Réelle stratégie européenne pour les matières premières

2011/2056(INI)

La commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie a adopté un rapport d’initiative de Reinhard BÜTIKOFER (Verts/ALE, DE) sur une stratégie efficace des matières premières pour l'Europe, en réponse à la communication de la Commission européenne intitulée «Relever les défis posés par les marchés des produits de base et les matières premières».

1) Une stratégie des matières premières : le rapport souligne que la disponibilité des matières premières, l'accès équitable à celles-ci et des prix stables et prévisibles sont autant d'éléments fondamentaux pour le potentiel de développement, la compétitivité, l'innovation et la protection de l'industrie européenne œuvre. Les députés estiment que la politique des ressources et la diplomatie des ressources revêtent une grande importance pour l'Union, non seulement sous l'angle de la politique industrielle et du commerce international, mais aussi en tant que problème transversal relevant de différents domaines de politique intérieure ainsi que de la politique étrangère et de la politique de sécurité. La responsabilité de déployer une diplomatie européenne cohérente et efficace devrait incomber au Service européen pour l'action extérieure (SEAE) et aux services concernés de la Commission, notamment la DG « Commerce » pour les questions commerciales, lesquels devraient travailler en étroite coordination avec le Conseil et le Parlement européen.

Le rapport demande à la Commission d’accorder une attention appropriée, d'une part, au marché des produits de base et, d'autre part, à l'initiative « Matières premières », dès lors que ces deux questions exigent des mesures élaborées en fonction de leurs problèmes respectifs. Il invite également la Commission à : i) mettre à jour régulièrement la liste des matières premières critiques et à surveiller les matières premières non rares, ii) créer un indicateur de risques pour les matières premières critiques, iii) analyser les besoins et les prix, actuels et futurs, ainsi que les effets défavorables d'éventuelles pénuries de matières premières critiques, en particulier de terres rares, dans les secteurs des énergies renouvelables, de la haute technologie, de la défense et même de l'automobile.

Le rapport préconise la création en 2011 d'un groupe de travail interservices de haut niveau pour les matières premières regroupant les directions générales compétentes, le Centre commun de recherche, l'Agence européenne pour l'environnement et le SEAE, pour élaborer, suivre et réviser les politiques, assurer la cohérence stratégique et promouvoir la mise en place d'un système d'alerte précoce, ciblé sur les distorsions du marché et les conflits attisés par les ressources naturelles. La Commission est invitée à :

  • élaborer une feuille de route pour les matières premières en Europe à l'horizon 2050 qui cernerait l'évolution future, les risques et les possibilités dans les secteurs des matières premières et des matières premières critiques et permettrait aux industries européennes, aux établissements universitaires et de recherche d'engager une planification et des investissements à long terme;
  • encourager les États membres à élaborer leurs propres stratégies des matières premières et à promouvoir entre eux la coordination et l'échange de bonnes pratiques, y compris en ce qui concerne la dimension extérieure.

2) Efficacité des ressources, réutilisation, recyclage et substitution : les députés estiment que les défis des matières premières sont l'occasion de renforcer les bases industrielles, les capacités techniques et le savoir-faire de l'Union, d'améliorer la compétitivité et d'assurer des emplois qualifiés stables via une stratégie de l'innovation et de la recherche industrielle ambitieuse. Selon eux, la compétitivité, la durabilité et la sécurité dépendra en grande partie de la bonne gestion des matières premières et de l'augmentation de l'efficacité, de la réutilisation, du recyclage efficace en énergie, de la réduction dans l'utilisation des ressources, notamment grâce à l'amélioration des normes de qualité des produits et, le cas échéant, au principe d'une utilisation prolongée et du recours aux technologies vertes.

Les députés estiment que :

  • toute initiative dans ces domaines devrait reposer sur des évaluations d'impact axées sur les éventuelles conséquences pour l'environnement, la compétitivité et la société;
  • il importe d'appliquer de manière cohérente la hiérarchie européenne des déchets, contraignante en droit, telle qu'elle figure dans la directive-cadre relative aux déchets, qui donne priorité à la prévention, à la réutilisation et au recyclage, suivis par la récupération et l'élimination;
  • l'innovation sociale, les changements de modes de vie et des formules nouvelles telles que l'écoleasing, la location ou le partage de produits de chimiques devraient être appuyés par la Commission.

La Commission est invitée, entre autres, à : i) envisager, sur la base d'une évaluation d'impact, d'étendre l'approche de l'écoconception aux matières premières ; ii) définir une stratégie de recyclage garantissant que la récupération s'effectue le plus près possible de la source des déchets ; iii) présenter une proposition de modification de la directive concernant la mise en décharge des déchets ; iii) définir les priorités pour la recherche et l'innovation concernant des méthodes durables d'exploration et de production, les cycles et le recyclage des produits, la substitution et l'efficacité des ressources.

3) Approvisionnement durable de l'Union : le rapport demande l'élaboration de politiques sans incidence budgétaire pour aider les secteurs nationaux de matières premières à attirer des investissements. Il préconise une collaboration plus étroite entre les services géologiques nationaux et encourage l'utilisation de normes et de pratiques communes qui faciliteraient l'échange et l'exploitation des données géologiques disponibles. La Commission est invitée à examiner la nécessité de créer un service géologique de l'Union regroupant les travaux des services d'analyse nationaux et ceux des partenaires internationaux.

Soulignant l'importance de l'offre intérieure en matières premières en Europe, le rapport demande :

  • une meilleure coordination en ce qui concerne les méthodes d'exploration, d'extraction, de distribution, de transformation, de réutilisation et de recyclage;
  • aux autorités publiques compétentes (nationales, régionales et locales) d'appliquer des procédures administratives claires, efficaces et coordonnées pour l'octroi des autorisations d'exploitation des matières premières,
  • aux États membres de concevoir une politique de planification de l'usage du territoire, incluant des estimations à long terme de la demande régionale et locale en minerais.

La Commission est invitée à évaluer le besoin de mettre en place un mécanisme de stockage des matières premières critiques, en particulier les terres rares, qui garantirait aux entreprises européennes l'accès aux matières stratégiques utilisées dans les industries vertes, des hautes technologies, de la défense et de la santé, ainsi que la protection contre une pression monopolistique et les augmentations de prix.

4) Approvisionnement équitable et durable en matières premières : constatant un nombre croissant de restrictions commerciales et de distorsions de la concurrence dans les échanges de matières premières, les députés demandent à la Commission de suivre de près, aux niveaux régional, multilatéral et bilatéral, la question des restrictions à l'exportation et à l'importation. Ils soutiennent la création au sein de l'OMC d'un instrument de surveillance des barrières tarifaires et non tarifaires au commerce des matières premières et des terres rares, ainsi que la mise en place au sein du G20 d'un « conseil de stabilité pour les matières premières et les terres rares ». Ils soulignent en particulier  la nécessité d'un dialogue technologique et commercial avec la Chine.

La commission parlementaire salue l'intention de l'Union de pratiquer une diplomatie active des matières premières, qui englobe différentes politiques dans les domaines des affaires étrangères, du commerce, de  l'environnement et du développement, et qui promeuve et renforce les principes démocratiques, les droits de l'homme, la stabilité régionale, la transparence et le développement durable. Elle recommande d’élaborer à très court terme des actions prioritaires concrètes et une stratégie complète pour une réserve durable de terres rares.

Le rapport souligne le rôle que joue la responsabilité sociale des entreprises par le respect, à l'étranger, de normes rigoureuses dans les domaines environnemental, social, et du travail et par le recours aux meilleures techniques disponibles. Dans ce contexte, la Commission est invitée à présenter une proposition concernant les minéraux de conflit sous la forme d'un rapport par pays et à établir des conditions juridiquement contraignantes pour les entreprises d'extraction, afin que celles-ci publient les paiements de leurs recettes pour chaque projet et chaque pays dans lesquels elles investissent, en suivant l'exemple de la loi américaine Dodd-Franck.

Les députés considèrent que les entreprises européennes devraient être juridiquement responsables dans leur pays d'origine des violations des droits de l'homme, des normes environnementales ou des normes fondamentales de l'OIT en matière de travail qui sont commises par leurs filiales à l'étranger et par les entités qu'elles contrôlent.

Inquiets de la persistance du commerce et de l'utilisation de minerais issus de zones de conflits, les députés invitent la Commission et les pays fournisseurs stratégiques de l'Union européenne à développer conjointement des mécanismes de traçabilité efficaces des matières premières, et à introduire un système de certification mutuel pour les matières premières et leurs chaînes d'approvisionnement (Certified Trading Chains), de manière à assurer un commerce équitable.

En outre, la Commission est invitée à prendre les mesures nécessaires afin de garantir la transparence sur les marchés des matières premières et à lutter contre la spéculation injustifiée sur les matières premières, susceptible de conduire à des abus sur les marchés concernés.

5) Produits agricoles et marchés des matières premières : le rapport soutient l'analyse de la Commission concernant les produits agricoles au vu de la sécurité alimentaire mondiale, qui fait état de l'amenuisement des réserves mondiales et de l'augmentation de la population et de la faim dans le monde.

Voyant dans le rôle des instruments financiers et de la spéculation une possible cause grave d'instabilité, les députés demandent à la Commission de proposer des mesures concrètes pour garantir la sécurité alimentaire, lutter contre l'instabilité du marché de façon urgente et renforcer le bon fonctionnement des marchés dérivés des matières premières agricoles dans un esprit de responsabilité globale et durable.