Situation des droits fondamentaux dans l'Union européenne (2009) - Application efficace après l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne

2009/2161(INI)

Le Parlement européen a adopté par 585 voix pour, 40 voix contre et 51 abstentions une résolution sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne (2009–2010) et les aspects institutionnels à la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

La nouvelle architecture des droits fondamentaux après Lisbonne : le Parlement souligne qu'une protection et une promotion effectives des droits de l'homme se trouve au cœur de la démocratie et de l'État de droit dans l'UE et une condition essentielle de la consolidation d'un espace européen de liberté, de sécurité et de justice, et que cela requiert une action à différents niveaux (international, européen, national, régional et local). Il souligne dans ce contexte le rôle que peuvent jouer les autorités régionales et locales dans la mise en œuvre concrète et la promotion de ces droits et invite toutes les institutions de l'UE et les parlements nationaux à œuvrer à la mise en place du nouveau cadre institutionnel et juridique créé par le traité de Lisbonne afin de concevoir une politique globale intérieure en matière de droits de l'homme dans l'Union.

Le Parlement rappelle que l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne a créé une situation nouvelle dans l'UE dans le domaine des droits de l'homme, rendant juridiquement contraignante la Charte des droits fondamentaux et transformant ainsi des valeurs fondamentales en droits concrets. Il indique dans ce contexte qu'une véritable culture des droits fondamentaux devait être développée, promue et renforcée dans les institutions de l'Union mais aussi dans les États membres, c’est pourquoi il en appelle à une nouvelle architecture des droits fondamentaux.

Réaffirmant que la Charte avait une valeur juridique égale à celle des traités, offrant un équilibre satisfaisant entre droits et solidarité et englobant droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, ainsi que droits "de troisième génération" (droits à une bonne administration, à la liberté de l'information, à un environnement sain et à la protection des consommateurs), le Parlement invite l'Union à établir un cadre réglementaire pour protéger les droits fondamentaux de tous abus, notamment dans l’entreprise.

Il définit en outre les contours de la nouvelle architecture des droits fondamentaux comme suit :

  • réaffirmation de l’Union européenne comme communauté de valeurs et de principes communs et réaffirmation de la valeur juridiquement contraignante de la Charte des droits fondamentaux ;
  • dans le contexte de l’incorporation de la Charte dans le droit primaire de l’UE, création de nouvelles responsabilités pour les institutions et les États membres en ce qui concerne la mise en œuvre de la législation de l’UE au niveau national, de sorte que les dispositions de la Charte soient désormais directement protégées par les tribunaux européens et nationaux;
  • fixation d’un dénominateur commun pour les relations UE-pays tiers fondé sur le respect des valeurs fondamentales de l'UE et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales (dans ce contexte, assurer aux activités du SEAE une approche fondée sur les droits de l’homme tant dans sa structure que dans ses ressources);
  • réaffirmation du rôle pionnier joué par l'Union dans la promotion des droits de l'homme dans le monde et dans ce contexte, réaffirmation de la valeur fondamentale de la Charte au moment d’appliquer et de mettre en œuvre les dispositions pertinentes en matière de respect des droits de l’homme dans les accords internationaux (clause droits de l’homme) ; cohérence renforcée entre les politiques interne et externe relatives aux droits de l'homme dans l’UE ;
  • adhésion de l'UE à la Convention des droits de l'homme comme niveau de protection minimal des droits de l'homme et des libertés fondamentales en Europe apportant aux citoyens la possibilité d'introduire un recours auprès de la Cour européenne des droits de l'homme et engagement politique à adhérer à cette dernière dans un délai raisonnable;
  • nécessité, en ligne avec les nouvelles obligations introduites par le traité de Lisbonne, de faire de la lutte contre l’exclusion sociale et la discrimination et de la promotion de la justice et de la protection sociale, de l’égalité entre hommes et femmes, du respect de la vie privée et familiale, de la solidarité entre les générations et de la protection des droits de l’enfant, ainsi que de la politique commune d'asile et d'immigration, et de la lutte contre le trafic des êtres humains, de nouvelles valeurs fondamentales de l’Union;
  • nécessité de mettre en œuvre de manière complète et cohérente l’ensemble du programme de Stockholm et ses principales orientations stratégiques en matière de liberté, sécurité et justice (LSJ).

Principaux défis de l’époque nouvelle : le Parlement souligne que la nouvelle architecture sera jugée à l'aune du traitement effectif réservé aux problèmes les plus urgents et les violations les plus récurrentes par les institutions compétentes, à la fois dans les États membres et au niveau de l'UE. Dans ce contexte, il rappelle les principaux problèmes en souffrance mis en exergue à de multiples reprises par le Parlement dans ses résolutions et débats sur les questions des droits fondamentaux, notamment:

  • protection des quatre libertés fondamentales en tant qu’acquis essentiel de l’UE, une attention particulière étant accordée à la libre circulation des citoyens de l'UE,
  • garantie pour les droits de toutes les personnes présentes sur le territoire de l'UE, quelle que soit leur nationalité,
  • garantie de la protection des données à caractère personnel et de la vie privée, en ce compris la collecte, le traitement, le transfert et le stockage de données à caractère personnel ou financier, ainsi que les modalités de rectification et de recours contre un traitement inapproprié,
  • lutte contre la traite des êtres humains – en particulier des femmes et des enfants,
  • protection des droits des réfugiés et des migrants, en vue de garantir que la gestion par l'UE des flux de migration et la négociation d'accords de réadmission avec les pays tiers n'exposent pas ces personnes au risque de violation des droits de l'homme,
  • protection des droits des victimes de violences, de crimes, de guerres et de violations des droits humains, sans détourner l'attention et les ressources qui vont à la prévention, à la lutte contre la criminalité et le terrorisme ainsi qu'à la lutte contre les causes profondes de ces phénomènes,
  • élaboration d’une stratégie de l’UE en ce qui concerne les droits de l’enfant, incluant la lutte contre les mauvais traitements, l'exploitation sexuelle et la pédopornographie et l'élimination du travail des enfants et de la pauvreté des enfants,
  • élaboration d'une stratégie de l'UE en faveur des droits des personnes handicapées,
  • élimination de toutes formes de discrimination, conformément à l'article 21 de la Charte, dans tous les domaines de la vie, en ce compris le profilage ethnique,
  • protection de la diversité linguistique, y compris les langues minoritaires,
  • interdiction de toute entrave à l'utilisation d'une langue autre que la langue officielle d'un État membre,
  • lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale,
  • élaboration, au niveau de l'UE, d’une stratégie d'intégration des Roms,
  • élaboration d'un cadre de l'UE relatif aux droits des suspects dans le cadre des procédures pénales,
  • évaluation des accords de réadmission de l'UE en termes de respect des droits fondamentaux,
  • promotion de l'inclusion sociale des personnes les plus vulnérables par l'éducation et des actions positives,
  • droit à l'éducation pour toutes et tous,
  • protection des migrants légaux et illégaux, et tout particulièrement des demandeurs d'asile,
  • lutte contre toute forme de racisme, de xénophobie et d'antisémitisme,
  • promotion d'une plus grande entente interconfessionnelle et interculturelle,
  • défense de la liberté de pensée, de conscience et de religion.

Institutions mettant en œuvre la nouvelle architecture des droits fondamentaux : le Parlement demande une meilleure coopération interinstitutionnelle en vue de mieux contrôler la situation des droits de l'homme dans l'UE. Constatant que la Commission avait créé un nouveau portefeuille "justice, droits fondamentaux et citoyenneté" en son sein, le Parlement indique qu'une telle division entre la justice et la sécurité ne devait pas renforcer la dichotomie absurde qui existe entre la nécessité de protéger les droits de l'homme de tous les citoyens et celle de garantir leur sécurité. Le nouveau commissaire doit aussi accorder une attention particulière aux politiques européennes qui visent à lutter contre l'immigration illégale et le terrorisme.

Pour conforter le débat sur la citoyenneté, le Parlement demande à la Commission de faire de 2013 "l'Année européenne de la citoyenneté". Il attend en outre des actions plus concrètes du commissaire compétent, comme par exemple une étude d’impact sur les droits fondamentaux de toute nouvelle proposition législative ou l’application d’une "tolérance zéro" en ce qui concerne les manquements des États membres ou des institutions à la Charte des droits fondamentaux. Le  nouveau commissaire devrait également lancer des procédures d’infraction lorsque les États membres ne satisfont pas aux obligations qui leur incombent, quelles qu’elles soient.

Le Parlement demande en outre à la Commission :

  • de donner suite à la communication de 2003 sur l'article 7 du traité sur l'UE qui demandait de définir un moyen transparent et cohérent de réagir aux éventuelles violations des droits de l'homme et d'utiliser de façon pertinente cet article 7 au vu de la nouvelle architecture de l'Union dans le domaine des droits fondamentaux,
  • de jouer un rôle pour prévenir et lutter contre la montée du nationalisme, de la xénophobie et de la discrimination dans certains États membres ;
  • de faire respecter les valeurs et principes inscrits dans le traité et la Charte ainsi que dans la stratégie contenue dans le programme de Stockholm et s’assurer de la “lisbonisation” de l’acquis actuel dans le domaine de la coopération policière et judiciaire ; renforcer la responsabilité démocratique dans le domaine de l’ELSJ;
  • mettre en place une relation de travail entre les commissaires chargés de la justice, des droits fondamentaux, de la citoyenneté et des affaires intérieures et la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, en invitant régulièrement les commissaires au PE à des échanges de vues.

En revanche, la Plénière rejette l’idée proposée par sa commission au fond de compléter les procédures d'infraction et les procédures en manquement concernant les infractions au respect des droits de l'homme dans les États membres, par une nouvelle procédure permettant de geler immédiatement les politiques et pratiques nationales controversées et ce, jusqu'à ce que la Commission décide de lancer officiellement une procédure d'infraction.

Pour sa part, le Conseil devrait également s’adapter aux modifications rendues nécessaires par le traité et le respect de la Charte dans son activité législative. Le Parlement attend du nouveau groupe de travail permanent sur les droits fondamentaux du Conseil qu’il devienne une tribune pour un échange de vues sur les questions internes concernant les droits de l'homme, travaillant main dans la main avec le Parlement européen.

En ce qui concerne le Parlement, ce dernier demande que : i) le droit de ce dernier à exercer un contrôle démocratique sur la base des traités soit respecté, ii) la transparence et l'accès aux documents de toutes les institutions de l'UE soit garanti, iii) un meilleur suivi des suites données à ses résolutions relatives aux droits fondamentaux dans l'UE soit garanti, sachant que ses demandes ne sont pas toujours respectées, iv) le droit d'être immédiatement et pleinement informé à toutes les étapes de la procédure de conclusion d'accords internationaux entre l'Union et des pays tiers ou des organisations internationales soit maintenu.

Le Parlement réaffirme également les tâches et obligations en matière de surveillance du respect des droits de l’homme par d’autres institutions et agences concernées de l’Union, comme la Cour de justice, l'Agence européenne des droits fondamentaux ou l’agence FRONTEX.

Sachant par ailleurs que l’UE et les États membres partagent des obligations dans le domaine de la mise en œuvre et/ou du respect des droits de l’homme et des droits fondamentaux, dans leurs sphères de compétences respectives, le Parlement souligne le rôle accru confié aux parlements nationaux et appuie l’établissement d’un dialogue formel permanent entre le Parlement européen et les parlements des États membres.

Le Parlement estime parallèlement que l'action de l'UE ne devrait pas se limiter aux violations des droits fondamentaux une fois celles-ci commises, mais qu'elle devrait aussi viser à les prévenir. Il réclame par conséquent une réflexion sur des mécanismes de détection précoce des violations potentielles des droits fondamentaux dans l'UE et dans les États membres. Des mesures de sensibilisation sont également réclamées pour mieux informer les citoyens de leurs droits et des meilleurs moyens de les faire respecter avec l’appui et l’expérience des organismes civiques et des ONG compétentes.

Coopération avec les organisations internationales dans le contexte de la nouvelle architecture des droits fondamentaux : le Parlement demande enfin que des voies soient trouvées pour assurer une meilleure coopération entre les institutions et agences de l'UE et les organisations internationales s’occupant de la protection des droits et libertés fondamentaux, par exemple: i) en créant  un mémorandum d’accord entre le Conseil de l’Europe et l’UE pour renforcer les synergies au niveau européen et éviter les doubles emplois; ii) en invitant les États membres à signer et à ratifier les conventions essentielles du Conseil de l’Europe et des Nations unies dans le domaine des droits de l’homme ; ii) en appliquant tous les mécanismes de contrôle des Nations unies (ex. au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations unies).