Spécifications relatives à l'essence, au carburant diesel et aux gazoles: mécanisme pour la surveillance et la réduction des émissions de gaz à effet de serre provenant des carburants. Directive «qualité des carburants»

2007/0019(COD)

La Commission présente un rapport sur les changements indirects d’affectation des sols liés aux biocarburants et aux bioliquides. Les directives 2009/28/CE (directive «énergies renouvelables») et 2009/30/CE (directive «qualité des carburants») prévoient que la Commission présente pour le 31 décembre 2010 au plus tard, un rapport consacré à l’impact des changements indirects d’affectation des sols sur les émissions de gaz à effet de serre et aux moyens de réduire cet impact au minimum. Ce rapport devrait s’accompagner, le cas échéant, d’une proposition s’appuyant sur les meilleures preuves scientifiques disponibles, contenant une méthodologie concrète à appliquer aux émissions découlant des changements survenus dans les stocks de carbone en raison de changements indirects d’affectation des sols.

Le rapport est centré, conformément aux directives, sur les conséquences des biocarburants pour les émissions de gaz à effet de serre.

Le moteur principal des changements indirects d’affectation des sols est la demande accrue de cultures agricoles dans les situations où les possibilités de disposer de terres agricoles adéquates, aussi bien que d’accroître les rendements, sont limitées. D’autres facteurs clés, tels que la réalisation d’un bénéfice maximal sur la production et le respect de la législation en vigueur, sont également susceptibles d’influencer la manière choisie pour répondre à la hausse de la demande.

La disponibilité limitée des terres pauvres en carbone dans d’autres régions du monde et le manque de protection plus rigoureuse des forêts et des zones riches en carbone sont des facteurs qui peuvent favoriser des changements indirects préjudiciables de l’affectation des sols. Si l’on parvenait à limiter la conversion des terres riches en carbone et à soumettre toutes les matières premières agricoles à des critères de durabilité comparables à ceux fixés pour les biocarburants, les changements indirects d’affectation des sols pourraient être restreints. En effet, la conséquence des changements indirects d’affectation des sols pour les biocarburants revient à des changements directs d’affectation des sols pour d’autres matières premières

Estimation des émissions de gaz à effet de serre dues à des changements indirects d’affectation des sols : une telle estimation nécessite de réaliser des projections des impacts, dont le caractère est incertain puisque les développements futurs ne suivront pas nécessairement les tendances du passé. En outre, les estimations relatives aux changements d’affectation des sols ne peuvent jamais être validées car les changements indirects d’affectation des sols constituent un phénomène impossible à observer ou à mesurer de manière directe. Il est donc nécessaire de faire une modélisation pour estimer ces changements indirects.

Pour fonder ses travaux sur les meilleures preuves scientifiques disponibles, la Commission a lancé plusieurs exercices d’analyse ainsi qu’une revue de la littérature existante sur les changements indirects d’affectation des sols en 2009 et 2010. Elle a également mené différentes consultations avec la communauté au sens large. Les travaux ont également tenu compte d’une série d’autres rapports externes. Deux de ces rapports contenaient des exercices de modélisation distincts :

- Le premier, réalisé par l’IPTS, faisait appel au modèle AGLINK-COSIMO. Cette modélisation partait de l’hypothèse que l’objectif de 10% pour les énergies renouvelables dans les transports serait atteint en utilisant 7% de biocarburants classiques et 1,5% de biocarburants avancés, comptant pour le double. Ce modèle tenait compte des impacts de la demande supplémentaire de biocarburants classiques nécessaires pour atteindre l’objectif, mais ignorait celle des biocarburants avancés ou des bioliquides. La répartition entre bioéthanol et biodiesel était identique à celle de l’essence et du diesel, c’est-à-dire 35% et 65% environ, de sorte que la part du biocarburant dans l’essence et le diesel correspondait approximativement à 8,5% dans chacun des cas. La modélisation aboutissait à la conclusion finale que cette option entraînerait, par rapport au scénario contrefactuel en 2020, un accroissement de la demande de 21 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep), exigeant une augmentation de 5,2 millions d’hectares de la superficie cultivée totale requise au niveau mondial, dont un quart de cette superficie dans l’UE. Cette modélisation ne calculait pas les impacts de cette conversion des sols en termes d’émissions de gaz à effet de serre.

- Le deuxième exercice de modélisation utilisait le modèle MIRAGE de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI). Il était basé sur l’hypothèse que l’objectif de 10% pour les énergies renouvelables dans les transports serait atteint en utilisant 5,6% de biocarburants classiques et le solde par d’autres moyens, notamment une contribution de 1,5% des biocarburants avancés, dans un scénario de maintien de la politique commerciale actuelle et dans un scénario de libéralisation totale des échanges. La demande supplémentaire de biocarburants avancés et de bioliquides n’était pas modélisée. Cette deuxième modélisation aboutissait à la conclusion que cette option entraînerait, par rapport au scénario contrefactuel en 2020, un accroissement de la demande de 8 Mtep, exigeant au niveau mondial une augmentation de la superficie totale de culture chiffrée à 0,8 million d’hectares pour le scénario de statu quo et à 1 million d’hectares pour le scénario de libre-échange. Les parts du bioéthanol et du biodiesel étaient respectivement fixées à 45% et à 55%. La superficie globale nécessaire augmentait de 2,8 millions d’hectares au niveau mondial pour le scénario prévoyant l’utilisation de 8,6% de biocarburants classiques, entraînant des émissions moyennes de 30 g/MJ.

La répartition entre bioéthanol et biodiesel s’est avérée très importante pour les estimations de l’impact des changements (indirects) d’affectation des sols en utilisant le modèle MIRAGE de l’IFPRI. Dans une autre simulation utilisant le modèle MIRAGE de l’IFPRI et basée sur le scénario prévoyant l’utilisation de 5,6% de biocarburants classiques avec une répartition de 25% de biodiesel et 75% de bioéthanol, les émissions moyennes liées aux changements (indirects) d’affectation des sols avoisinaient 45 g/MJ.

Le rapport note que les résultats des modèles varient donc considérablement selon les matières premières et les hypothèses commerciales. On peut considérer que la meilleure méthodologie disponible pour estimer les changements (indirects) dans l’affectation des sols passe toujours par les modèles économiques dans lesquels les décisions sont prises sur la base de prix relatifs. n’en reste pas moins que dans ce cadre de modélisation économique, il y aura toujours une série de questions non résolues, qui influencent considérablement les résultats.

La modélisation dépend d’hypothèses, surtout liées au traitement des coproduits, aux rendements existants, aux rendements marginaux, à la consommation de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux, à la classification des sols, aux élasticités, aux valeurs des stocks de carbone, au type de sol converti, à la modélisation des pâturages et aux facteurs de déboisement. La compréhension de ces éléments doit être approfondie.

Conclusions préliminaires et prochaines étapes : le rapport souligne que l’énergie produite à partir de sources renouvelables, notamment les biocarburants, est une composante essentielle de la stratégie de l’UE en matière d’énergie et de climat. Dans ce contexte, il est impératif de préserver le climat stable et prévisible pour les investissements instauré par la directive sur les énergies renouvelables. Celle-ci contient déjà des critères de durabilité rigoureux applicables aux biocarburants et aux bioliquides, notamment en ce qui concerne leurs performances sur le plan des émissions de gaz à effet de serre. La directive sur la qualité des carburants prévoit elle aussi un objectif ambitieux qu’il convient de respecter, concernant la réduction de l’intensité des émissions de gaz à effet de serre liées aux carburants utilisés dans les transports.

Pour ce qui est des changements indirects dans l’affectation des sols, la Commission reconnaît qu’il faut encore remédier à plusieurs lacunes et incertitudes liées à la modélisation nécessaire pour estimer les impacts, avec des incidences considérables sur les résultats des analyses réalisées jusqu’ici. Elle continuera donc à mener des travaux dans ce domaine afin de garantir que les stratégies sont décidées sur la base des meilleures données scientifiques disponibles et de satisfaire ses futures obligations d’information en la matière.

La Commission est cependant consciente que les changements indirects d’affectation des sols peuvent avoir un impact sur les réductions des émissions de gaz à effet de serre liées aux biocarburants et risquent d’amoindrir la contribution de ces derniers aux objectifs politiques si aucune mesure n’est prise. Elle estime ainsi que s’il faut intervenir, les changements indirects d’affectation des sols devraient être abordés sous l’angle du principe de précaution.

La Commission met en ce moment la dernière main à son évaluation des incidences, centrée sur l’évaluation des options stratégiques suivantes:

  • ne prendre aucune mesure pour l’instant, tout en continuant à surveiller la situation,
  • augmenter le seuil minimal de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les biocarburants,
  • introduire de nouvelles exigences en matière de durabilité applicables à certaines catégories de biocarburants,
  • attribuer aux biocarburants une quantité d’émissions de gaz à effet de serre reflétant l’impact présumé des changements indirects dans l’affectation des sols.

La Commission présentera l’évaluation des incidences pour juillet 2011 au plus tard, accompagnée le cas échéant d’une proposition de législation modifiant la directive sur les énergies renouvelables ainsi que la directive sur la qualité des carburants.