Procédures d'insolvabilité dans le cadre du droit européen des sociétés
La commission des affaires juridiques a adopté un rapport de Klaus-Heiner LEHNE (PPE, DE) contenant des recommandations à la Commission sur les procédures d'insolvabilité dans le cadre du droit européen des sociétés (Initiative - article 42 du règlement).
La commission compétente note que l'hétérogénéité des dispositions nationales en matière d'insolvabilité est source, pour les sociétés ayant des activités transfrontalières, d'avantages ou de désavantages concurrentiels et de difficultés qui pourraient entraver la bonne restructuration des sociétés insolvables. Cette hétérogénéité incite à rechercher la juridiction la plus avantageuse (« forum shopping »).
Soulignant que l'existence de conditions identiques pour tous contribuerait à renforcer le marché intérieur, les députés demandent à la Commission de lui présenter, sur la base de l'article 50, de l'article 81, paragraphe 2, ou de l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une ou plusieurs propositions législatives ayant trait à un cadre européen de l'insolvabilité des entreprises, suivant un certain nombre de recommandations, afin de garantir des conditions égales pour tous.
Les recommandations détaillées concernant la proposition demandée ont trait à :
1) L'harmonisation d'éléments particuliers du droit de l'insolvabilité et du droit des sociétés : les députés recommandent en particulier :
- d’harmoniser, par voie de directive, les conditions d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité (ex : la procédure doit pouvoir être engagée à l'encontre d'un débiteur, s'il s'agit d'une personne physique ou morale, ou d'une association; les procédures doivent être lancées en temps utile pour permettre le sauvetage de l'entreprise concernée ; un créancier doit pouvoir demander l'ouverture d'une procédure s'il a un intérêt juridique à agir et s'il apporte la preuve qu'il détient une créance) ;
- d’harmoniser, par voie de directive certains aspects concernant la production des créances lors d'une procédure d'insolvabilité (ex : que la date pour déterminer les créances impayées soit celle de la survenance de l'insolvabilité de l'employeur ; que les créanciers disposent d'un certain délai pour produire leurs créances par écrit auprès du syndic ; que ce délai soit fixé à une période comprise entre un et trois mois à compter de la date de publication de la décision de faillite);
- d’harmoniser certains aspects concernant les actions en annulation (ex : les actes susceptibles de faire l'objet d'une action en annulation devraient être des opérations effectuées en situation d'incapacité de payer imminente, la création de sûretés, les opérations avec des parties liées ainsi que les opérations effectuées dans l'intention de spolier les créanciers) ;
- d’harmoniser des aspects généraux concernant les exigences quant aux compétences et à la mission du syndic (ex : le syndic doit être homologué par une autorité compétente d'un État membre ou mandaté par une juridiction compétente d'un État membre, jouir d'une bonne réputation et disposer du niveau de formation nécessaire pour l'accomplissement de ses fonctions; le syndic doit avoir compétence et qualité pour évaluer la situation de l'entité du débiteur et pour prendre en charge les tâches de gestion de l'entreprise) ;
- d’harmoniser certains aspects concernant la mise en place, les effets et le contenu des plans de restructuration (ex : le plan doit : i) contenir des règles concernant le remboursement des créanciers et la responsabilité du débiteur après la conclusion de la procédure d'insolvabilité; ii) renfermer toutes les informations pertinentes permettant aux créanciers de décider s'ils peuvent l'adopter; iii) pouvoir être homologué ou refusé selon une procédure spécifique devant la juridiction compétente).
2) La modification du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité : les recommandations portent sur :
- le champ d'application du règlement afin d'y intégrer les procédures d'insolvabilité au cours desquelles le débiteur conserve la gestion de l'entreprise (« debtor in possession ») ou les cas où un syndic provisoire a été désigné ;
- l’inclusion dans le règlement d’une définition de l'expression «centre des intérêts principaux», qui soit formulée de façon à empêcher toute recherche abusive de la juridiction la plus avantageuse ;
- l’inclusion dans le règlement d’une définition du terme « établissement » qui s'entendrait comme tout lieu d'opérations où le débiteur exerce de façon non transitoire une activité économique avec des moyens humains, des biens et des services ;
- un devoir clair de communication et de coopération non seulement entre syndics mais également entre les juridictions ;
- la modification du règlement de façon à ce qu'il n'encourage pas les actions en annulation transfrontalières, mais contribue à empêcher que les actions en annulation n'aboutissent sur la base de clauses désignant la loi applicable.
3) L'insolvabilité des groupes de sociétés : étant donné les différents degrés d'intégration qui peuvent exister au sein d'un groupe de sociétés, les députés considèrent que la Commission devrait présenter une proposition flexible pour réglementer l'insolvabilité des groupes de sociétés chaque fois que la structure fonctionnelle ou que la structure du capital social le permet. Ils suggèrent également le dispositif à prévoir lorsque les procédures d'insolvabilité touchent des groupes décentralisés.
4) La création d'un registre européen d'insolvabilité : les députés proposent la création d'un registre européen d'insolvabilité, dans le cadre du portail e-Justice européen, qui contienne au moins, pour chaque procédure d'insolvabilité transfrontalière en cours: i) les ordonnances et les décisions pertinentes des juridictions, ii) la désignation du syndic et ses coordonnées, iii) les délais à respecter pour la production des créances. Les juridictions seraient tenues de transmettre ces données au registre de l'Union européenne.
Les députés estiment que l'acte législatif sollicité devrait se fonder sur des évaluations d'impact approfondies, ainsi que le Parlement en a fait la demande.