Garantir l'indépendance des études d'impact
La commission des affaires juridiques a adopté le rapport d’initiative d’Angelika NIEBLER (PPE, DE) sur la garantie de l'indépendance des études d'impact.
Les députés rappellent que les études d'impact contribuent de manière positive à l'amélioration de la qualité de la législation européenne, au sens du "mieux légiférer" et que le Parlement s'est prononcé à plusieurs reprises pour le recours à des études d'impact indépendantes dans l'Union européenne. Dans ce contexte, les députés font un certain nombre de recommandations sur les exigences auxquelles devraient répondre les études d’impact, en vue d’en renforcer l’efficacité et l’indépendance.
Exigences générales concernant les études d’impact au niveau européen : rappelant que les études d'impact sont un moyen important d'aboutir à une réglementation intelligente et dont le législateur européen devrait davantage se servir pour être mieux à même d'évaluer les conséquences économiques, sociales, environnementales et sanitaires des options qui s'offrent à lui, les députés estiment que les études d'impact devraient jouer un rôle clé dans l'ensemble du cycle politique, de l'élaboration à la mise en œuvre, à l'application, à l'évaluation et à la révision de la législation et qu’elles devraient constituer une condition préalable à l'élaboration d'une législation de bonne qualité et à sa transposition.
S’il est clair qu'une étude impact ne peut en aucun cas se substituer au débat politique ni au processus de décision du législateur, elle se doit de répondre à un certain nombre de normes qui peuvent se résumer comme suit :
- avoir lieu dès les premières étapes de l'élaboration des politiques ;
- être totalement indépendantes et toujours s'appuyer sur une analyse fondée et objective des incidences potentielles ;
- associer des experts externes œuvrant dans tous les domaines d'action, ainsi que chacune des différentes catégories d'acteurs concernés ;
- se fonder sur le principe de la transparence (les feuilles de routes complètes indiquant la législation proposée devraient ainsi être publiées de manière plus rapide) ;
- permettre aux États membres d’évaluer les effets de la législation proposée sur les lois et sur les politiques publiques nationales dans le cadre d’un examen ex ante ;
- permettre à la Commission de vérifier la pertinence de ses propositions (notamment, le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité) et de mieux expliquer aux colégislateurs et à la population les raisons qui ont inspiré le choix d'une mesure donnée ;
- permettre de mieux identifier les problèmes, de consulter les parties concernées, de définir les objectifs à atteindre et de définir des options stratégiques ;
- être évolutive en prévoyant des mises à jour en cours de processus législatif ;
- être cohérente avec l’ensemble des politiques de l’UE, tenant compte de toutes les implications économiques, sociales et environnementales d’une mesure ;
- examiner la rentabilité de toutes les dépenses engagées et étudier les éventuelles répercussions sur les petites et moyennes entreprises (PME) ;
- étudier les conséquences ex post de la législation de l'UE sur la compétitivité de l'économie européenne ;
- étudier la valeur ajoutée européenne d’une mesure et la question de savoir quelles économies découlent d'une solution européenne ;
- tenir compte des conséquences du choix d'une norme européenne spécifique plutôt que d'une norme internationale ;
- comporter un examen exhaustif de l'option qui consiste à ne pas intervenir ;
- ne pas être utilisée de manière abusive pour bloquer une législation dont on ne veut pas et ne pas représenter une charge administratives trop lourde ;
- ne pas seulement avoir lieu avant l'adoption d'un texte législatif (ex ante) mais bien aussi dans la foulée de cette adoption (ex post).
Rappelant la responsabilité première de la Commission, qui doit mener des études d'impact de qualité concernant ses propositions lorsqu'elle exerce son droit d'initiative conformément au traité, les députés estiment que toute nouvelle proposition législative devrait toujours être assortie d'une étude d'impact, y compris dans le cadre de la simplification législative ou de la refonte du droit communautaire, des actes délégués et des actes d'exécution au sens des articles 290 et 291 du TFUE.
Pour ce qui est des améliorations possibles au niveau de la Commission, les députés suggèrent les principales mesures suivantes : i) renforcer l’indépendance des membres du comité d'analyses d'impact (actuellement nommés par le président de la Commission) en faisant désigner ces personnes après un examen minutieux du Parlement et du Conseil et en levant le lien de subordination vis-à-vis du président de la Commission; ii) associer aux travaux du comité d'analyses d'impact, des experts œuvrant dans tous les domaines d'action concernés ; iii) associer les commissions parlementaires compétentes du PE à la procédure d'analyse d'impact ainsi qu'aux travaux du comité d'analyses d'impact ; iv) mieux associer les États membres puisque ceux-ci doivent ensuite transposer les directives dans le droit national ; v) être plus transparente en assurant une publication complète de la liste de tous les experts qui ont participé à la procédure d'analyse d'impact ; vi) mieux identifier les options qui réduisent le plus les charges administratives ou engendrent le moins de bureaucratie ; vii) ne pas être présentée en même temps que la proposition législative, car cela donne l'impression que l'analyse d'impact sert avant tout à justifier la proposition de la Commission; viii) être publiée dans une série de publications spéciale de manière que ces analyses puissent être consultées par le public sur internet.
Pour ce qui est des améliorations possibles au niveau du Parlement européen, les députés rappellent que le Parlement doit pouvoir recourir à une étude d'impact parlementaire lorsque des changements de fond sont apportés à la proposition initiale. Il ne faut pas nécessairement que ce soit des études de grande ampleur mais plutôt des études limitées, des séminaires et des auditions d'experts. Dans ce contexte, les députés préconisent les mesures suivantes : i) introduction d’un visa type dans toutes les résolutions législatives qui soulignent la prise en compte de toutes les études d'impact menées par les institutions européennes ; ii) présentation de l'analyse d'impact par la Commission devant les commissions compétentes ; iii) possibilité de faire contrôler les analyses d'impact de la Commission par des experts externes et d'organiser des réunions extraordinaires avec des experts indépendants.
Les études d'impact du Parlement devraient par ailleurs être considérées comme une rectification apportée à l'analyse d'impact de la Commission. Il appartiendrait à la commission compétente, tenant compte de l'avis du rapporteur, de décider s'il y a lieu de procéder à une étude d'impact parlementaire. Dans ce contexte, les députés appellent à la modification du règlement intérieur du Parlement de manière à faire en sorte qu'une étude d'impact puisse être mandatée dès qu'un quart des membres de la commission le souhaitent. Les députés devraient en outre avoir la possibilité de demander, à titre individuel, des études restreintes pour obtenir des faits ou des statistiques utiles dans des domaines ayant trait à leur travail parlementaire (ce travail pourrait être réalisé par la bibliothèque du Parlement).
Création d'une structure autonome d'étude d'impact pour le Parlement européen et perspectives : enfin, les députés demandent la mise au point d'une procédure commune d'étude d'impact, sur la base d'une approche et d'une méthodologie communes, utilisées par toutes les commissions. Ce processus se déroulerait sous l'égide d'une structure autonome, qui utiliserait les ressources propres du Parlement, avec la participation, par exemple, de la bibliothèque et des départements thématiques. Les députés souhaitent que cette infrastructure administrative soit créée sans impact financier sur le budget, en reposant sur l'utilisation des ressources disponibles. Ils suggèrent également la mise en place d'une approche commune des institutions européennes en matière d'étude d'impact et appellent le Conseil à recourir de manière plus récurrente à l'instrument de l'étude d'impact (dans la mesure où il ne l’utilise pas du tout).