouvel instrument devrait en outre offrir une approche différenciée du financement alloué aux organisations de la société civile et aux autorités locales, et également éviter toute concurrence inutile entre les deux types d'acteurs.

Constatant que l'actuelle aide publique européenne au développement (APD) consacre seulement 3% des dépenses totales aux questions environnementales, un nouveau problème se fait jour, à savoir qu'une partie du financement de l'Union et des États membres destiné aux pays en développement est investie dans des projets qui contribuent au changement climatique au lieu de l'atténuer. Il faut donc améliorer la cohérence dans ce domaine.

Enfin, les députés rappellent que l’article 290 du traité FUE est pleinement applicable à l’ICD et soulignent dès lors que l’application de la procédure des actes délégués est obligatoire dans ce contexte.